25 mai 2021
25 mai 2021
Temps de lecture : 5 minutes
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Believe : les enjeux de son introduction en Bourse

L'entreprise française Believe, spécialiste de la musique numérique, a fait part de son intention de s’introduire en Bourse prochainement. Maddyness a interrogé Joy Sioufi, partner au sein de la banque d'affaires GP Bullhound, pour en savoir plus sur les coulisses de l'opération.
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Alexander Popov

Les startups et entreprises innovantes françaises sont encore peu nombreuses à faire part de leur intention d’entrer en Bourse. C'est pourtant l'étape clé pour démontrer la puissance d'un écosystème biberonné aux levées de fonds "records" et aux labels gouvernementaux. Dans l'air du temps, Doctolib, ManoMano ou Mirakl ont le profil de l'emploi mais pour l'instant, leurs dirigeants n'ont dévoilé aucune intention en ce sens. OVHcloud a mis son projet en stand by.

Dans les pas d'Ekwateur, mais avec des ambitions bien plus importantes, Believe a pris les devants. Créée en 2005, Believe n'est plus une startup. Mais bien une entreprise mature en forte croissance. À la croisée des labels des majors de l’industrie musicale – Universal, Warner et Sony – et experts de la diffusion en streaming, elle a ainsi annoncé il y a quelques jours avoir reçu l’aval de l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour mener cette opération qui pourrait avoir lieu d’ici à la fin de l'année 2021. "La question d’une IPO a commencé à se poser lorsque trois feux sont passés au vert, explique à Maddyness Joy Sioufi, partner chez GP Bullhound, une banque d’investissement britannique qui conseille Believe depuis 2014. D’abord, l’entreprise fait état d’un profil de croissance rentable. Ensuite, elle a restructuré sa gouvernance et procédé à une dizaine d’acquisitions. Et enfin, elle est en très bonne posture."

Les actionnaires ont aligné leurs agendas

Avant cette annonce, plusieurs acquéreurs s’étaient préalablement positionnés. Une solution écartée car les actionnaires de la scaleup avaient des divergences de calendrier en matière d’exit. Selon le document officiel d’homologation de l’opération par l’AMF, le capital de Believe se répartit entre le fonds californien Technology Crossover Ventures (49,64 %) — qui a financé Spotify ou Netflix — Ventech (20,34 %) le fondateur Denis Ladegaillerie (15,04 %), XAnge (8,06 %), GP Bullhound (2,57 %) et les autres actionnaires, tels que des family offices (4,35 %).

Une levée de fonds en interne, menée en 2019, a permis de "rééquilibrer les agendas" des uns et des autres, selon Joy Sioufi. Ce qui a permis d’envisager dès la fin 2020 une introduction en Bourse. "Cette option permet à l’entreprise de garder sa totale indépendance, contrairement à une vente à des fonds d’equity qui comporte une notion de dette" , relève-t-il également, indiquant qu’il s’agit d’un "cheminement qui a pris plusieurs années" . Il a fallu, pour Believe, se préparer en établissant des statistiques claires. Le top management de l’entreprise a évolué au gré de promotions et de recrutement de profils expérimentés, afin d’être suffisamment mature pour être en capacité de "converser avec les divers acteurs institutionnels". Une étape indissociable de toute introduction en Bourse.

Selon Joy Sioufi, Denis Ladegaillerie "a, bien sûr, les épaules" pour rester à la tête de son entreprise dans cette prochaine étape de développement. Le fondateur de Believe, qui a précédemment été Chief Strategy & Financial Officer de la division numérique de Vivendi Universal aux États-Unis (2001-2004), s’est dès le départ entouré d’experts pour cibler les artistes indépendants avec son label et offrir toute une galaxie de services numériques. "Grâce à sa vision, qui a consisté à bâtir un système pyramidal permettant de brancher les musiciens aux plateformes mondiales [telles que Spotify, NDLR] ou locales [Deezer, NDLR] suite à ces divers rachats, il a obtenu de belles exclusivités" , estime le conseiller, citant l’exemple des chanteurs Yseult et Vianney. Ces multiples acquisitions ont permis à la scaleup d’étendre sa présence géographique et ses catalogues musicaux. "Le fondateur de TuneCore, un service d’édition musicale fondé la même année que Believe et racheté depuis par cette dernière, a aussi apporté son expertise à l’équipe dirigeante."

Euronext plutôt que New York Stock Exchange

Si la scaleup a déjà communiqué sur son désir de lever au moins 500 millions d’euros pour aborder son introduction en Bourse, elle n’a pas souhaité rendre publique sa valorisation. Pour autant, son chiffre d’affaires avoisinait les 700 millions d’euros d’après Les Echos en 2019. "Believe n’a pas encore atteint le statut de licorne, se contente de confirmer auprès de Maddyness Joy Sioufi. Le chiffre de 500 millions d’euros à lever pourra, lui, être révisé en fonction des opportunités qui se présenteront."  Mais il serait suffisant pour permettre à l'entreprise de remplir l’objectif, un "marqueur" comme l’appellent les experts, d’atteindre une valorisation à hauteur de 2 milliards d’euros — ce que revendique par exemple BlaBlaCar, non coté — lors de l’entrée effective en Bourse. "Ce chiffre est légitime, au regard de la taille du marché adressable et de la rareté des actifs de Believe" , projette le partner, qui assure aussi que "son pipe d’acquisition lui permet de justifier sa capacité à lever des fonds" dans un secteur au sein duquel les innovations se multiplient. Ce qui joue parfois au désavantage de la tech, en matière d’entrée en Bourse.

Believe devrait s'introduire sur Euronext d’ici à la fin de l’année. Un choix qui a été fait suite à de "nombreuses hésitations" quant à la pertinence de rejoindre le New York Stock Exchange (NYSE), à l’image d’autres pépites tricolores – comme Criteo ou Talend. "Il faut prendre en considération ce que cela va entraîner pour la société. Cela modifie des aspects administratifs, une entreprise qui dépasse un certain seuil au NYSE doit passer son reporting sous une comptabilité américaine. Il y a également des conséquences sur la typologie du management et de l’actionnariat" , relève Joy Sioufi, qui avance que la sortie des actionnaires actuels pourrait intervenir "dès six mois après l’introduction en Bourse" – ce qui serait une moyenne pour ce type d’opération.

Le prix des actions est inconnu à cette heure. Mais ces dernières pourraient aussi bien être vendues par blocs qu’en liquidité. De quoi faire des heureux parmi les premiers soutiens. "La variable d’ajustement résidera dans une éventuelle sursouscription, auquel cas il faudra voir quels fonds seront candidats au rachat" , note le conseiller.