Ces derniers mois, Tencent fait ses emplettes en France. Le géant chinois des services en ligne se montre particulièrement intéressé par les studios de jeux vidéo indépendants de notre pays. En août 2020, il entrait ainsi au capital de Voodoo. L’opération a permis à la scaleup tricolore de se voir octroyer le statut de licorne : sa valorisation s’établit désormais à 1,4 milliard de dollars – selon une estimation effectuée par l’AFP, l’investissement de Tencent s’élèverait à 400 millions d’euros bien qu’aucun montant n’ait officiellement été communiqué.
Fin janvier 2021, c’est dans le cadre de la dernière levée de fonds du studio parisien Dontnod – d’un montant total de 50 millions d’euros – que la firme de Shenzhen a mis un ticket de 30 millions d’euros. De quoi détenir 23 % de son capital. Tour à tour, les pépites françaises ont salué des opérations visant à accélérer leur développement et tout particulièrement en Asie du Sud-Est, la région d’où est originaire leur nouvel actionnaire. Des acteurs de l’industrie confient à Maddyness leur sentiment ambivalent vis-à-vis de l’arrivée fracassante d’un géant tel que Tencent sur la place française, entre réjouissances et inquiétudes. Témoignages.
Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV)
« Les quelques prises de participation de Tencent dans de jeunes studios français doivent être perçues comme une confirmation de notre innovation et de notre créativité en matière de jeux vidéo. C’est une industrie mondiale par nature et nos entreprises peuvent toucher toutes les populations à travers le monde. Par ses récents investissements, Tencent ouvre des perspectives commerciales à ces acteurs. Le marché chinois est difficile à pénétrer et pouvoir compter sur le soutien des acteurs endémiques n’est pas négligeable. D’autant plus que la vitesse est importante dans cette industrie : plus on se positionne rapidement sur un marché, mieux on s’y installe. Cette implication de Tencent est donc plutôt positive.
Le revers de la médaille, c’est une certaine perte d’indépendance. Ces géants pourraient un jour avoir leur mot à dire sur la stratégie ainsi que le développement des sociétés dans lesquelles ils investissent. Il ne faut évidemment pas perdre de vue que leur financement n’implique pas qu’un lien financier. En revanche, je ne crois pas que la souveraineté des pays européens soit en danger. C’est plutôt une question de diplomatie culturelle, puisque nous devons faire émerger des géants sur le Vieux continent. Il n’en existe pas à date. Or, le jeu vidéo parvient à s’exporter, ce qui n’est plus le cas du cinéma et de la littérature.
Nous avons une valeur ajoutée et c’est pour la renforcer qu’accompagner la croissance des acteurs du secteur devient primordial. Cette industrie est gourmande en capitaux et il faut la financer. Nous apportons notre pierre à l’édifice, puisque nous avons mis sur pied un programme d’accompagnement sur 12 mois en lien avec Bpifrance [sobrement nommé l’Accélérateur Jeux Vidéo, il reçoit les candidatures pour intégrer sa première promotion jusqu’au 24 mars 2021, N.D.L.R.]. L’intérêt est là, il ne reste qu’à structurer les équipes et la filière pour nourrir l’intérêt dont font preuve les acteurs internationaux pour la France. »