Article initialement publié le 18 novembre 2021
45% des étudiants français envisageraient un jour de créer ou de reprendre une entreprise, selon une étude menée par Opinionway en 2019. Pourtant, Mélanie Sueur Sy, directrice générale d’Enactus France, une ONG qui se donne pour mission de développer l’esprit entrepreneurial des jeunes dans des secteurs à impact, déplore un manque d’éducation à la culture entrepreneuriale en France. Elle est revenue pour Maddyness sur la situation de l’entrepreneuriat social chez les jeunes en France et les engagements pris par son association.
Les jeunes sont-ils assez éduqués aux compétences et à la culture entrepreneuriales en France aujourd’hui ?
Mélanie Sueur Sy : Il est clair que l’éducation entrepreneuriale est beaucoup plus faible en France que dans d’autres pays auprès de publics jeunes. Les étudiants connaissent encore très peu cette voie, dont on leur parle peu, à part dans les écoles de commerce. Un baromètre réalisé par Convergences mesure la connaissance de l’entrepreneuriat à impact en particulier, et ça reste encore marginal malheureusement. Pourtant, cette branche représente 10% du PIB et autant de voies d’avenir dans lesquelles les jeunes peuvent s’investir. Il y a une faiblesse en France là-dessus : tout le monde porte aux nues l’entrepreneuriat à impact, mais rien n’est fait pour inculquer concrètement les compétences que cela suppose. Il y a un gros travail à faire pour intégrer cette brique dans l’éducation nationale, puisqu’aujourd’hui ce sont des associations comme la nôtre qui portons cette responsabilité.
Que propose Enactus concrètement pour encourager les jeunes à découvrir cette voie et à se lancer ?
Depuis 2002, on accompagne les étudiants de tous horizons, depuis l’envie d’agir jusqu’à la concrétisation d’un projet. On outille les jeunes en mettant à leur disposition les ressources classiques nécessaires pour se lancer, sur des sujets aussi variés que l’étude de besoin, le prototypage, la conception d’un modèle économique et les méthodes de créativité. C’est impératif car on parle à des cibles pour qui tout est nouveau. On organise aussi des séminaires en présentiel, des webinaires, et des sessions avec des entrepreneurs qui se mobilisent bénévolement pour travailler avec les étudiants sur leurs projets, leur apporter un autre regard professionnel, les aider à se poser les bonnes questions, prendre du recul et avancer. Notre pédagogie est expérientielle, on veut contribuer à faire passer les jeunes à l’action à chaque étape, séminaire ou rencontre. Ils doivent donc rendre des livrables, passer des « packs » pour passer aux sessions suivantes et faire réellement avancer leur projet.
Vous accompagnez les étudiants, mais vous allez maintenant aussi vous adresser aux lycéens. Il est important d’aller toucher des cibles de plus en plus jeunes selon vous ?
Notre pôle d’activité historique touche les étudiants de tous horizons. Mais il est important d’aller planter une graine de l’envie d’entreprendre le plus tôt possible. Depuis 2014, on va aussi chercher les lycéens, notamment dans les voies professionnelles et les quartiers prioritaires de la ville. Souvent, ces jeunes se retrouvent là par une orientation subie, car malheureusement ces cursus sont encore trop souvent perçus comme des voies de garage, qu’on intègre par défaut… Ce sont de bons endroits pour aller aider ces jeunes à faire émerger des projets d’entreprises à impact ! On va donc en classe et, avec les enseignants, on se concentre sur ce qui révolte ou mobilise les jeunes, pour les inspirer et les pousser à s’engager par le projet, en se mettant dans la peau d’un entrepreneur social.
Ils ne deviendront pas tous entrepreneurs, ou du moins pas tout de suite, mais ces sessions permettent de développer des compétences transverses que l’on n’apprend pas assez à l’école, comme le travail en équipe, l’écoute et la coopération. Ces stratégies et le mode « projet » fonctionnent particulièrement bien sur les profils moins scolaires, pour qui les cours théoriques très descendants sur le marketing ou la présentation commerciale ne fonctionnent pas. On aimerait d’ailleurs aller parler aux collégiens également.
S’il reste beaucoup à faire pour inculquer des compétences entrepreneuriales, constatez-vous malgré tout que cette génération a une sensibilité pour les projets d’impact, d’économie sociale et solidaire?
La recherche de sens dans le travail est de plus en plus marquée chez les nouvelles générations. Les orienter vers l’entrepreneuriat social et à impact répond à cette quête de sens : qu’est-ce que je peux apporter à mon échelle à mon quartier, à ma ville ? Il y a un choc des générations sur la question : les parents poussent souvent les jeunes à aller vers des parcours sécurisants, et on les pousse plutôt vers des métiers qui ont du sens pour transformer les modèles sociétaux.