20 septembre 2022
20 septembre 2022
Temps de lecture : 5 minutes
5 min
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Innovafeed lève 250 millions d'euros pour s'implanter en Asie et en Europe

Spécialisée dans la culture d’insectes à destination de l’alimentation animale et végétale, L’AgriTech Innovafeed vient de réaliser un tour de table de 250 millions d’euros auprès de fonds et d’industriels. Un financement qui vise à soutenir son expansion à l’international et sa R&D.
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Crédit : Usine InnovaFeed implantée à Nesle (Somme)

Lancée en 2016 par Bastien Oggeri, Aude Guo et Clément Ray, InnovaFeed a déjà réussi à prouver la viabilité et l’intérêt de son modèle aux investisseurs mais aussi à ses clients. Au cours des deux dernières années, la scaleup a signé pour un milliard d’euros de contrats pour des commandes jusqu’en 2030. Un premier pas. “Aujourd’hui, nous adressons un tout petit segment du marché”, confie Clément Ray. En effet, “le marché mondial des insectes destinés à l’alimentation humaine et animale pourrait atteindre jusqu’à 8 milliards de dollars en 2030, soit un taux de croissance annuel de 24 % au cours des dix prochaines années” , rapporte la Banque mondiale. 

De quoi donner susciter l’appétit des entrepreneurs comme Innovafeed qui vient de lever 250 millions d’euros -après un tour de 140 millions d'euros- pour implanter son modèle dans d’autres pays, recruter de nouveaux collaborateurs et renforcer sa R&D. Cette série D a été menée par le fonds QIA, Creadev, Temasek -investisseurs historiques de la scaleup-, deux partenaires industriels -ADM et Cargill- ainsi que Future French Champions, ABC Impact, IDIA Capital Investissement et Grow Forward. “Ce sont des fonds solides et souverains qui ont la capacité de nous accompagner dans notre développement et de réinvestir dans le temps” , explique Clément Ray. 

L’intégration d’ADM et de Cargill correspond à la suite logique d’un partenariat entamé depuis plusieurs années maintenant avec les deux géants américains de l’alimentation. A noter qu’ils n'intègrent pas le conseil de surveillance. “Nous conservons toute notre indépendance”, insiste le co-fondateur. 

Rien ne se perd

L’échelle est un pré-requis de l’impact. Si on se positionne uniquement sur un marché de niche, on ne peut pas avoir d’impact systémique sur le marché alimentaire. Pour viser cette grande échelle, cela nécessite de développer un modèle très compétitif avec une optimisation des modèles de production” , débute Clément Ray. 

Ce qu’a fait l’entreprise au cours des dernières années dans ses deux premières usines dont celle de Nesle (Somme) qui servira de modèle pour les suivantes. Le modèle consiste à “s’installer au plus près des usines de co-produits en installant un tuyau entre les deux unités pour récupérer leurs déchets, sans transport. Nous récupérons également l’énergie perdue par ces usines” , développe Clément Ray. Ce qui représente un véritable atout pour ces sociétés en quête de solutions pour décarboner leur modèle. A titre d’exemple, “l’énergie récupérée par l’usine de Nesle équivaut à la consommation annuelle de 10 000 foyers”.

Présente en France, InnovaFeed a déjà commencé à mettre un pied aux États-Unis via deux partenariats réalisés avec ADM et Cargill.

Accroître sa présence à l’international

Après la France, c’est donc Outre-manche que la scaleup compte implanter un troisième site de production en concertation avec ADM. La construction doit débuter début 2023. 

A terme, l’AgriTech souhaite “déployer sa solution partout dans le monde”. Elle lorgne aussi sur un territoire bien prisé de ses concurrents, l’Asie. “Nous visons principalement l’Indonésie et la Malaise pour le moment où nous recyclerons les déchets de l’huile de palme qui sont très émetteurs de méthane” , explique Clément Ray. Avant de poursuivre : “Nous sommes en train de construire le même type de partenariat qu’avec ADM et Cargill. Nous sommes très attentifs aux partenariats que nous allons nouer et notamment aux enjeux de gouvernance et d’impact environnemental.” 

L’Hexagone et l’Europe ne sont pas délaissés pour autant. Des projets de création d’usines sont déjà bien avancés, assure le co-fondateur qui met en exergue l’intérêt de la France dans son modèle. “Le Nord-Est de la France est le premier gisement de co-produits industriels en Europe car il y a toutes les grandes cultures de blé, de betterave, de maïs, etc. C’est donc beaucoup plus optimal aujourd’hui de produire en France et ensuite de transporter en Norvège.”

Challenger son impact 

Avec son modèle de symbiose industrielle, InnovaFeed permet de récupérer des déchets et de réduire les pertes d’énergie des entreprises agro-alimentaires avec qui elle collabore. Rien de négligeable, surtout dans le contexte actuel où les enjeux de réchauffement climatique coïncident avec une crise géopolitique affectant fortement le marché énergétique. 

Pas question de se reposer sur ses lauriers pour autant. L’entreprise a décidé de franchir une étape supplémentaire en se dotant d’un comité d’impact. “Le fait d’être trop confiant sur le fait d’être irréprochable fait qu’on dérive. On pensait qu’on était excellent en termes de diversité, avec un score de 97% et autant de femmes que d’hommes dans les équipes de direction. Mais en un an, les chiffres ont changé et nous sommes passés d’une parfaite parité aux postes de vice-présidents à un ratio de 40/60” , admet Clément Ray. “L’ambition de ce comité est de nous aider à élaborer et diriger notre feuille de route sur les sujets à impact”, à la fois en matière d’environnement mais aussi de diversité. 

Un challenge ne suffit apparemment pas pour Innovafeed. En parallèle de ces nombreux chantiers, la société investit également sur un autre segment : l’alimentation humaine. Une voie qui s’ouvre lentement suite au feu vert donné par l’Agence européenne de sécurité des aliments sur certaines espèces. “Je crois au potentiel de ce marché, nous investissons dessus, nous développons des produits et des partenariats mais il n’est pas encore assez mature” , reconnaît-il. 

Les atouts nutritionnels et environnementaux des insectes par rapport aux protéines animales pourraient finir par convaincre le scepticisme des consommateurs.