Republication du 4 juin 2021
Fille d’une mère infirmière, Aude Nyadanu a toujours été fascinée par l’univers du soin et de la santé. Depuis ses sept ans, cette ingénieure diplômée de Polytechnique et docteure en chimie avait comme ambition de devenir chercheuse pour créer de nouveaux médicaments. Pendant ses études, elle réalise que ce qui l’intéresse vraiment dans le secteur, c’est l’humain. En 2017, et à seulement 24 ans, l’entrepreneuse crée donc Lowpital, une startup qui cherche à créer des synergies pour innover et améliorer le quotidien des patients et des soignants sur le terrain. Basée sur le conseil en innovation et la formation, l’entreprise propose aussi des événements annuels, comme les créathons, qu’elle considère comme un laboratoire et une vitrine pour son activité. La société compte des clients comme le laboratoire pharmaceutique Roche, la scaleup Bioserenity ou encore l’ARS Ile-de-France. Sa fondatrice revient pour Maddyness sur son initiative et la vision qu’elle porte sur l’innovation dans le domaine de la santé.
Issue du monde de la recherche, comment en êtes-vous venue à passer du côté de l’entrepreneuriat ?
Aude Nyadanu : Depuis que je suis petite, je veux travailler dans le secteur de la santé, pour avoir l’impression de faire un métier qui sert à quelque chose. Au départ, je pensais aller dans le domaine de la recherche. Mais, pendant mon doctorat, j’ai commencé à m’intéresser à la question du soin, en réalisant que cela ne se résumait pas à créer des médicaments, qui traitent seulement les symptômes. Ma vision a donc évolué et j’ai voulu me diriger vers des problématiques plus humaines, comme l’expérience patient ou encore les besoins des soignants. J’avais aussi envie d’aller sur le terrain et j’ai donc décidé de passer du temps à l’hôpital pour comprendre sa réalité et proposer des solutions concrètes d’amélioration du parcours de soin.
C’est de cette ambition qu’est née votre startup Lowpital ?
J’ai voulu créer une structure qui permette d’innover pour transformer le système de santé. L’idée est de proposer des créathons, des événements d’innovation collaborative centrés sur le soin, mais aussi des conférences, des formations et des activités de conseil en innovation en santé auprès des entreprises. Ma conviction profonde est que dans l’amélioration du parcours des patients et le quotidien des soignants, tout le monde peut avoir un rôle à jouer, mais que cela doit se faire en concertation avec les personnes concernées, pour répondre aux besoins réels du terrain.
Vous estimez que certaines entreprises proposent des solutions trop éloignées des besoins de l’hôpital?
Je suis convaincue qu’on n’a pas besoin d’être ministre de la santé pour transformer ce système. Créer une communauté mixte de startups en e-santé, de médecins, de laboratoires et de citoyens permet de phosphorer et de faire émerger des projets très utiles. Pour ce qui est des entrepreneurs, il n’y a pas non plus besoin d’avoir une expertise pointue sur un sujet pour innover, au contraire cela peut constituer un frein à l’innovation. Prenons l’exemple de Guillaume Rozier –créateur des outils CovidTracker et ViteMaDose, ndlr-, il n’est pas du tout issu du monde de la santé, mais on veut plein de talents comme lui pour avoir de l’impact.
Mais je veux souligner un point d’attention pour les entrepreneurs qui se lancent dans ce secteur : attention à ne pas tomber à côté du besoin. Dans le domaine de la santé, il est très important de comprendre les enjeux et subtilités de cet écosystème complexe. Il ne faut pas arriver en se disant qu’on va entreprendre en un claquement de doigts et en faisant fi de ces questionnements. C’est le meilleur moyen d’échouer. On le voit avec nombre d’applications de e-santé qui débarquent à l’hôpital sans avoir pris en compte la question de l’interopérabilité ou celle de la sécurité des données par exemple. Il en va de même pour les solutions de gestion quotidienne des maladies chroniques : si on ne va pas voir les patients en amont, on ne peut pas savoir quelles informations vont réellement leur apporter de la valeur, ni même le fait qu’ils n’ont peut-être pas envie de recevoir une notification tous les matins pour leur rappeler qu’ils sont malades.