7 juin 2021
7 juin 2021
Temps de lecture : 5 minutes
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Bercy porte à 30 milliards d’euros l’objectif de financement des startups

Au cours d’un premier bilan de l’initiative Tibi, Bruno Le Maire a brossé un portrait flatteur, qui l’a conduit à réhausser l’objectif de financement des startups françaises à 30 milliards d’euros d’ici la fin de l'année 2022. De quoi, selon lui, consolider la recherche et le développement afin d’accompagner la croissance de grandes entreprises technologiques dans le pays.
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Xose BOUZAS / Hans Lucas via AFP

L’initiative Tibi serait d’ores et déjà un succès. Lancée en 2020 par le gouvernement dans le but de stimuler le financement des startups françaises en croissance par des investisseurs institutionnels, cette dernière donne satisfaction au ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, qui en a dévoilé ce lundi 7 juin 2021 un bilan à l’occasion d’une conférence de presse. "L’initiative Tibi a permis à la France de conserver, pour la deuxième année consécutive, la première place européenne en matière d’attractivité" , a ainsi noté le ministre, arguant que "la politique économique et fiscale constante" de l’exécutif a permis au pays de supplanter le Royaume-Uni et l’Allemagne. Alors que l’objectif initial était d’atteindre 20 milliards d’euros d'investissements d’ici à la fin 2022, Bruno Le Maire en a "proposé" un nouveau : 30 milliards à cette même échéance.

Financer davantage la R&D

Devant les représentants des investisseurs partenaires, dont le total est de 21 à date, le ministre a indiqué que "les 3,5 milliards d’euros mobilisés ont généré quelque 18 milliards d’investissements dans une cinquantaine de fonds" . Des résultats jugés meilleurs que ce qui était attendu. "Nous étions une nation de startups, nous allons devenir prochainement une nation de grandes entreprises technologiques" , a défendu Bruno Le Maire, appelant à mobiliser de nouveaux investisseurs, notamment étrangers. Ces jeunes entreprises, dont les besoins de financement se chiffrent en dizaines, voire en centaines de millions d'euros, ont jusqu’ici eu du mal à trouver des investisseurs capables de parier sur elles en France. Elles vont "vivre leur vie ailleurs, souvent aux États-Unis" , a regretté Bruno Le Maire, appelant à "rompre" avec cet état de fait et "développer un financement autonome".

Le ministre a émis le souhait que la France réussisse à faire apparaître "d'ici à 2025 au moins 25 licornes" , ces entreprises dont la valeur dépasse le milliard d'euros, contre 14 aujourd'hui – parmi lesquelles figurent Alan, Contentsquare ou encore Shift Technology. Il a néanmoins relevé qu'un "point noir" subsiste : la trop faible installation de centres de recherche et développement dans le pays, qui doit en conséquence axer sa politique sur "la recherche et les universités" pour maintenir un haut niveau d’expertise. "Il s’agit d’écrire le 21e siècle et non pas simplement de le lire" , a estimé Bruno Le Maire, soulignant la nécessité de faire émerger des technologies "de rupture et souveraines" et appelant les Françaises et Français à avoir "davantage foi" en les capacités de leur pays.

En janvier 2020, en application d'annonces faites quelques mois plus tôt par le président de la République, Emmanuel Macron, diverses institutions s'étaient engagées à diriger 6 milliards d'euros de l'épargne qu'elles gèrent vers les startups françaises en croissance. Le président du comité exécutif et des comités techniques du projet "Financement des scaleups" , Philippe Tibi, a expliqué avoir "co-rédigé le cahier des charges [pour permettre aux fonds d’obtenir la labellisation qui porte son nom, N.D.L.R.] avec les investisseurs". 49 fonds ont, selon lui, décroché le sésame depuis l’an dernier. Deux de ces derniers ont même clôturé au-delà du milliard d’euros. "Un résultat unique en Europe continentale" , s’est félicité Philippe Tibi, qui se réjouit aussi qu’une "dizaine de banques d’investissement ont accepté, pro bono, de faciliter la mise en relation avec les investisseurs potentiels".

La BioTech profite de la crise du Covid-19

La conférence de presse du jour a largement mis l’accent sur l’importance des assureurs dans le cadre du financement des entreprises innovantes. Perçus comme "le carburant de l’initiative Tibi" , selon les mots de Bruno Le Maire, ces derniers jouent notamment un rôle crucial dans la BioTech. Souvent perçues comme un investissement risqué, du fait de contraintes de recherche et développement sur le temps long, les startups du secteur font néanmoins les affaires des assureurs, qui "appartiennent aussi au monde de la santé" et sont intéressés par "des investissements de long terme" pour placer l’argent des cotisants. 2,3 milliards d'euros auraient, par ce biais, été investis dans la BioTech au cours de l’année 2020. Reste qu’une acculturation des investisseurs sera nécessaire pour aller plus loin. Rafaèle Tordjman, fondatrice de Jeito Capital, a ainsi estimé que "les fonds en santé vont devoir se positionner sur le late stage" mais "l’initiative Tibi a déjà favorisé le travail en écosystème" . Le fonds a réussi à réaliser un premier closing à hauteur de 200 millions d’euros fin 2019.

Et Franck Mouthon, directeur général de l’association France BioTech, d’abonder : "2020 a montré l’importance d’investir dans le domaine" . Le spécialiste juge que "l’on avait déjà la recherche clinique de haut niveau, mais il manquait la capacité à aller jusqu’à la mise sur le marché" . Avec la labellisation Tibi de neuf fonds dédiés à la santé, l’objectif est désormais de sensibiliser les investisseurs. "Il faut leur prouver que de la valeur, médicale comme économique, est créée" , martèle Franck Mouthon. Le président de Sofinnova Partners, Antoine Papiernik, se montre optimiste : "Avant l’initiative, on avait un peu l’impression de prêcher dans le désert. Si le risque à investir dans la santé n’a pas changé, la vision qu’on porte sur lui est différente, plus positive, depuis la crise [du Covid-19, N.D.L.R.]." Preuve de cet engouement, d’après lui : le closing réussi de son fonds Sofinnova Crossover, qui a été abondé à hauteur de 445 millions d’euros – contre un objectif initialement fixé à 400 millions.