Changement en vue à la tête d’Ÿnsect. En effet, Antoine Hubert, co-fondateur et CEO de cette tête d’affiche de la French Tech, a estimé que le moment était venu de passer la main. Dans ce cadre, c’est Shankar Krishnamoorthy, ancien membre du comité exécutif d'Engie, qui a été choisi pour reprendre le flambeau. Ce dernier était arrivé en 2021 dans la société spécialisée dans la production de protéines naturelles d’insectes et d’engrais afin d’en mener le développement à l’international et assurer la gestion de la construction de l’usine près Amiens, vaisseau amiral de ce membre du Next 40.

Aux yeux d’Antoine Hubert, les planètes étaient alignées pour laisser sa place de CEO. "L’organisation a toujours évolué en fonction de paliers industriels. Et actuellement, nous passons un nouveau cap industriel, car l’usine d’Amiens a démarré son premier atelier en fin d’année dernière et le cœur de la ferme verticale sera activé durant l’été", note Antoine Hubert, qui éprouve aussi le besoin d’avoir un meilleur équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle après plus d’une décennie consacrée au développement d’Ÿnsect.

Toutefois, il ne va pas quitter l’entreprise, en prenant les fonctions de vice-président exécutif et de Chief Innovation Officer. "Je vais pouvoir me reconcentrer sur l’innovation. C’est un mouvement naturel qui va me permettre d’être davantage dans une zone de confort personnelle, avec moins de pression", estime Antoine Hubert. Avant d’ajouter sur une pointe d’humour en plein Tour de France : "C’était le moment de filer le maillot jaune à Shankar."

Une giga-usine qui va monter en puissance près d’Amiens

Pour le nouveau patron d’Ÿnsect, la priorité affichée est claire : atteindre la rentabilité. "J’ai vu au cours de ces dernières années que les fondations de l’entreprise étaient là pour construire un business solide. Ce que nous devons faire avant tout, c’est faire monter en puissance l’usine d’Amiens. Ensuite, il faut réduire les coûts opérationnels et les coûts d’achat par exemple. Et puis il y a évidemment le développement à l’international. Nous allons devoir choisir dans les prochains mois l’emplacement de notre prochaine usine", indique Shankar Krishnamoorthy.

Dans ce cadre, les États-Unis, où la société tricolore a racheté l’an passé Jord Producers, l’un des plus grands producteurs américains de vers de farine, et le Mexique, où un partenariat a été noué avec le groupe agroalimentaire Corporativo Kosmos, semblent bien placés. Mais d’autres pays, comme le Japon et la Corée du Sud, sont également sur les rangs. "Il y a des demandes des quatre coins du monde", se réjouit Antoine Hubert.

Une restructuration bientôt terminée

Pour nourrir ses ambitions, Ÿnsect a annoncé en avril dernier un tour de table de 160 millions d’euros pour accélérer la cadence de production de l’entreprise. Dans ce sens, la mise en service progressive de l’usine de Poulainville (Somme), étalée sur 45 000 mètres carrés près d’Amiens, doit permettre à la startup industrielle de franchir une étape décisive de son développement, en complément des autres sites de production de la société à Dole (Jura) et dans le Nebraska, aux États-Unis, suite à l’acquisition de Jord Producers. Ces différents sites industriels permettront ainsi d’absorber les plus de 200 millions de dollars contrats signés pour les trois prochaines années.

Mais la stratégie de la licorne tricolore, aussi ambitieuse soit-elle, doit s’adapter à un climat économique plus difficile depuis l’an passé. Ainsi, la société a supprimé des empois aux Pays-Bas, où elle a racheté la startup Protifarm en 2021, et mis en place un plan de départs volontaires en France. Ces deux étapes difficiles devraient être finalisées d’ici la rentrée. "C’était lié à notre plan qui a été ajusté pour accélérer notre capacité à atteindre la rentabilité. Nous avons mutualisé nos plateformes technologiques en une seule pour faire des économies d’échelle, et il y a des fonctions qui sont devenues naturellement obsolètes", justifie le co-fondateur d’Ÿnsect. Après cette restructuration, l’entreprise espère pouvoir se concentrer pleinement sur son ambition de devenir un géant mondial des insectes, ce qui pourrait passer par une deuxième tranche de sa levée de fonds d’avril, qui pourrait intervenir d’ici la fin de l’année.