Cet article est republié à partir de The Conversation France

Bien que la blockchain soit qualifiée de " machine de confiance " disruptive, les cas d’usages permettant une meilleure transparence et traçabilité des produits via l’automatisation de la confiance n’ont pas encore été clairement définis et mis en place. Or, dans l’alimentaire, la confiance est devenue un élément essentiel pour des consommateurs de plus en plus exigeants après deux décennies de scandales comme le lait de vache frelaté en Chine en 2008, la fraude à la viande de cheval en 2013, ou encore l’erreur d’étiquetage de Pret à Manger en 2016.

Pour les acteurs du secteur, deux facteurs clés de confiance émergent, à savoir, la traçabilité et la transparence. La traçabilité nécessite une coopération et un partage d’informations entre les différents membres de la chaîne d’approvisionnement, garantissant l’efficacité et réduisant les risques. La transparence, quant à elle, comprend la divulgation, le partage des connaissances, la clarté ainsi que les perceptions. Elle est devenue l’un des principaux moteurs de valeur pour l’alimentaire, côtoyant les facteurs plus traditionnels tels que le prix et le goût.

La blockchain semble donc pouvoir apporter des réponses à ces exigences. Pour rappel, il s’agit en effet d’un registre distribué de toutes les transactions qui ont été exécutées entre utilisateurs appartenant à un réseau, servant ainsi de technologie de stockage et de transmission d’informations sécurisée et transparente. Le réseau, via le mécanisme de consensus, contourne également le besoin d’un intermédiaire et automatise la confiance dans l’ensemble du système, perturbant la façon dont les transactions et les processus se produisent par rapport au système traditionnel actuel.

Les distributeurs multiplient les tests

Aujourd’hui, les nouvelles exigences des consommateurs poussent les entreprises à repenser la manière dont elles s’engagent et communiquent leurs informations aux parties prenantes, pour donner un accès et une visibilité sur toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement. Parmi les différentes propositions de traçabilité existantes, la blockchain a gagné en popularité car elle permet justement un suivi et une visibilité en temps réel et un accès à chaque transaction dans le processus de la chaîne d’approvisionnement.

Auteurs.

La blockchain a d’ailleurs récemment commencé à être adoptée par diverses entreprises dont la grande distribution. International Business Machines (IBM) a lancé la plate-forme IBM Food Trust après 18 mois de tests. Conçue exclusivement pour les entreprises, la plate-forme vise à aider les entreprises agroalimentaires à garantir la traçabilité.

Elle rassemble distributeurs, fournisseurs, fabricants et autres intervenants de la chaîne alimentaire, visant à mettre en relation ces acteurs par le biais d’un enregistrement immuable et partagé des données du système alimentaire. D’autres grandes enseignes telles que Nestlé, Unilever, et Carrefour sont également en train de tester cette technologie. C’est le géant américain Walmart qui avait lancé la tendance au début de l’année 2018 en vue d’optimiser la qualité et la traçabilité des aliments.

Carrefour a rapidement suivi l’idée en Europe et a commencé à intégrer progressivement la technologie sur plusieurs chaînes d’approvisionnement alimentaire en lançant la blockchain alimentaire appliquée au poulet, œufs, tomates, et lait en premier lieu.

Carrefour

Et pour vous, en tant que consommateur ? Il vous suffit simplement de scanner votre produit via un QR code et vous trouverez toutes les informations de traçabilité concernant le produit en question comme la localisation du couvoir, la date, les détails de l’élevage et l’abattoir, la certification Label rouge, le numéro du lot de l’abattage et le jour de son départ vers Carrefour, ainsi que la livraison dans votre supermarché de quartier et date limite de consommation.

Une étude que nous avons menée sur un leader français de la grande distribution, qui a commencé à intégrer la blockchain dans ses produits, confirme cette amélioration de l’efficacité des systèmes de traçabilité. Cette technologie permet en effet la gestion de l’identification, le partage sécurisé des données, sans altération possible, entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement et une récupération plus rapide des données.

Quelle forme prendra la blockchain ?

C’est en scannant le QR code présent sur l’étiquette du produit que le consommateur pourra accéder, via son smartphone, à toutes les informations de traçabilité liées aux produits par exemple la provenance, le lieu d’élevage, la présence de pesticides, ou le mode de production. Pour les consommateurs, la blockchain se résume à l’affichage des informations détaillées du circuit de production grâce au QR code.

Ceci dit, derrière ces informations, la blockchain est un registre distribué de tous les maillons de la chaîne de production où chaque partie enregistre et signe son information sur une plate-forme blockchain transparente, sécurisée, et immuable. Ce sont ainsi toutes ces informations qui sont ensuite remontées et agrégées sur une base de données et mise en place sur une interface facile d’accès via le QR code de chaque produit.

La vidéo ci-dessous est un cas d’usage de la blockchain chez Carrefour et appliquée à plusieurs produits. Dans le cas de l’alimentaire, les informations présentes pourrait être davantage intégrées par d’autres applications externes qui scannent les produits, comme Yuka, afin d’optimiser l’expérience du consommateur en une seule interface.

En conclusion, la blockchain se présente comme une technologie extrêmement prometteuse offrant de nombreuses caractéristiques intéressantes pour garantir la confiance, la traçabilité, ainsi que la qualité des produits et la diminution du gaspillage alimentaire. Néanmoins, le plus grand défi pour l’expansion des cas d’usages de la blockchain reste aujourd’hui sa complexité technique. Mais en même temps, il existe des opportunités considérables d’étendre son utilisation à d’autres secteurs d’activité motivés par une sensibilisation accrue des consommateurs à l’égard du développement durable, l’impact environnemental, et une consommation plus responsable.The Conversation

Ghassan Yacoub, Professor of Innovation, Strategy, and Entrepreneurship, IÉSEG School of Management et Maria Castillo, Corporate Social Responsibility Manager and Lecturer, IÉSEG School of Management