Semaine intense pour Forge. Et pour cause, la filiale crypto de la Société Générale a décroché le premier agrément PSAN (prescrire de services sur actifs numériques) de l’Autorité des marchés financiers (AMF), le plus haut niveau de certification réglementaire pour les opérations impliquant des actifs numériques. Avec ce précieux sésame, Forge va non seulement pouvoir déployer davantage de services crypto en France, mais aussi se positionner encore un peu plus comme un acteur majeur de la cryptosphère hexagonale.

Créée en 2018 au sein du groupe Société Générale, Forge multiplie les initiatives pour tirer son épingle du jeu. En avril dernier, la société a notamment lancé un stablecoin institutionnel. Mais elle se distingue surtout avec son projet visant à instaurer une nouvelle norme de marché pour l’émission et l’échange d’instruments financiers sur la blockchain. Baptisé CAST (Compliance Architecture for Security Tokens), ce standard repose sur une approche open source pour faciliter son adoption par l’ensemble des acteurs financiers. Interopérable, il fonctionne avec toutes les blockchains.

"Nous ne voulons pas attendre 40 ans pour avoir des titres financiers tokenisés"

En effet, l’objectif est d’impliquer le maximum de structures dans ce projet, de manière à diffuser un langage métier commun autour de la blockchain sur les marchés financiers. "Il y a trois ou quatre ans, il y avait un certain nombre d’expérimentations sur les security tokens, mais il y avait un risque d’avoir des expérimentations qui soient complètement décorrélées les unes des autres. Or cela pose problème dans la fédération d’un marché. A mes yeux, la blockchain est censée favorisée l’évolution des marchés pour les rendre plus interopérables", estime Stéphane Blemus, secrétaire général de Forge. Avant d'ajouter : "Sur ces nouvelles technologies, nous avons besoin de trouver la réponse en écosystème, pas en silos."

Dans ce cadre, Forge s’est donc ouvert à l’ensemble des acteurs financiers, y compris les concurrents de la Société Générale, pour que ce nouveau standard de marché puisse avoir une réelle portée. "Nous ne voulons pas attendre 40 ans pour avoir des titres financiers tokenisés. Avec CAST, nous aidons non seulement les acteurs financiers à adopter de nouvelles technologies, et en fédérant nos forces avec eux, cela nous permet aussi de minimiser les coûts", explique Stéphane Blemus.

Un hackathon pour peaufiner ce nouveau standard

Dans cette logique d’ouverture, Forge a également lancé l’an passé le CAST Challenge, un hackathon annuel de deux jours pour réfléchir à des innovations pour améliorer ce standard d’interopérabilité. Cette année, la deuxième édition s’est déroulée au Palais Brongniart pour se concentrer sur deux cas d’usage : l'interopérabilité des security tokens avec d'autres initiatives de normalisation des marchés financiers et le règlement de transactions ‘on chain’ sur blockchain. Dans ce cadre, huit participants, comme Kaiko, FeverTokens et Quantoz, ont travaillé deux jours sur ces deux problématiques. "L’objectif est de s’inscrire dans la durée pour devenir un événement indispensable des débats sur les security tokens. C’est aussi un moyen de faire grossir l’écosystème, et ainsi d’avoir plus de prestataires de services, tout en réfléchissant à des règles communes pour avoir des marchés digitaux plus efficients", résume Stéphane Blemus.

De manière globale, l’idée est de faciliter les passerelles entre les marchés financiers traditionnels et l’écosystème des crypto-actifs, deux univers qui cohabitent sans forcément se parler. Le secrétaire général de Forge se réjouit ainsi de voir des banquiers, des investisseurs, des émetteurs d’instruments financiers ou encore les acteurs du Web3 s’intéresser à de telles initiatives. "Avec le CAST Challenge, nous souhaitons agréger de plus en plus d’acteurs au fil des années", indique Stéphane Blemus.

Cette démarche séduit les participants à l’événement, à l’image de Philippe Redaelli, Managing Director On-Chain Market Data de Kaiko, fournisseur de données sur le marché des cryptomonnaies : "Ce qui est en jeu, c’est l’évolution des infrastructures de marché sur des standards où on peut faire transiter la valeur sur internet de façon beaucoup plus ouverte via la blockchain. Dans ce cadre, CAST joue un rôle important, car c’est l’une des premières initiatives à l’échelle de marché bilatéral dans un cadre conforme."  Reste désormais à savoir à quelle échéance ce standard d’interopérabilité parviendra à s’imposer dans la sphère financière, alors que la tokenisation de plusieurs pans de l’économie, à l’image de l’immobilier avec WiSeed, est d’ores et déjà engagée.