18 décembre 2020
18 décembre 2020
Temps de lecture : 4 minutes
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Sigfox, l'une des pépites de la French Tech, navigue en eaux troubles

Dans une enquête du pure player Mediacités, plusieurs actuels et ex-salariés de Sigfox s’insurgent contre le management dans l’entreprise, jugé de plus en plus toxique. Le président-fondateur, Ludovic Le Moan, est régulièrement mis en cause. Dans le même temps, un plan de sauvegarde de l’emploi vient d’être lancé par l'entreprise.
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Longtemps érigée en exemple de success story à la française, membre du fameux indice Next 40 lancé par le gouvernement pour mettre avant les pépites de la scène tech française, la scaleup Sigfox traverse une zone de turbulences. Si le spécialiste des réseaux bas débit pour l’Internet des objets (IoT) a mené, dans les années ayant suivi sa fondation en 2009, une politique de recrutement extrêmement ambitieuse, portant ses effectifs à plus de 300 personnes dans le monde, l'entreprise toulousaine doit aujourd'hui affronter le revers de la médaille de cette croissance, celui d'un management jugé "brutal", entraînant plusieurs plaintes devant les Prud'hommes de Toulouse et Paris.

Dans une enquête en deux parties, le site Mediacités, qui a interrogé une vingtaine d'actuel·le·s et ancien·ne·s salarié·e·s racontent le sentiment de mal-être qu'ils ont vécu au sein de l’entreprise. Parallèlement, Sigfox a lancé avant l'été son plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) en France, rendu public quelques mois plus tard. Dans le détail, Sigfox devrait se séparer de 13 % de ses employés dans le monde, passant ainsi de 370 à 320 personnes. En France, le plan social concerne 47 employés.

La personnalité du PDG mise en cause

Si son réseau a déjà été déployé dans 72 pays à date, Sigfox peine à atteindre l’équilibre financier quand bien même même elle a levé 280 millions d’euros en 10 ans. Le climat dans l’entreprise, pesant en raison des mesures économiques et sociales draconiennes, l’est d’autant plus depuis que remontent à la surface les plaintes d’actuel·le·s et ancien·ne·s employé·e·s. Le principal mis en cause ? Ludovic Le Moan, président-fondateur. "Il faut un électrochoc et le retour de l'humilité, notamment pour le CEO, qui au lieu de donner des grandes leçons aux autres devrait plutôt s'affairer à redresser sa boîte" , indique à Maddyness un ancien salarié. Un témoignage qui recoupe ceux relayés par Mediacités dans son enquête, accablante pour le dirigeant.

Certain·e·s employé·e·s, qui ont demandé à conserver l’anonymat précise Mediacités, lui reprochent de les avoir pris en grippe et dénoncent un caractère éruptif. Si Ludovic Le Moan est décrit comme "inspirant" et "charismatique", selon les propos rapportés par Mediacités, il est aussi perçu comme quelqu’un de "narcissique" et "versatile". "Il t’a mis sur un piédestal, puis tout à coup tu n’es plus rien. Des gens ont travaillé jusqu’à l’épuisement pour lui plaire" , témoigne ainsi une ex-cadre de l'entreprise dans Médiacités. "Il n’a pas d’attache émotionnelle avec les gens. Je l’ai vu virer certains de ses amis, qui avaient toujours défendu l’entreprise, du jour au lendemain" , renchérit dans ce même article un ancien salarié de la communication, un service qui aurait un temps été la cible des critiques de la direction sous prétexte que "ce qu’ils faisaient était nul".

La direction de l'entreprise minimise les faits

Une des autres préoccupations soulevées par celles et ceux qui osent prendre la parole : le comportement du chef d’entreprise vis-à-vis des femmes. La quasi-totalité des femmes interrogées par Mediacités mettent en avant "un côté libidineux", évoquant des regards déplacés ou encore des blagues sexistes. "Peut être que la raison pour laquelle ça n’est jamais sorti est à trouver du côté du réseau" de Ludovic Le Moan, lance notre informateur, qui juge que "sa proximité avec Emmanuel Macron peut faire peur". "Je n'ai jamais manqué de respect, ni harcelé quiconque sexuellement ou moralement" , s'est défendu le dirigeant auprès de Mediacités.

Sollicités par le site, la directrice des ressources humaines, Karine Bugarel, et le directeur des opérations, Franck Siegel, disent s’être attachés à "changer la culture d’entreprise" afin de "ne plus laisser place à l’excès". Karine Bugarel déplore que "le mal de Sigfox est qu'il y a toujours eu beaucoup de rumeurs". Ludovic Le Moan juge, pour sa part, que "les gens sont traités correctement" au sein de sa société. Pourtant, comme le relève  Mediacités, 27 % des employés de l’entreprise seulement se disent à cette heure satisfaits de leur patron sur Glassdoor, un site de référence sur lequel les salariés notent anonymement leur environnement de travail – les dirigeants d’Airbus ou Seb bénéficient, à titre de comparaison, d'un taux d'approbation de plus de 90 %.

Contactée par Maddyness, Sigfox a indiqué "condamner avec force tout acte et forme de harcèlement et prendre très au sérieux les allégations citées dans l’article de Mediacités". La startup affirme que "des valeurs telles que le respect mutuel et l’épanouissement personnel sont les principes directeurs de notre culture d'entreprise" et qu'elle continuera à "tout mettre en œuvre pour qu'elles soient renforcées à chaque niveau de l'organisation". Elle assure ainsi avoir mis en place un programme de prévention des risques psycho-sociaux, "pour veiller au bien-être, à la santé et à la sécurité de chaque Sigfoxer".