5 octobre 2020
5 octobre 2020
Temps de lecture : 5 minutes
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Comment La Place Stratégique imagine aider la France à garder ses pépites des secteurs clés

Face à la crainte de voir nos jeunes entreprises stratégiques s’exiler ou être rachetées par des entités étrangères, Laurent Collet-Billon et Frédéric Duponchel viennent de lancer leur association. Son objectif : créer le cocon idéal pour faire grandir ces pépites et les garder en France.
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Photo by ruedi häberli on Unsplash

Vous vous rappelez l'histoire d'Aldebaran Robotics, cette société stratégique française rachetée par SoftBank en 2016 ? À l'époque, son fondateur, Bruno Maisonnier, l'avait vendue pour 100 millions d'euros faute de trouver des fonds en France. Depuis, d'autres opérations de ce type ont fait perdre à l'Hexagone des pépites stratégiques pour sa défense et sa souveraineté. En décembre 2019, c'est Latécoère (équipementier aéronautique) qui passait sous pavillon américain. Conscients de l'enjeu, Laurent Collet-Billon, ancien délégué général pour l’armement de 2008 à 2017 et investisseur, et Frédéric Duponchel, président et co-fondateur de la société de conseil Accuracy, ont décidé de créer La Place Stratégique. Son objectif : développer un écosystème pluridisciplinaire de haut niveau autour des jeunes entreprises stratégiques françaises afin d'accélérer leur croissance. 

La protection des données au coeur du processus 

La première promotion vient tout juste de démarrer le programme. Sur les 250 candidatures reçues, neuf ont été sélectionnées : AirCaptif, Algodone, Amiral Technologies, Delfox, Earthcube, Olvid, Quandela, ScalinX, Squadrone Systems. "La motié est en software, l’autre en hardware et la moitié sont situées en dehors dela région parisienne” , détaille Vincent Huver ancien pilote de chasse et directeur général de la structure pour démontrer l'ouverture de l'association.

Pour arriver à ce stade, elles ont dû "démontrer qu’elles étaient stratégiques et possédaient une solution déjà existante et testée sur le marché” , poursuit Laurent Collet-Billon. Certaines ont même déjà réalisé une levée de fonds. Si l'accès ne se limite pas aux startups, un Thalès pourrait-il alors postuler ? La réponse est claire : "Nous acceptons que des sociétés, startups ou PME réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros” , précise Vincent Huver. Qui plus est Thalès est uniquement orienté vers la défense alors que La Place stratégique tient à aider des sociétés faisant preuve de dualité, c’est-à-dire, s’adressant à la fois au marché civil et militaire. "C’est primordial car les sujets qu’elles traitent, comme la protection de l’information avec Olvid, touchent autant le militaire que les entreprises qui veulent protéger leurs informations” , renchérit l’ancien Délégué général pour l'armement. 

Neuf startups, c’est assez peu et c’est un parti pris. "Nous avons vocation à faire grandir ce nombre en fonction des parrains que nous aurons mais nous ne dépasserons jamais une quinzaine de startups” , poursuit Vincent Huver car l'objectif est de pourvoir se concentrer sur ces talents pour les faire grandir. 

Un accompagnement basé sur le réseautage 

À première vue, vouloir accompagner des entreprises dans leur développement ressemble fortement à du mentorat, du coaching ou une incubation-accélération. "Nous sommes l’antichambre de la traversée du désert pour les entreprises stratégiques”"qui peinent parfois à trouver leur marché et des financements, explique Laurent Collet-Billon. Selon l'ancien Délégué général devenu investisseur, "de nombreux entrepreneurs normaliens ont d'excellentes idées technologiques mais ils ne savent pas du tout gérer une entreprise. C’est à ce moment que La Place stratégique entre en jeu. Le programme d’un an renouvelable se divise en deux parties. La première, collective, permet d’apprendre les bases de l’entrepreneuriat : marketing digital, négociation, business plan... La seconde, individuelle et sur-mesure est élaborée en fonction des besoins des entrepreneurs·euses. L'objectif est claire : renforcer la viabilité et la fiabilité des sociétés pour qu'elles puissent se développer en France et exporter leurs solutions à l'étranger.

Pour assurer les ateliers, les conférences et accompagner les participant·e·s, l’association compte utiliser ses parrains parmi lesquels la direction générale des armées (DGA), l'Agence de l'Innovation de Défense (AID), la gendarmerie nationale, Thalès, Arquus et des cabinets de conseil comme Accuracy et Jeantet. Chacun de ces acteurs apportera sa contribution, de l'expertise en ingénierie et en industrialisation à la protection des solutions par le droit.

Grâce à leur réseaux respectifs, Laurent Collet-Billon et Frédéric Duponchel offriront également à leurs protégé·e·s un accès facilité à l’État au sens large (direction générale des armées, ministère des armées ou encore ministère de l’économie) et à de grands industriels. Libre à eux ensuite, "dé négocier des partenariats" , suggèrent les deux associés. 

L'État, seul garant de la protection de nos fleurons  

Grâce à cette recette, somme toute classique, les deux fondateurs espèrent ainsi créer un écosystème vertueux capable d'inciter les entreprises à garder leur valeur stratégique en France malgré leur déploiement à l’international. Si l'association réussit à créer un cadre propice au développement et à la croissance de ces sociétés, il est difficile de croire que la concurrence étrangère ne tentera pas de mettre la main dessus, surtout si elles se révèlent aussi talentueuses que prévues. Interrogés sur la question, les deux associés croient simplement "dans le dispositif mis au point par la France qui a permis de sauver Photonis d'un rachat américain" . Bruno Le Maire a, en effet, annoncé en avril durcir le processus de vérification des prises de participation étrangères dès 10% de capital acquis contre 25% auparavant. En ce sens, La Place Stratégique s'ancre davantage comme un développeur que comme un protecteur des pépites françaises.

Pour se financer, l’association compte sur ses partenaires, les startups accompagnées à hauteur de 1000 euros par mois ainsi que la générosité de leurs futures licornes. "Elles doivent remplir une charte lors de leur adhésion. Nous leur demandons de reverser une partie de leur plus-value une fois qu'elles ont bien grandi” . Pour bénéficier de cet accompagnement, les sociétés devront tout de même débourser 12 000 euros minimum mais c'est apparemment le prix pour devenir une licorne. "Nous en avons au moins une ou deux dans cette première promotion" , s'avance Laurent Collet-Billon.