29 octobre 2020
29 octobre 2020
Temps de lecture : 5 minutes
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La DeathTech ne devrait plus envoyer autant de startups au cimetière

Les startups de la DeathTech, dont l'activité est liée de près ou de loin à la mort, ont été nombreuses à tomber ces dernières années. Pourtant, elles semblent plus robustes que jamais. Largement renforcées par les restrictions de rassemblement visant à lutter contre le Covid-19, elles sont nombreuses à avoir effectué un virage vers le B2B.
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Article initialement publié en octobre 2020

Le secteur de la DeathTech – les activités liées de près ou de loin à la mort – sortirait-il enfin de terre ? Alors que ces startups ont longtemps été à la peine, le contexte lié à la pandémie de Covid-19 semble leur profiter. Nombreuses sont celles qui ont vu leur chiffre d’affaires exploser ces derniers mois, suite à la limitation du nombre de personnes pouvant se réunir lors des obsèques notamment. Des mesures difficiles à admettre lorsque l'on traverse une période de deuil, qui participent d’un "changement dans les mentalités". Les acteurs du secteur jugent ainsi que l'usage de la technologie, jusqu'ici perçu comme inapproprié dans ces moments douloureux, serait de moins en moins tabou.

Comprendre et respecter les besoins humains

La France recense 650 000 décès par an, un chiffre en augmentation – particulièrement chez les plus de 65 ans – cette année du fait de la crise sanitaire selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). "Les services funéraires représentent un marché lucratif, sur lequel certains entrepreneurs se sont dits qu’ils allaient réinventer la roue, explique à Maddyness Pauline Ronez, fondatrice de la startup Une Rose Blanche, dont la plateforme permet aux proches du défunt de mettre leurs souvenirs en commun pour éditer un livre hommage. Le problème, c’est qu’ils ont eu tendance à occulter l’aspect humain qui prime dans ce domaine". Déconnectés des réalités, les startuppeurs ? C'est une des raisons qui explique la difficulté à faire émerger des modèles économiques robustes.

À titre d’exemple, la jeune pousse francilienne Memory Forever ambitionnait, à sa création en 2015, "d'ubériser" l'entretien des tombes. Sa plateforme mettait ainsi en relation de particuliers avec d"autres personnes, à même de se rendre dans les cimetières. Un produit qui n’a jamais trouvé son public, forçant l'entreprise à mettre la clé sous la porte quelques années plus tard. "Il faut éviter l'écueil qui consiste à désintermédier, c’est-à-dire à ce que tout se passe en ligne, estime Virgile Delporte, président-fondateur de Testamento, à la croisée de l'AssurTech et de la DeathTech avec sa plateforme d'anticipation successorale. Quand un événement de cette nature survient, il faut que les proches puissent s’impliquer dans la gestion administrative pour faire leur deuil." À noter que, si elle est influencée par la culture américaine, la société française est bien moins expressive sur le sujet du décès. Elle est donc, a priori, moins réceptive aux innovations que peut présenter le secteur.

Le B2B, davantage porteur que le B2C

Lors de crises, quand le seuil d'angoisse monte dans la société, la fébrilité des citoyens se fait ressentir sur le nombre de clients particuliers, qui tentent de préparer "leur éventuelle propre disparition". Si le confinement a, selon Pauline Ronez, contribué à "faire disparaître les jugements négatifs" qui sont portés sur les DeathTech, ces dernières parviennent surtout à se stabiliser grâce aux clients professionnels. Le marché B2B, plus apte à appréhender les technologies proposées, est aujourd'hui un socle sur lequel la plupart des jeunes pousses du secteur reposent. Les entreprises représentent ainsi un tiers des clients d’Une Rose Blanche, qui affirme enregistrer cinq fois plus de commandes depuis le confinement ayant eu lieu de mars à mai 2020. Testamento confirme la tendance, sa performance commerciale ayant "augmenté de plusieurs dizaines de pour cent sur les derniers mois".

Ce succès est le fruit d'un virage réussi vers le marché B2B dès 2017. "Il est plus difficile de lever des fonds en adoptant un positionnement B2C. Mais l’avantage premier se trouve ailleurs : nous avons indirectement accès à la base d’utilisateurs établie par nos clients professionnels", souligne Virgile Delporte, précisant que 2,5 millions de personnes ont ainsi accès aux offres de Testamento – qui fait état de 10 clients grands comptes, parmi lesquels figure l’assureur Generali. Les entreprises voient dans les DeathTech un moyen de se différencier de la concurrence, en proposant toujours plus de services en ligne. Cela dit, mettre un pied dans ce marché exigerait de la préparation. "Divers aspects, tels que la sécurité, doivent être bordés pour convaincre des professionnels. Il y a un monde entre le B2C et le B2B, insiste Virgile Delporte, précisant que sa startup traite un milliard d’euros de données patrimoniales chaque mois. Il est ici question de passage à l’échelle industrielle."

À noter, par ailleurs, que peu importe le marché adressé, les DeathTech ont tout intérêt à manier l'art des mots. D’expérience, Une Rose Blanche et Testamento savent qu'un terme peut créer un sentiment de malaise… quand l'un de ses équivalents est mieux accepté. "Il faut que le discours soit solide. Si l’on en croit les résultats d’une enquête que nous avons réalisée pour provoquer la réaction des personnes, un service qui sera promu avec le terme "mort" se vendra 50 % moins que celui qui emploie "décès". Les mots sont très lourds", avertit Virgile Delporte. Les jeunes pousses qui parviennent à subsister dans cet univers à part ont compris l'astuce : il leur faut, en toute circonstance, tenir un discours décomplexé tout en composant avec le tabou. "Le vernis n’est, somme toute, pas très solide. Les gens attendent que la question leur soit posée… mais uniquement au bon moment et avec la bonne approche", selon le fondateur de Testamento. Un éternel travail d’équilibriste.

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