Lever des fonds, oui, mais pour quoi ? Pennylane, qui développe une solution de pilotage de trésorerie, en lien avec des experts-comptables, s'est posé la question. Et plutôt deux fois qu'une, la startup ayant bouclé deux tours de table cette année, de 15 millions d'euros chacun, en janvier et en juin. Contrairement à d'autres startups qui ont besoin de millions pour financer leurs très onéreuses campagnes marketing, Pennylane a fait le choix de la frugalité. " On ne dépense que 15 000 euros par mois en marketing ", se félicite Arthur Waller, co-fondateur et CEO de l'entreprise. Et pas question de faire grimper la facture parce que la startup peut désormais se le permettre. Bien au contraire.

Si toutes les startups veulent construire le meilleur produit possible, pour Pennylane, le défi revêt un autre enjeu, celui de la distribution de sa solution. " Nous avons un produit à distribuer largement, à un prix compétitif. Mais il ne nous est pas possible de le distribuer directement aux TPE-PME " , qui représentent plus de 95% des entreprises françaises. Trop chronophage et trop coûteux.

Alors la startup a l'idée de développer un nouveau modèle de distribution : passer par les cabinets d'experts-comptables, qui proposeraient la solution à leurs clients - avec l'argument qu'elle fait gagner du temps aux deux parties. Une stratégie que Pennylane a copié sur son modèle : le logiciel de paie Silae. " En quelques années, il a pris 50% de parts de marché avec seulement quatre commerciaux ", raconte, ébloui, le chef d'entreprise.

Faire baisser le coût d'acquisition de clients

Pour cela, la startup a relevé un double défi : technologique et d'usage, afin que la solution offre l'ensemble des fonctionnalités proposées par ses concurrents et que son expérience utilisateur parvienne à convaincre des experts-comptables qui utilisent une autre solution " huit heures par jour, depuis 20 ans ". " Il s'agit de solutions qui existent depuis des dizaines d'années et qui ont une profondeur fonctionnelle démente. Il a fallu rattraper tout le scope fonctionnel avec de nombreux modules afin que cela fasse gagner du temps aux entrepreneurs et augmenter la productivité des cabinets d'experts-comptables. "

Des développements que les deux levées de fonds successives ont accéléré. " Cela a été un booster, reconnaît Arthur Waller. Nos investisseurs voulaient qu'on soit plus agressifs mais avec une croissance commerciale de 20% chaque mois, cela n'aurait pas été possible de faire davantage parce que nos équipes commerciales n'auraient pas tenu. En revanche, là où on pensait pouvoir être plus agressif, c'était en matière d'investissements technologiques. "

La startup a ainsi évalué le nombre de recrutements qu'elle pouvait envisager " sans que tous les ingénieurs soient en train d'en former d’autres ". Bilan : " les exercices techniques nous ont montré qu'on pouvait monter la jauge à 280 personnes dans les équipes produit ". Et les recrutements ont suivi.

Des économies d'échelle

Dans le même temps, les équipes commerciales, elles, n'ont peu ou pas grossi, stagnant à une quinzaine de commerciaux. Mais le changement de mode de distribution a fait son effet : alors que la solution Pennylane était à 80% commercialisée en direct, via un formulaire en ligne, en début d'année, elle est aujourd'hui à 70% commercialisée via les experts-comptables. Un pari gagnant, pour Arthur Waller, qui estime que les investissements effectués dans le produit " sont des sous que l'on n'aura pas besoin de miser sur l'acquisition clients les prochaines années. On pourra scaler sans recruter de commerciaux ".

La startup n'est qu'au début de sa croissance. En effet, le modèle de distribution indirecte promet une croissance " exponentielle " estime le dirigeant : " un petit cabinet d'experts-comptables, c'est plusieurs centaines de clients ; un gros cabinet, plusieurs dizaines de milliers ", soupèse Arthur Waller. Pas question cependant de ne compter que sur les experts-comptables pour distribuer la solution ; Pennylane a bientôt atteint la répartition idéale entre distribution directe et indirecte. " C'est toujours bien de garder un peu de vente directe, à la fois pour apporter du business à nos partenaires et pour travailler notre notoriété. " C'est d'ailleurs aussi pour cela que la startup devrait doper son budget marketing l'an prochain : travailler son positionnement et son image de marque. Mais avec la sérénité des entreprises qui n'ont pas besoin de draguer les clients dans le métro.