28 octobre 2021
28 octobre 2021
Temps de lecture : 4 minutes
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« Impact.gouv est un outil flou qui n’aide pas les entreprises à se transformer »

Caroline Neyron, directrice générale du Mouvement Impact France, déplore le manque de clarté des objectifs de la plateforme gouvernementale impact.gouv, qui permet aux entreprises de publier leurs données ESG.
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Caroline Neyron, directrice générale du Mouvement Impact France.

Dévoilée en mai dernier par le gouvernement, la plateforme impact.gouv permet aux entreprises de jouer le jeu de la transparence en publiant leurs données environnementales, sociales et de bonne gouvernance (ESG). Consulté dans un premier temps lors de l’élaboration de cette dernière, le Mouvement Impact France, qui rassemble 7000 entreprises engagées dans la transition sociale et écologique, déplore le manque de clarté et d’objectifs précis de cet outil. Caroline Neyron, sa directrice générale, revient pour Maddyness sur les reproches formulés à cette plateforme.

Que reprochez-vous à l’outil impact.gouv ? 

Caroline Neyron : Le premier problème réside dans le nom de la plateforme. Le mot " impact " relève d’un niveau d’engagement élevé des entreprises, alors que cet outil n’a pas les critères de l’impact. Il permet de dévoiler des engagements en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE), qui consistent simplement à réduire les effets négatifs de l'activité d'une entreprise. On travaille activement sur les différents niveaux d’engagement des entreprises pour qu’il y ait moins de flou et une meilleure compréhension de ces notions, parce que ce flou est porteur de green- et socialwashing. Remplacer ses bouteilles en plastique par des gourdes n’est pas une stratégie d’impact.

Il existe trois niveaux d’engagement possibles. Le niveau global relève de la stratégie RSE - c’est la base de l’engagement des entreprises depuis 30 ans - calculée avec des indicateurs ESG. Cela permet de développer des plans pour lutter contre les effets négatifs produits par les entreprises.

Le deuxième niveau d’engagement consiste à définir une mission sociale et écologique : cela est caractérisé par la loi Pacte à travers la notion d’entreprise " à mission ". L’idée est de choisir des sujets sur lesquels on veut avoir un impact vraiment positif.

Enfin, le niveau d’engagement le plus élevé est celui de l’entreprise à impact qui, comme Lita, BioCoop ou la Croix Rouge, a une utilité sociale, est engagée sur les enjeux sociaux et environnementaux et organise l’ensemble de sa gouvernance autour de cet impact. C’est un modèle dont le développement est au service du développement de l’impact. Il est donc dommage de voir naître une plateforme avec le nom " impact " alors qu’elle n’en intègre pas les critères.

La volonté de transparence de cette plateforme, en incitant les entreprises à communiquer leurs données ESG, est-elle quand même une initiative positive ? 

Dévoiler en toute transparence ses indicateurs est un outil anti-greenwashing. Mais il est dommage que la plateforme ne permette pas aux entreprises de se positionner par rapport aux indicateurs identifiés. Est-ce que ce n’est pas le rôle de l’État de fixer des objectifs clairs pour que les entreprises s’alignent au niveau des engagements de la France qui, rappelons-le, vise la réduction de 40% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 ? Il serait intéressant pour les entreprises de voir où elles se situent par rapport aux engagements du pays.

L’autre point noir de cette plateforme provient-il de son caractère facultatif ?

Créer une plateforme incitative pour transmettre des données, c’est bien, mais aider les entreprises à passer concrètement un cap, c’est mieux. Si la dynamique est intéressante, elle ne va pas au bout du sujet… Et à s’arrêter au milieu de sa démarche, on loupe sa cible. Nous recommandons de faire ce qui a déjà été fait pour l’égalité hommes-femmes par exemple, avec l’index de l’égalité professionnelle. Un outil rendu obligatoire, dans lequel, pour chaque indicateur, un objectif et une échéance sont fixés et une note donnée. L’incitation a ses limites, il faut que le sujet ne soit plus une option. Sans obligation ni objectifs fixés, il n’y aura pas de politique d’encouragement à l’engagement des entreprises.