Si la French Tech souffle cette année sa 10ème bougie, les startups sont encore peu nombreuses à lever le voile sur leurs performances financières. Si certaines se contentent de donner des pourcentages de croissance qu’il est difficile de remettre en perspective, il demeure compliqué d’avoir une idée précise de leur santé économique. Pour y voir un peu plus clair en la matière, la Banque de France révèle aujourd’hui son étude annuelle sur la situation financière des startups.

Dans ce cadre, ce sont près de 2 500 bilans d’entreprises tricolores sur l’année 2022 qui ont été analysés. «Nous avons un mapping de 300 000 sociétés, dont 3 600 sont qualifiées de startups par la Banque de France. J’imagine qu’il y a 20 000 à 25 000 startups en France, mais j’en vois 2 500 à 3 000. Sur ces 25 000 startups, on a le Top 10 % des startups», indique Maurice Oms, correspondant national des startups à la Banque de France. A noter que les sociétés retenues pour l’étude ont en moyenne dix ans d’existence et devaient avoir réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 euros en 2021 ou en 2022, et levé plus de 3 millions d’euros pour être prises en compte. 62 % des dirigeants ont entre 35 et 55 ans, avec un âge médian de 44 ans, et seulement 12 % des fondateurs sont des femmes. Au total, les startups sélectionnées emploient 103 700 personnes, contre 85 600 un an plus tôt, soit une hausse de 21 % entre 2021 et 2022. En moyenne, elles emploient 45 personnes, avec une valeur médiane de 23 salariés.

Le recours à la dette progresse

A partir de l’échantillon analysé, il en ressort que l’activité des jeunes pousses françaises a progressé de 25 % en moyenne en 2022, soit le double de la croissance des TPE et PME de l’Hexagone. La plus grosse progression au niveau du chiffre d’affaires est à mettre au crédit de la greentech (+40 %), devant la mobilité (+35 %). Les startups qui cherchent à relever les enjeux environnementaux, surtout celles qui se sont positionnées dans la production ou la fourniture d’énergies vertes, ont notamment tiré profit des tensions sur les marchés mondiaux du pétrole et du gaz. En revanche, le marketing digital (+19 %), qui représente le quart des revenus de l’ensemble des startups, et la santé (+9 %) figurent parmi les croissances les plus faibles.

Outre une croissance d’activité qui se maintient, la Banque de France a relevé une augmentation de la dette bancaire au sein des startups, de l’ordre de 26 % pour atteindre 5,4 milliards de dollars. «Si les startups se financent avec de la dette, c’est quelles sont plus matures et se rapprochent de leur seuil de rentabilité. C’est un financement additionnel», note Maurice Oms. Au final, 83 % des startups ont recours à l’endettement, avec une valeur médiane qui se situe à 703 000 euros. En revanche, moins de 10 % des jeunes pousses mettent en place des bridges sous forme d’émissions obligataires, mais ces opérations ont bondi de 33 % sur un an.

Si la part de la dette a progressé, c’est aussi le cas des pertes d’exploitations qui se sont creusées de manière significative, à hauteur de 55 % (bascule de -2,4 milliards à -3,8 milliards d’euros sur un an, soit une perte représentant 17% du chiffre d’affaires 2022 des startups, contre 14 % en 2021), tandis que la trésorerie active (-3 %) a été relativement épargnée au cours de l’année écoulée. «Au rythme de consommation de trésorerie observé en 2022, les startups en perte auraient en moyenne moins de deux ans de réserve devant elles hors nouvelle levée de fonds», estime la Banque de France.

Peu de défaillances… pour l’instant

Si 2022 a été une année record pour les levées de fonds des startups (plus de 13 milliards d’euros), le cru 2023 devrait être différent, alors que les opérations se sont effondrées de près de 50 % en valeur au premier semestre. Dans ce cadre, le ticket moyen a chuté, passant de 18 millions d’euros à l’issue de l’année 2022 à 10,8 millions d’euros après les six premiers mois de l’année en cours.

Par conséquent, il devrait y avoir davantage de défaillances parmi les startups dans les prochains mois, alors que la Banque de France n’a relevé que 13 procédures judiciaires parmi les 2 445 passées au peigne fin. «Le taux de sinistralité est faible (0,5 %) mais son évolution traduit la difficulté à réaliser des levées de fonds sur des projets trop éloignés de la rentabilité ou sur des bases de valorisation révisées à la baisse», analyse l’institution bancaire. Celle-ci précise aussi que le désengagement des investisseurs sur le segment late-stage, qui devrait être plus accentué dans les prochains mois, risque de conduire certaines startups à réorienter leur stratégie (le fameux pivot). «Entre les lignes, on sent un certain optimisme. Il y a un changement de paradigme, mais il y aura peut-être un peu de casse», concède Maurice Oms.

Dans ce contexte, les mesures pour soutenir l’écosystème, à l’image de la mission parlementaire du député Paul Midy (Renaissance), pour doper l’investissement dans les startups et les PME innovantes, et du plan Tibi 2, pour lequel les investisseurs institutionnels se sont engagés à investir 7 milliards d’euros dans le secteur d’ici 2026, ne seront pas de trop. Le programme French Tech 2030, qui met en lumière 125 startups développant des innovations de rupture en faveur de la transition écologique et de la réindustrialisation du pays, et l’European Tech Champions Initiative, un dispositif de fonds de fonds de la Banque européenne d’investissement pour contribuer à l’envol des scaleups du Vieux Continent, sont également des mesures qui pourraient offrir une bouffée d’oxygène bienvenue dans l’écosystème.