Être salarié-parent dans un environnement en forte croissance n’est pas un long fleuve tranquille. Performance et nuits écourtées font rarement bon ménage, quant aux appels impromptus de la crèche en pleine réunion, ils ne font qu’alourdir une charge mentale déjà bien installée. Parentalité : nouveau fer de lance des politiques RH ?

Aujourd’hui, la parentalité est encore vécue comme un frein à l’évolution professionnelle : selon le baromètre " Les Français et l’inclusion " Apicil-OpinionWay, 59 % considèrent qu’il est difficile d’obtenir une promotion au retour d’un congé maternité, paternité ou parental.

Néanmoins, les réflexions sur la parentalité en entreprise s’accélèrent selon Clémence Pagnon, cofondatrice de Issence et du Parental Challenge, agence de conseil RH sur la politique parentalité qui est l'un des 4 initiatrices du Parental Challenge en 2022 : " On assiste à un changement profond, notamment dans l’univers des startups où le sujet devient central. ". Différents enjeux expliquent ce tournant :

- L’attractivité et la fidélisation des talents : " Il s’agit de repenser la culture d’entreprise pour mieux accueillir les parents : revoir les temps de convivialité par exemple. " .
- Une prise de conscience des décisionnaires : " un CEO de startup est confronté à la parentalité et décide de porter ce sujet en interne. " .
- Un attrait pour les innovations RH et un intérêt pour les sujets autour de la RSE (responsabilité sociale de l’entreprise) : " Il s’agit souvent d’entreprises qui souhaitent se labelliser, type B Corp. ".
- La mixité des métiers : " Certains secteurs se heurtent à des difficultés de recrutement, notamment dans la tech : pour attirer les talents féminins, la parentalité est un axe RH à creuser. ".
- L'émergence d'un nouveau rapport au travail : " Les personnes qui dirigent aujourd’hui sont issues de la génération Y. Leur rapport au travail est très axé sur l’équilibre de vie, ce qui influe sur les priorités RH ", termine Clémence Pagnon.

Trois environnements " parent friendly " dont s’inspirer

PwC : une accélération des mesures en faveur de la parentalité

Depuis 2017, via le programme Family Care, le cabinet de conseil et d’audit cherche à offrir un environnement de travail inclusif aux salariés parents afin de les aider à concilier vie privée et vie professionnelle et leur permettre de poursuivre sereinement leur carrière. Le dispositif s’enrichit en 2023 : " Nous avons décidé de mettre en place trois nouvelles mesures en phase avec les nouvelles aspirations de nos salariés ", explique Pauline Adam-Kalfon, associée responsable Inclusion et Diversité chez PwC France et Maghreb :

Une offre de solutions de garde redimensionnée : " 300 places seront désormais disponibles, contre 45 jusqu’alors. ". Un accompagnement est aussi proposé par la conciergerie de PwC pour la recherche d'assistantes maternelles ou d’une autre solution de garde ou tout autre service facilitant le quotidien.

La mise en place d’un parcours parental pour accompagner les futurs nouveaux parents, depuis l’annonce de l’arrivée de l’enfant jusqu’aux mois qui suivent la reprise du travail : " Des rendez-vous seront organisés avec le management et les ressources humaines afin de prendre en compte la situation du collaborateur et trouver des solutions personnalisées ", souligne Pauline Adam-Kalfon.

Une flexibilité sur-mesure : " La flexibilité est au cœur de notre ADN. Dans le cadre d’une expérimentation qui débute dès juillet 2023, nous allons un cran plus loin : les modalités de travail seront individualisées en fonction des besoins spécifiques et des contraintes des collaborateurs parents. ".

Shine : une approche de la parentalité diffusée à tous les niveaux

Depuis ses débuts, la startup est très investie dans les sujets d’inclusivité et d’égalité : " Très tôt, nous avons lancé le bonus “personne à charge”, une augmentation de salaire brut dès lors qu’un salarié a un parent ou un enfant à charge. Le congé second parent était déjà de 5 semaines avant 2021, pour atteindre aujourd’hui 8 semaines ", explique Laura Né, people partner et référente parentalité chez Shine. À ce titre, l’une de ses missions a été de structurer la politique de parentalité : " Un état des lieux a été mené pour référencer l’ensemble des actions internes. Cela nous a permis de pointer les sujets sur lesquels nous voulions aller plus loin. Notre parti pris a été d’adresser la parentalité au sens large, en incluant toutes les situations personnelles impactantes. ". La startup accompagne aujourd’hui tous les parcours parentaux : " Nous offrons des congés en cas de fausse couche, de parcours PMA ou encore dans le cadre de demandes d’agrément pour l’adoption. " .

Le choix d’avoir nommé une référente parentalité est aussi un pilier de leur approche : " Je réponds aux questions spécifiques des salariés en toute confidentialité ", souligne Laura Né. En complément, un guide parentalité a été rédigé spécifiquement pour les managers pour les aider à accompagner leurs collaborateurs : " Ce qui fait la différence dans le quotidien d’un parent est la relation avec son manager. ".

Alan : la promesse d'une expérience collaborateur intégrée

Chez Alan, la parentalité est assimilée à leur culture d’entreprise fondée sur la flexibilité. " Comme tout autre événement de la vie, devenir parent fait partie intégrante du parcours collaborateur. L'équipe People accompagne ce moment de vie pour une expérience employé sans couture ", explique Juliette Raimbault, people lead chez Alan.

Les dispositifs RH proposés à tous, permettent aussi de faciliter la vie des parents : " Nous proposons des congés additionnels au coparent : deux semaines en plus de la durée légale. ". La flexibilité s’applique au lieu de travail : " Les salariés peuvent travailler d’où ils le souhaitent ", souligne Juliette Raimbault. Le rapport au temps est aussi un axe clé de la culture Alan : " Nous avons une culture de l’écrit et de l’asynchrone : les décisions ne sont jamais prises à l’oral et les réunions sont quasi inexistantes, ce qui est très pratique quand on a des contraintes parentales. ".

D’autres mesures, plus ciblées existent comme un accès à des places en crèche pris en charge à 100 % et sans critère d’ancienneté, une salle d'allaitement dans les locaux situés à Paris et un re-onboarding pour faciliter le retour après le congé maternité : " Nous appliquons les bonnes pratiques de notre parcours d’intégration ("onboarding") telles que la mise en place d’un buddy, de préférence un autre parent, ou encore un calibrage d’objectifs en phase avec la situation personnelle afin de réussir sa ré-intégration post-congé maternité ", conclut Juliette Raimbault.

Si le changement semble bien enclenché, certains freins résident encore dans l’inconscient (professionnel) collectif selon Clémence Pagnon: " On pense que la parentalité coûte cher… Or, il existe une palette d’actions qui sont financièrement neutres, à commencer par le fait d’informer. " .