" Être entrepreneur, ce n’est pas lever des fonds, lâche Emilie Gobin Mignot très calmement. Ce n’est pas de diriger 500 personnes. Ce n’est pas de devenir une licorne. Ce n’est pas ça l’entrepreneuriat. Du moins, ce n’est pas la seule manière de faire de l’entrepreneuriat. C’est celle qui est la plus risquée… mais ce n’est pas forcément la plus épanouissante ".

Emilie Gobin Mignot parle d’expérience. Dans son parcours entrepreneurial, elle a vécu les deux. Si elle a connu une faillite très médiatisée avec l’Usine à Design il y a exactement 10 ans, elle s’épanouit aujourd’hui aux commandes d’Antilogy, un cabinet de conseil et organisme de formation spécialisé sur les questions de réalité virtuelle et augmentée.

L’entrepreneur qui chuchote à l’oreille des casques VR

Emilie Gobin Mignot fait partie de ces entrepreneurs qui peuvent mettre leurs compétences au service de différents secteurs. 

" Le fil rouge de ma carrière, c’est l’innovation, explique-t-elle. J’ai toujours été animée par la recherche de nouveaux modèles économiques liés aux nouvelles technologies ". 

Elle reconnaît ainsi ne pas être parmi ceux qui vont innover sur la dimension produit, mais de celles et ceux qui vont réussir à transformer une innovation en une opportunité business. C’était déjà cet aspect qui l’avait séduit, lors de son passage à NUMA entre 2014 et 2015, où elle avait contribué à réinventer l’intégralité du business model de cet acteur emblématique de l’entrepreneuriat français. 

De la même façon avec L’Usine à Design, elle était fascinée par cette idée de vendre des meubles grâce aux technologies du moment. Pour Antilogy, comme souvent avec Emilie Gobin Mignot, l’histoire commence par une rencontre, celle de Bertrand Wolff, un producteur audiovisuel qui est devenu son associé sur cette nouvelle aventure.

Ils constatent que les entreprises ne perçoivent pas d’utilité concrète à la réalité augmentée ou virtuelle. 

" Les chefs d’entreprise n’avaient pas conscience des usages. Même après des petites démonstrations, difficile de passer à l’échelle ".

Pour autant, l’utilité de ces technologies est évidente pour les co-fondateurs d’Antilogy : 

" On peut utiliser la VR pour simuler des accidents mortels et préparer les gens à les éviter ou à mieux réagir. Je pense que l’on ne peut pas faire plus fort en termes de retour sur investissement, que ce soit éthique ou financier. Mais on peut aussi avoir des simulateurs de gestes techniques ou des simulateurs de conversations. C’est assez magique, parce qu’une fois que tu as eu une expérience en VR, c’est comme si tu l’avais vraiment vécue. J’ai vécu des situations de harcèlement, d’accidents ou d’incendies en VR et ça fait maintenant partie de mon vécu. Évidemment, je sais intellectuellement que ce n’est pas le cas… mais cognitivement, si je suis confronté à ces situations, j’aurais des réflexes acquis pendant ces courtes sessions ".

En cinq ans, Antilogy a accompagné 300 projets de déploiements de projets AR/VR ou liés au métavers, principalement pour des groupes comme la SNCF, la BNP, Pôle Emploi, la Mairie de Paris, etc.

Le marché est aujourd’hui en pleine accélération. Emilie Gobin Mignot considère qu’il y a eu trois périodes très distinctes :  

  • L’avant-COVID où les entreprises étaient dans la découverte. 
  • La période COVID qui a mis un violent coup d’arrêt, alors que les grands groupes revenaient à certains basiques et qu’il était compliqué de pratiquer de la VR sans le matériel adapté. 
  • Puis la période post-COVID où, selon ses mots, " d’un coup, toutes les barrières se sont levées. Les entreprises avaient fait leur transition numérique et cherchaient des solutions pour casser l’isolement du chacun chez soi devant Zoom. La question n’était plus : est-ce que je dois y aller ? Mais comment j’installe la modalité durablement dans mes moyens pédagogiques. Cela devient un outil comme les autres ".  

De l’importance d’apprendre à se connaître soi-même avant d’entreprendre

" Je ne pense pas que je retournerais un jour sur du BtoC, confie Emilie Gobin Mignot à Maddyness. Je préfère discuter avec des entreprises sur leurs problèmes et les accompagner. Aujourd’hui, je recherche avant tout l’efficacité de l’innovation, à avoir un impact positif. Je suis davantage dans une logique de recherche de sens ".

Au moment où elle se lance dans l’aventure L’Usien à Design, elle Emilie Gobin Mignot avait 24 ans. " A cette époque, je ne savais pas qui j’étais ou ce qui m’animait ". Elle se retrouve donc projetée sous les feux des projecteurs d’une entreprise en très forte croissance, qui lève beaucoup de fonds et qui recrute une grande équipe.

" Je n’étais pas vraiment épanouie par tout ça… mais je ne me posais même pas la question à l’époque ".

Beaucoup de choses font sens seulement dix ans plus tard. Emilie Gobin Mignot cite d’ailleurs un livre qu’elle a lu en janvier dernier, Objectif : Mars ! (Petit manuel à l’usage des entrepreneurs qui rêvent de conquérir le monde), par Bruno Martinaud et Alain Bloch et qui lui font prendre conscience que les quatre co-fondateurs de l’Usine à Design avaient cherché à scaler alors qu’ils n’avaient pas encore consolidé la base.

" On a construit un immeuble à dix étages alors que le deuxième ne tenait pas encore ".

Emilie Gobin Mignot ne tient pourtant pas à s’appesantir sur l’expérience de l’Usine à Design. C’était il y a dix ans et elle ne souhaite pas que cette expérience la définisse en tant qu’entrepreneur. Pour Maddyness, elle accepte pourtant d’en reparler une dernière fois pour délivrer ce message sur sa vision de l’entrepreneuriat : 

" On se focalise trop souvent sur les licornes et les levées, sans parler du nombre d’entrepreneurs qui sont malheureux, dont les familles éclatent, qui sont en burn-out. Moi j’aspire à une vie plus équilibrée. Aujourd’hui je suis maman et j’ai envie de m’épanouir dans mon travail. Il se trouve que cela passe par l’entrepreneuriat. Et je ne dis surtout pas que l’innovation n’est pas nécessaire, que l’hyper croissance n’est pas formidable pour l’économie, mais à un moment donné c’est avant tout une histoire de vie…. Pour moi la réussite, c'est un épanouissement global. Et la réussite entrepreneuriale n'en est qu'une composante ! ".