Dans l’écosystème startup, des solutions en “off market” tentent de pallier cette anomalie de marché : elles se positionnent comme un service d’intermédiation exclusif entre des talents triés sur le volet et les startups les plus porteuses. Une vraie proposition de valeur alors que la crise bouscule le secteur.

Inflexion des levées de fonds, guerre des talents… les startups face à la nouvelle donne de l’emploi

Le marché de l’emploi des startups est assez versatile depuis quelques mois : après un premier trimestre 2023 en création nette d’emplois, la dynamique subit une première inflexion en avril : le nombre de startups qui créent des emplois a baissé de 69 %. Aux dernières nouvelles, la dynamique repart à la hausse : en juin, 6.015 créations nettes d’emplois ont été répertoriées par le Baromètre de l’emploi des startups en France, réalisé par Numeum, premier syndicat professionnel des entreprises du numérique dans l’Hexagone.

Face à cela, les difficultés de recrutement sont latentes depuis la fin de la crise Covid : 44 % des startups sont dans ce cas de figure, notamment pour les postes techniques. Les profils les plus recherchés (marketing, tech…) s’avèrent particulièrement volatils : 73 % d’entre eux seraient prêts à changer de poste d’ici 2 à 3 ans : " Aujourd’hui, le marché de l’emploi des startups se tend à cause du contexte économique : certains salariés sont obligés de changer de job. En face, certaines startups sont très porteuses et cherchent à embaucher : l’enjeu est de créer de la liquidité et de la transparence entre ces acteurs afin de provoquer les opportunités de rencontre ", explique Victoire Laurenty, investisseur chez Wendel.

Les solutions " off market " pour préempter les top talents

TalentLetter : le mail hebdo qui met en lumière deux candidats

TalentLetter est un concept pionnier sur le " off market " du recrutement de C-levels. Créée depuis 6 ans, la newsletter est envoyée chaque semaine à plus de 300 startups (plus de 600 destinataires) avec une promesse : présenter deux top talents minutieusement sélectionnés. L'objectif ? Apporter une réponse concrète aux startups qui peinent à pourvoir certains postes clés : " L’idée est de présenter chaque semaine aux entreprises abonnées, deux talents que nous avons interviewés, et qui nous semblent pertinents ", explique Florent Thomas, en charge de TalentLetter. L’initiative prenant de l’ampleur, et pour mieux cibler les attentes mutuelles, en 2019, l’approche a évolué : une newsletter connexe à TalentLetter a vu le jour sous le nom de first 20. Son but est d’accompagner spécifiquement les startups à trouver leurs premiers talents, au démarrage de l'aventure.

Qui sont les " happy few " candidats sélectionnés dans ces deux newsletters ? Des " head of " ou C-levels, tous bien " capés " pour rejoindre des aventures entrepreneuriales en forte croissance : " Les startups sont, elles aussi, soigneusement choisies selon des critères précis pour assurer que les talents rejoignent une entreprise solide. ". Après 320 éditions, la newsletter est une réussite qui démontre son utilité : " Le taux d’ouverture de la newsletter est de 70-75 % sur les 650 destinataires. Fairmat, Pigment, Alan ou Alma ont recruté leurs talents via ce canal. Chaque année, 20 à 30 personnes trouvent un emploi grâce à nous ", souligne Florent Thomas.

Et first20 ? " En juin 2023, nous disposons de 750 startups actives dans notre base de données. Les deux candidats que nous mettons en avant chaque semaine reçoivent en moyenne 15 propositions d’entretien. C’est un moyen exceptionnel d’être connecté aux plus belles startups en lancement, dont le ralentissement est d’ailleurs plus mesuré ", précise Antoine Freysz, fondateur de Kerala.

BSA.club : une plateforme de mise en relation exclusive

Plus récemment, William Vermont, investor chez isai et Victoire Laurenty, investor chez Wendel, ont co-créé Bsa.club, une plateforme de mise en relation entre startups et talents. " J’ai beaucoup appris auprès d’Antoine Freysz lorsque je travaillais chez Kerala sur First20. Avec Bsa.club, nous voulions aller plus loin en adressant plusieurs problématiques : assurer la confidentialité des talents, ce qui n’est pas le cas quand un profil est envoyé à plus de 300 contacts, rééquilibrer le marché de l’emploi en faveur du candidat et attirer des chercheurs d’emploi passifs ", explique Victoire Laurenty.

En effet, Bsa.club propose un modèle différent : " Si un C-level ou Head of souhaite changer de job dans la plus grande discrétion, il s’inscrit à la plateforme. Si le profil nous semble intéressant, nous menons un entretien avec lui. Ce premier échange a vocation à présenter le marché actuel des startups. En tant que VC, nous disposons d’une très bonne connaissance, c’est un vrai plus pour les candidats. ". Si la personne passe cette étape - le taux d’acceptation étant de 25 % - elle peut contacter elle-même les startups inscrites sur la plateforme.

Leurs engagements ? " Une réponse de la part des startups, si elles sont intéressées, doit être faite entre 48 et 72 h. Notre mission est simple : faire en sorte que les bonnes personnes, 75 profils et 70 startups, se parlent au bon moment ", précise William Vermont.

Leur vision ? Créer un CRM candidats afin que chacun puisse cultiver son réseau dans l’optique de trouver l’entreprise adéquate, en temps voulu. " Pour cela, il faut que les talents et les startups puissent avoir un maximum d’échanges : c’est la vocation de la plateforme ", conclut William Vermont.