Le sentiment d’isolement social de la population a grimpé en temps de Covid-19. 31% des salariés déclarent que le télétravail en période de confinement a eu un impact négatif sur leur santé psychologique, selon une étude de Malakoff Humanis, en juin dernier. « Ce problème est décuplé pour les personnes sourdes et malentendantes, se désole Thibault Duchemin, fondateur de la startup Ava. En période de pandémie, leur vie est devenue un enfer, les masques ont coupé toute possibilité de lecture sur les lèvres et, lors des réunions à distance, pour peu que les participants n’activent pas leur caméra, cela coupe court à toute chance de compréhension de cette communauté » .
Ce sombre constat a fait décoller la startup qui propose des outils de sous-titrage. « Le besoin est énorme, il est urgent de trouver des réponses pour les 450 millions de personnes touchées » , poursuit cet entrepreneur qui a vu la demande de sa solution multipliée par cinq depuis le début de la crise. Ava vient d’annoncer une levée de 4 millions d’euros dans un nouveau tour de financement mené par les VCs américains Khosla Ventures et Initialized Capital, portant l’investissement total à 6 millions d’euros.
Entendant dans une famille sourde
Thibault Duchemin n’est pas arrivé par opportunisme dans ce secteur : il a lui-même connu été confronté à ce handicap. « Mes parents et ma soeur sont sourds et, comme dans ‘La Famille Bélier’ (film sorti en 2014, ndlr), j’étais le seul entendant. J’ai grandi depuis mes cinq ans en faisant le relai entre les diverses communications entre eux et un monde inaccessible comme les émissions TV, les rendez-vous chez le banquier ou chez le médecin, se rappelle-t-il. Quand je suis parti faire mes études d’ingénieur à Berkeley, j’ai réalisé l’ampleur du problème : j’étais loin d’eux, je ne pouvais plus les aider » .
Le but de la startup, qui compte déjà Air Liquide, EDF, Airbus, Assas ou encore Sophia Antipolis parmi ses clients, vise à proposer des solutions fiables, précises et instantanées de sous-titrage des échanges d’une personne sourde ou malentendante en milieu professionnel. La solution, dont l’offre commence à 99 euros par mois, se veut aussi une réponse aux problématiques budgétaires des personnes porteuses de ce handicap : « Toutes n’ont pas les moyens de faire appel à un interprète, dont la disponibilité est limitée… Ce n’est pas adapté aux besoins de communication actuelle » , insiste celui qui a été distingué, en 2017, comme « l’innovateur de l’année de moins de 35 ans » par la Technology Review du MIT.