" En 2022, la baisse des investissements dans la fintech, à la fois en volume et en valeur, est significative ", souligne d’emblée François Assada, Associé chez KPMG, Responsable du marché Fintech en France. Effectivement, selon le rapport que le cabinet vient de publier, le montant total des investissements mondiaux dans le secteur (fusions et acquisitions, capital-investissement et capital-risque) est tombé à 164,1 milliards de dollars pour 6.006 transactions en 2022, après avoir atteint un niveau record de 238,9 milliards de dollars pour 7.321 transactions en 2021.

Une année sauvée par son premier semestre

Cette baisse peut toutefois être relativisée : " si on regarde l’historique, 2022 marque tout de même une année de réussite : elle reste la troisième meilleure année en valeur et la deuxième meilleure année pour le volume des transactions ", précise François Assada. Néanmoins, lorsqu’on compare le premier semestre et le second, le constat est plus contrasté : " le premier semestre était dans la continuité de 2021 et c’est au second semestre que l’on a observé une chute des transactions, avec quasiment une division par deux. C’est un peu inquiétant pour l’avenir, sans être pour autant dramatique. ".

Ainsi, au cours du second semestre 2022, KPMG n’a relevé que trois opérations de fusion et d'acquisition dépassant le milliard de dollars dans le secteur. Toutes ont été opérées aux États-Unis. Du côté des startups, la plus importante levée de fonds au cours de cette période a été celle du suédois Klarna, pour 800 millions de dollars, mais avec une valorisation revue à la baisse.

La Regtech, seul segment en croissance

Dans ce paysage contrasté, le segment de la RegTech est tout de même en croissance : les investissements sont passés de 11,8 milliards de dollars en 2021 à 18,6 milliards de dollars en 2022, portés par les acquisitions aux Etats-Unis du spécialiste de la gestion des déclarations fiscales Avalara pour 8,4 milliards de dollars et du spécialiste de la conformité Computer Services pour 1,6 milliard.

Le secteur des paiements reste lui aussi très dynamique : avec 53,1 millions de dollars investis (contre 57,1 milliards en 2021), il concentre environ un tiers des investissements du secteur. Mais une bonne partie de cette performance s’explique par un seul deal : l’acquisition au premier semestre 2022 par Block (anciennement Square) de la fintech australienne Afterpay, spécialiste du “Buy Now, Pay Later”, pour 27,9 milliards de dollars.

Quant au marché des crypto-monnaies et de la blockchain, il chute de 30 milliards de dollars en 2021 à 23,1 milliards en 2022, dans la foulée du crash Terra/Luna en mai et de la faillite de FTX en novembre. L’insurtech est elle aussi en berne, à son plus bas niveau depuis sept ans, avec 7,1 milliards investis.

Des consolidations à l’horizon

La zone EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) suit la même tendance globale, avec une baisse significative d'une année sur l'autre, passant de 79 milliards de dollars répartis sur 2.379 opérations en 2021 à 44,9 milliards de dollars répartis sur 1.977 opérations en 2022. Dans la zone, les dix premiers deals de 2022 sont tous européens, avec en tête les rachats de Sia en Italie (3,9 milliards de dollars), Tink en Suède (2,1 milliards) et Interactive Investor en Grande-Bretagne (1,8 milliard).

En France, les levées de 486 millions d’euros de Qonto et de 450 millions d’euros de Payfit début 2022 ne leur permettent pas d’intégrer ce top 10, mais le groupe français Spartfin (Partners Finance, Credistor, Greeniz et Credissima) valorisé près de 650 millions d’euros pour son premier LBO, y figure en neuvième position.

" L’inflation, les taux d’intérêt élevés, l’asséchement du marché des IPOs pèsent à la fois sur les valorisations et les opportunités d’exit, et en particulier pour les entreprises plus matures. Mais les investissements dans l’amorçage et l’early-stage se maintiennent bien ", nuance François Assada, qui s’attend à assister à un mouvement de consolidation dans le secteur en 2023, avec des rachats de startups par des concurrents mieux financées ou par des corporate. Celui-ci se montre par ailleurs optimiste pour le secteur de la blockchain : après la vague crypto, de nouveaux usages devraient émerger dans de nouveaux domaines, et réveiller l’intérêt des investisseurs pour le sujet.