Parce qu’elles avaient le sentiment que les clubs d’investissements étaient réservés aux hommes, elles ont décidé de créer leur propre club, réservé aux femmes. Maddyness a rencontré Louise Bousquet et Sarah Huet, deux des 29 business angels de Leia Capital, une structure 100 % féminine qui soutient l’entrepreneuriat féminin et mixte.

Un “girls club” parmi les “boys clubs”

"J’ai commencé à investir à titre personnel, dans le secteur du luxe écoresponsable, que je connaissais bien. Mais j’ai vite trouvé mes limites, je ne me sentais pas légitime d’aller regarder d’autres secteurs que je maîtrisais moins. De manière générale, je me sentais assez exclue des discussions sur l’investissement, qui semblaient presque réservées aux hommes", introduit Louise Bousquet à l’origine de la création de Leia Capital.

L’investisseuse a rallié l’agence de pub familiale Business, connue pour ses slogans, après avoir fait ses armes dans l’univers du luxe. "En parlant avec Clémence Lejeune, une amie qui se heurtait à la difficulté de lever des fonds face à un public quasi exclusivement masculin, pour son projet femtech, nous avons concrétisé l’idée de Leia Capital", poursuit-elle. L’objectif est double : réunir des femmes pour démocratiser l’investissement et favoriser l’entrepreneuriat au féminin. Le club est donc 100 % féminin et n’investit que dans des sociétés dont au moins 30 % du capital est détenu par une femme.

Lancé fin 2021, il réunissait 14 investisseuses, toutes arrivées par bouche-à-oreille, qui ont investi au total 500.000 euros. "Nous avons cherché à nous entourer des meilleures et surtout à réunir autour de la table des femmes aux profils complémentaires, qui n’avaient pas forcément toutes une bonne maîtrise de l’écosystème", détaille Louise Bousquet. C’est à ce moment-là qu’est arrivée Sarah Huet, qui, après un passage au sein du fonds Partech, a cofondé A Female Agency, l’agence spécialisée dans le recrutement de talents féminins.

Si elle avait déjà investi à titre personnel, Sarah voit de nombreux avantages à la possibilité d’investir de manière collective. "Certaines avaient déjà investi, d’autres n’avaient pas encore osé franchir le pas. Dans tous les cas, c’est rassurant de pouvoir échanger entre pairs. Cela permet aussi de lisser le risque, plutôt que d’investir un ticket dans une seule startup, on peut investir le même montant dans plusieurs startups", explique Sarah Huet. Très concrètement, les investisseuses sont toutes associées d’une holding, qui elle-même investit et prend des parts dans les startups. En termes de gouvernance, le comité d’investissement requiert la majorité aux deux tiers pour les prises de décisions.

"L’avantage pour les entrepreneuses, est qu’elles n’ont sur leur table de capitalisation qu’une seule ligne Leia Capital, mais que derrière elles ont accès à l’expérience de toutes les investisseuses. De la pure smart money", commente Sarah Huet.

Toutes les investisseuses ont une activité professionnelle, ce qui fait également de Leia Capital, un réseau influent. "Les entrepreneuses peuvent bénéficier de notre côté très opérationnel, au quotidien, comme elles, nous menons des projets, nous recrutons, etc..", précise Sarah Huet.

Depuis la création, un second véhicule a été créé, réunissant cette fois-ci 29 investisseuses pour un montant de 1 million d’euros qui sera déployé sur les prochains 18 mois. Le ticket minimum, initialement de 20.000 euros, est, lui, monté à 50.000 euros.

Financer des projets portés par des équipes mixtes ou féminines

Ce n’est pas un secret, les femmes entrepreneuses sont encore bien plus rares que leurs homologues masculins, et même si les initiatives se multiplient, il reste plus compliqué pour elles de lever des fonds. Selon le baromètre SISTA 2023, en Europe, seules 22 % des startups créées en 2022 comptent au moins une femme parmi leurs fondateurs. L’autre sujet de préoccupation est celui du financement. Moins d'un cinquième des fonds levés est dirigé en 2022 vers une équipe fondatrice comprenant une femme et le montant moyen levé par les équipes composées uniquement de femmes reste environ quatre fois inférieur à celui des équipes composées uniquement d'hommes.

"Je crois beaucoup à l’exemplarité, il faut donner envie à des jeunes femmes de se lancer. Le monde de demain ne doit pas se décider uniquement à travers le prisme d’un homme blanc de 40 ans, il doit être à l’image de la société", partage Louise Bousquet. Leia Capital se concentre sur les tours d’amorçage, en investissant des tickets de 10 000 à 50.000 euros dans des entreprises françaises dont au moins une fondatrice détient 30 % du capital. "Ce chiffre est important, pour éviter les dossiers de façade", précise Louise Bousquet.

En termes de secteurs, les investisseuses sont agnostiques et ont jusqu’à présent réalisé des investissements dans la santé, l’IA, la sécurité, la néobanque verte ou encore l’immobilier B2B. "On cherche avant tout de l’ambition. Nous sommes dans une logique de sororité bien sûr, mais nous sommes surtout des investisseuses", commente Louise Bousquet. "On aimerait créer un vivier dans lequel les fonds de VC viennent se sourcer pour les tours qui suivent", ajoute-t-elle.

La totalité du premier fonds a été investi à travers sept participations, dont Green-Got, SiView ou Underdog et le second a déjà investi dans cinq startups dont MadamePee et plus récemment OMAJ.

Aujourd’hui, les investisseuses regardent de près les secteurs dans lesquels elles n’ont pas encore investi comme l’edtech, la santé sénior ou la femtech. “On ne se précipite pas dans le contexte actuel, nous n’avons pas de LPs qui nous pressent pour déployer, c’est l’avantage de notre structure, on se laisse le temps de trouver les bons dossiers”, conclut Sarah Huet.