3 mars 2022
3 mars 2022
Temps de lecture : 6 minutes
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Le plan de Shares pour croquer l'Europe avec son app sociale d’investissement

Sa plateforme sociale d’investissement vient d’être lancée au Royaume-Uni. La FinTech française Shares lève 35,8 millions d’euros afin d’obtenir l’agrément requis pour opérer au sein de l’Union européenne. Une étape incontournable dans sa stratégie visant à s’établir d’ici à trois ans comme un des acteurs mondiaux sur ce marché en expansion.
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L’actu

L’écosystème tech nous a déjà offert un certain nombre d’exemples de startups qui lèvent des fonds plusieurs fois par an. La liste s’allonge ce jeudi 3 mars 2022 avec l’annonce par Shares d’une série A à hauteur de 35,8 millions d’euros, cinq mois seulement après un bel amorçage de 8,5 millions d’euros. Co-créée par Benjamin Chemla, fondateur de l’expert de la livraison à la demande, Stuart – qui a été racheté par La Poste en 2017 –, la FinTech a reçu le soutien financier de Valar Ventures, Singular et Global Founders Capital. De quoi l’aider à lancer sa plateforme sociale d’investissement à travers toute l’Europe "d’ici à fin 2022". "Nous avons fait de la place à Valar Ventures dès notre premier tour, dans l’optique de leur permettre de mener le second. C’est le meilleur investisseur au monde en matière de FinTech" , explique à Maddyness Benjamin Chemla, qui souligne que le fonds, créé par le co-fondateur de PayPal Peter Thiel, a accompagné des licornes telles que l’Allemande N26, l’Autrichienne BitPanda… mais aussi Qonto, sa seule autre participation en France.

Le contexte

C’est d’abord pour s’occuper pendant le confinement décrété au cours de la première vague de Covid-19 que Benjamin Chemla, qui vivait aux États-Unis, a commencé à utiliser des applications de trading. "Après m’être rendu compte que des amis le faisaient aussi, je leur envoyais des captures d’écran pour partager mes opérations" , raconte le dirigeant, qui consultait alors des discussions sur les plateformes sociales Reddit et Discord afin de "capter des signaux sociaux" lui permettant d’affiner ses décisions d’investissement. C’est en relevant l’absence d’un outil "à la fois social et réglementé" sur ce marché qu’il a décidé d’y consacrer sa nouvelle aventure entrepreneuriale, à laquelle il pensait de longue date, depuis son retour en France fin 2020 exactement. "Tout le monde se rue sur le trading. Nous ambitionnons de permettre à la population d’aborder le sujet de façon concertée, pointe Benjamin Chemla, par opposition au désordre qui règne parfois sur les réseaux sociaux traditionnels. On doit se lancer en tâtant le terrain, comme on le ferait pour acheter son premier appartement."

La techno

Shares met la transaction financière au cœur de sa plateforme, qui se veut principalement sociale. "Réaliser une opération devient un événement, qu’on peut partager à différentes listes d’individus. On peut tout aussi bien diffuser l’information auprès de ses amis proches que la garder confidentielle" , détaille Benjamin Chemla. En fonction de l’option choisie, les autres utilisateurs du groupe – limités à 20 membres pour éviter de semer la zizanie en laissant les fausses informations proliférer – peuvent réagir à travers des commentaires, réactions ou images. "Il est également possible de créer des listes communes à plusieurs utilisateurs pour surveiller les opportunités d’investissement sur des assets précis" , pointe le dirigeant, qui assure aller "plus loin que l’application de trading phare, Robinhood" , aux États-Unis. Parmi les concurrents directs de Shares figure, d’après le dirigeant, la licorne américaine Public.com – qui a conquis un million d’utilisateurs en l’espace de 18 mois en misant aussi sur l’aspect social, sans toutefois "être aussi axée sur les proches" que la Française.

La FinTech, qui met donc l’accent sur la collaboration, affirme ne pas dispenser de conseil à ses utilisateurs en matière d’investissement. "Pour autant, nous avons mis en place des garde-fous. En tant qu’outil réglementé, nous vérifions notamment l’identité des personnes qui souhaitent s’inscrire" , argue Benjamin Chemla. Et de surenchérir : "Des notifications avertissent l’utilisateur des risques entrepris et l’encouragent à diversifier son portefeuille, tandis qu’un bloqueur l’empêche d’investir l’ensemble de ses économies dès le deuxième jour d’utilisation, par exemple." Shares dispose, par ailleurs, de dizaines de salariés dans son service support, dont le travail consiste notamment à veiller à limiter l’apparition de "comportements problématiques" sur l’application pour créer ainsi "un environnement sûr".

Ce à quoi va servir la série A

Shares profite de l’annonce de sa série A pour ouvrir, ce jeudi 3 mars, son application au grand public au Royaume-Uni. Ces derniers mois, la FinTech avait déjà permis à quelque 60 000 utilisateurs inscrits sur liste d’attente d’utiliser le service outre-Manche. "Se lancer sur le principal marché européen en matière de trading était logique, avance Benjamin Chemla, précisant que la startup propose un service gratuit et ponctionne 0,4 % des frais de conversion entre les devises acceptées. Qui plus est, nous soulignons ainsi notre ADN international." Shares a, en effet, affiché dès son amorçage ses velléités à se positionner comme un acteur majeur à l’échelle mondiale. "C’est la raison pour laquelle nous avons débauché de grands talents dès le départ, en provenance de Revolut, Bumble ou Netflix" , se targue le dirigeant, qui a aussi fait venir des poids lourds de Stuart. La jeune pousse affiche désormais 130 salariés, répartis entre ses bureaux de Paris, Londres et Cracovie.

Et elle ne compte pas s’arrêter là, prévoyant de doubler ses effectifs d’ici à la fin 2022. Un de ses autres chantiers prioritaires : l’obtention de l’agrément lui permettant d’opérer dans l’Union européenne, auprès des autorités d’un des États-membres. "Quand un régulateur européen donne son feu vert, il suffit de formuler une demande de passeport pour pouvoir commercialiser dans les autres pays" , rappelle Benjamin Chemla, soulignant que Shares "ajustera" son produit selon les contraintes de chaque marché – langue, marketing, etc. De premiers lancements en Europe continentale, dont la France, sont attendus "d’ici à cet été". Trois bureaux supplémentaires, en Allemagne, Espagne et Suède, devront permettre de mailler le Vieux continent. L’autre axe de développement de Shares s’articulera autour de son produit, qui intégrera davantage de types d’investissement – les stocks européens et cryptomonnaies, alors qu’environ 2 000 titres américains sont d’ores et déjà proposés.

De futures "passerelles" avec les réseaux sociaux classiques permettront aux membres de partager plus largement leurs contenus. Alors que la barre est haute pour atteindre l’objectif qu’elle s’est fixée de 150 000 utilisateurs d’ici à la fin 2022, Shares mise également sur une "dimension éducative". En interne, des chargés de contenus produiront diverses ressources visant à faciliter la prise en main de produits financiers par les particuliers. Un moyen de séduire un public moins averti, avant de s’étendre dans d’autres géographies. "Nous nous donnons trois ans pour devenir un acteur véritablement mondial. Quand nous aurons passé le cap des 18 mois, nous pourrons enfin envisager de déployer l’application en Asie et en Amérique du Sud, projette ainsi Benjamin Chemla, écartant volontairement le marché américain. Beaucoup d’entreprises s’y sont déjà brûlé les ailes. On n’y va pas comme on va ailleurs. Il faudra se préparer en amont à se frotter à une rude concurrence."

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