C’est dans la fonction publique que débute le parcours professionnel de celle qui est depuis 2014 la PDG du groupe FDJ. Sciences-Po puis l’Ena, l’excellence de son parcours n’est cependant pas vraiment à l’ordre du jour : " C’était il y a longtemps, passons à autre chose ", élude-t-elle rapidement. Ses mots résonnent comme une façon de préciser que le présent et l’avenir sont sa priorité. Que s’il est important de prendre du recul sur le chemin parcouru, il l’est tout autant - sinon plus - de regarder en face les défis qui se présentent encore. Défis, un mot au pluriel inéluctable lorsque l’on mentionne la trajectoire de Stéphane Pallez.

Parcours hybride, influences multiples

Portée par une ambition fondamentale : " L’engagement sur des sujets d'intérêt général a toujours été ma motivation principale ", précise-t-elle, Stéphane Pallez est engagée bien sûr, mais reste pragmatique, soucieuse qu’elle est de comprendre et d’appréhender l’économie qui se mondialise et se transforme peu à peu. Nous sommes alors au début des années 80, les trente glorieuses ne sont déjà plus qu’un lointain souvenir, l’économie numérique pointe le bout de son nez, le monde bouge, elle souhaite y prendre une part active. A cette envie s’ajoute une grande curiosité, pour l’Autre, l’Ailleurs, pour l’Autrement, qui la mène notamment à s’investir dans des missions internationales à la Direction générale du Trésor et notamment à passer deux ans à la Banque mondiale à Washington.
Sortir des sentiers battus ne l’effraye pas, si tant est qu’elle puisse en tirer un bénéfice tangible. Elle insiste : " J’ai toujours eu cette volonté d’enrichissement des individus et des organisations par l’ouverture, le dialogue : dialogue entre le secteur public et le secteur privé, dialogue entre des cultures différentes, avec la conviction qu’il s’agit d’une dimension fondamentale du progrès et un levier très fort de performance ". Allier le sens de l’engagement, de la conviction, de l’impact d’une part et la performance et l’efficience d’autre part est son objectif. C’est donc tout naturellement qu’après vingt ans à la Direction générale du Trésor, elle se tourne vers le secteur privé pour aborder la deuxième phase de sa carrière, d’abord à France Telecom Orange en tant que Directrice financière déléguée, puis à la tête de la Caisse centrale de réassurance (CCR), et enfin, à celle du groupe FDJ.

Groupe FDJ : la transformation d’un fleuron

C’est un grand chantier, un véritable bouleversement, qui l’attend alors, celui d’accélérer le passage de l’ancienne loterie nationale à l’ère du numérique, de stimuler l’innovation et d’enclencher l’internationalisation. Elle devient Présidente directrice générale du groupe FDJ en 2014 et se souvient, aujourd’hui, des premières grandes lignes stratégiques qui sont alors définies : " Je suis arrivée avec deux mandats principaux : préparer l’entreprise à une introduction en Bourse, et entreprendre la transformation digitale de l’entreprise ". La transformation d’un tel fleuron national ne se fait pas en un jour, mais force est de constater que le Groupe qu’elle prend en main à l’époque est bien différent, à ces égards, de celui qu’elle dirige aujourd’hui. Plus qu’une ligne de business, c’est une culture d’entreprise dont il a fallu adapter les contours, se remémore-t-elle : " J’ai tout de suite pensé que si le Groupe avait du retard en matière digitale, il avait surtout d’immenses opportunités de développement, et de très forts atouts pour réussir : des équipes engagées et compétentes, un réseau territorial de premier ordre ou encore une exceptionnelle notoriété. "
Les résultats reflètent le bilan d’une stratégie efficace et d’une transformation digitale réussie : De 3 %, en 2014, le volume de mises en ligne est passé à 12 % en 2022, dans une activité en croissance. Ceci notamment grâce à une démarche d’Open Innovation initiée dès son arrivée à la tête de l’entreprise. Le Groupe y investit plus de 80 millions d’euros et soutient ainsi, de façon directe ou indirecte, plus de trois cents startups françaises et européennes, dont seize font partie de la French Tech 120. Comme souvent avec Stéphane Pallez, l’analyse du succès de cette démarche est nécessairement multifactorielle. Le succès économique, la vision progressiste et l’adaptation au monde économique contemporain sont des éléments fondamentaux ; mais ils ne peuvent être valables et valides que s’ils sont adossés à un impact positif sur le monde d’aujourd’hui.

Engageante et engagée

Très engagée pour renforcer la place des femmes dans l’entreprise, membre fondatrice du collectif Sista et marraine de la promotion SISTA EntrepreneurEs 2022, son parcours porte à lui seul, le sceau du combat citoyen. Et pourtant… là encore, comme pour se prémunir de quelque interprétation dogmatique, ses premiers mots vont dans le sens d’un pragmatisme implacable. " Ma conviction personnelle n’est pas très importante, un regard sur les chiffres suffit à comprendre que ce n’est pas qu’un combat pour les femmes, mais un combat pour l’intérêt général ".
Les chiffres ? Ceux du baromètre Sista par exemple, qui montrent que les équipes mixtes fondatrices de startups sont plus performantes que celles 100 % masculines. Ou encore ceux qui indiquent que, en 2021, près de 90 % des financements en France vont à des startups 100 % masculines.

Pas de quoi décourager Stéphane Pallez, qui, une fois n’est pas coutume, mesure le chemin parcouru : " Être factuelle et pédagogue permet de grandes avancées. Les premiers interlocuteurs que nous avons eus, souvent des hommes, se sont tout de suite sentis concernés par ces enjeux quand on leur a montré les chiffres. Je sens globalement une volonté de changement, mais parfois un manque de connaissance précise de ces thématiques, ou de méthode pour arriver à provoquer le changement ".

Là encore, elle fait de la coalition une arme, du dialogue un levier de progrès, et souligne l’importance des pairs, des mentors, des modèles, dont elle accepte de jouer le rôle pour un défi qu’elle souhaite global : " Peut-être qu’à mon niveau, je peux montrer qu’être cheffe d’entreprise, c’est normal. Paradoxalement, c’est en prenant la parole que je peux dire que ce n’est plus un sujet ".