Un spray nasal plutôt qu’une aiguille pour contrer le Covid-19, c’est peut-être pour bientôt. En effet, la startup LoValTech planche actuellement sur des vaccins protéines par voie nasale pour lutter contre les maladies infectieuses, comme le SARS-CoV-2 qui inquiète à nouveau les autorités en raison du variant Eris qui fait repartir à la hausse les contaminations dans l’Hexagone. Mais il faudra s’armer de patience car la mise sur le marché du premier vaccin n’est pas attendue avant 2025, voire 2026, après des essais cliniques qui doivent débuter en 2024.

Si ce temps de développement peut sembler trop long au vu de l’urgence engendrée par la pandémie de Covid-19, il ne faut pas oublier que les vaccins à ARN messager, comme ceux de BioNTech-Pfizer et Moderna, étaient le fruit de plusieurs décennies de recherches. Dans le cas de l’approche de LoValTech, ce sont 15 ans de travaux des équipes de l’université de Tours et de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) qui ont été mis à profit. «L’université n’a pas vocation à mettre des produits sur le marché, il fallait créer une startup pour porter ce projet jusqu’à l’industrialisation», indique Patrick Barillot, qui a créé la société avec Isabelle Dimier-Poisson, Mathieu Epardaud et Nicolas Aubrey, en janvier 2022.

LoValTech et Aptar Pharma, lauréats de France 2030

Pour faire décoller le projet, 11 millions d’euros ont été collectés à ce jour, notamment auprès de structures comme l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS). «Avec le Covid, nous avons vu que nous étions en retard sur les vaccins, mais je pense que nous avons quelque chose à faire pour rattraper notre retard. On aimerait parfois avoir plus pour aller plus vite, mais des aides sont là, et nous avons pu en bénéficier», note Patrick Barillot.

La société figure d’ailleurs parmi les lauréats du programme France 2030 aux côtés d’Aptar Pharma, entité du groupe américain Aptar Group qui compte plusieurs sites de production en France et qui a été retenue pour mettre au point le dispositif d’administration nasale du vaccin. Dans le cadre de France 2030, un financement total de 8,4 millions d’euros a ainsi été octroyé, dont 5,3 millions pour LovalTech.

«Ça pourrait être la première fois qu’on devance des variants»

Le patron de la deeptech française est d’autant plus optimiste qu’il n’y a actuellement que des vaccins administrés par voie intramusculaire sur le marché pour lutter contre le Covid-19, ce qui ne garantit qu'une immunité systémique et pas mucosale. En effet, ce procédé permet de protéger contre les formes graves de la maladie, mais pas de bloquer la transmission du virus et donc les variants. «Des vaccins par voie nasale permettent d’induire une immunité des muqueuses nasales. De cette manière, le virus est éliminé dès l’entrée dans le nez, ce qui évite qu’il se multiplie et qu’il contamine d’autres personnes. Ça pourrait être la première fois qu’on devance des variants. Et cerise sur la gâteau, il n’est pas nécessaire de conserver ces vaccins à des températures extrêmes», explique Patrick Barillot.

Dans ce contexte, cela pourrait ouvrir de nouvelles perspectives en matière de vaccination, notamment lors de futures pandémies. «C’est assez révolutionnaire car il n’y a pas beaucoup de vaccins de ce type. Les vaccins intranasaux, c’est une nouvelle façon de vacciner les gens, moins instructive. Cela permet de faire disparaître la peur des aiguilles et c’est plus simple à expliquer», assure Xavier Aubry, fondateur du Da Vinci Labs, structure qui vise à faire émerger des champions de la deeptech et qui a investi dans LoValTech. «Il y a eu un gros travail de R&D, car le nez a été paradoxalement assez bien fait. En effet, il a été conçu pour rejeter tout ce qui entre. Cela pose des problèmes techniques qui n’ont pas été résolus facilement et c’est un progrès considérable par rapport à d’autres fortes unités de recherche ou de groupes pharmaceutiques qui n’ont pas encore réussi à créer un tel vaccin», ajoute-t-il.

Des applications possibles pour de nombreuses maladies

Rien que sur le Covid-19, même si l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a estimé en mai que le virus ne représentait plus une urgence sanitaire mondiale, une telle technologie pourrait tout de même être utile. «Même en période dite endémique, avec des résurgences régulières selon les pays, il y a un marché qui restera résiduel de 5 à 20 milliards d’euros. Évidemment, des vaccins comme celui de Pfizer dominent le secteur, mais le vaccin de LoValTech peut gagner rapidement des parts de marché au vu de son application et de sa conversation à température ambiante. En quelque sorte, le Covid permet de faire une preuve de concept pour lutter contre la contagion d’un virus et les variants», explique Xavier Aubry.

Ainsi, le Covid ne constituera que la première étape d’une ambition bien plus large. «On va pouvoir appliquer ce procédé à d’autres maladies respiratoires et d’autres maladies des muqueuses. Cancers, virus, parasites… Il n’y a pas vraiment de limite», ajoute le fondateur du Da Vinci Labs. «En quelques semaines, on pourra concevoir des vaccins. Nous avons envie de faire de ce projet une vraie pépite», complète Patrick Barillot. Si ce vœu se concrétise, LoValTech s’érigera parmi les fers de lance de la deeptech française, aux côtés d’acteurs, comme Pasqal qui est l’un des leaders de l’informatique quantique en Europe.