Chaque année, ce sont 10 millions de tonnes de nourriture qui sont perdues ou gaspillées tout au long de la chaîne alimentaire pour une valeur commerciale de 16 milliards d’euros, soit 238 euros pour chaque Français, selon l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Des chiffres impressionnants qui mettent en lumière le chemin qu’il reste à parcourir pour éradiquer ce fléau qui a une empreinte écologique conséquente.

Si des lois de lutte contre le gaspillage ont été votées ces dernières années, elles ne suffisent pas à elles-seules pour faire évoluer les mentalités. Ainsi, plusieurs startups ont décidé d’agir à leur niveau, à l’image de Phenix. Lancée en 2014, la société s’attèle à proposer une alternative à l'enfouissement et à l'incinération des déchets pour revaloriser les invendus : promotion sur les produits en dates courtes, don aux associations caritatives, déstockeurs, alimentation animale, recycleurs... Une solution qui permet de réaliser des économies non négligeables sur leurs coûts de traitements des déchets, en plus de bénéficier d'un chiffre d'affaires additionnel ou d'une réduction d'impôt.

En 2019, Phenix a également décidé d’impliquer les consommateurs dans sa démarche au travers d’une application leur permettant d’acheter à prix réduit les invendus de nombreux commerces (supermarchés, épiceries, fromagers, boulangers…). Dans le contextuel actuel de forte inflation, cette solution est particulièrement plébiscitée. «Ce qui marche le mieux, ce sont les paniers des supermarchés. La traction est plus forte, tout comme le taux de réachat. Il y a une vraie routine de consommation qui s’installe, avec une extension de la base d’acheteurs auprès des étudiants et des personnes âgées», relève Jean Moreau, co-fondateur et CEO de Phenix, qui décrit son entreprise comme un «Robin des bois du secteur alimentaire».

«C’était go big or go home»

Si la société est plutôt bien partie pour réaliser une «bonne année», selon les mots de son patron, elle a cependant été contrainte de revoir sa copie l’an passé à la sortie de la pandémie de Covid-19. «Nous avions bouclé un tour de table début 2019, qui a été complété en février 2020 avec Danone. Nous avions un gros trésor de guerre, puis le Covid est arrivé. Dans cette période particulière, nous avons pu bénéficier d’un PGE. Mais après deux ans d’immobilisme, nous nous sommes dit qu’il était temps de repartir de l’avant», se souvient Jean Moreau.

Dans ce sens, la startup a repris son expansion internationale, en se lançant en Espagne, au Portugal, en Italie ou encore en Belgique. Il était alors question d’être présent dans 10 pays européen en 2023. L’entreprise a même mené un test à Hong Kong pour prendre le pouls du marché asiatique. «Nous étions poussés par le contexte concurrentiel, c’était go big or go home», estime le patron de Phenix.

«En 2022, nous avons troqué l’hypercroissance pour la rentabilité»

Cependant, avec la crise de financement qui a frappé la tech l’an passé, la société a changé son fusil d’épaule. «En 2022, nous avons troqué l’hypercroissance pour la rentabilité», résume Jean Moreau. Ainsi, exit Hong Hong et l’Italie pour se concentrer sur l’Espagne, le Portugal et la Belgique francophone. «Nous avons réduit la voiture, nous étions partis trop vite et trop loin à l’international. En 2024, nous voulons simplifier la structure de l’entreprise et faire décoller l’Espagne et le Portugal, qui pèsent 500 000 euros de chiffre d’affaires, pour multiplier les revenus par trois l’an prochain dans ces deux pays», précise le dirigeant de la société, qui est notamment confrontée à la concurrence de Ton Good To Go.

Après cette période de reconfiguration, il se montre optimiste pour l’avenir alors que «les consommateurs sont plus éduqués». Mais l’entrepreneur est aussi conscient de l’étendue du défi à relever : «Si le gaspillage alimentaire était un pays, il serait le troisième plus gros émetteur de gaz à effet de serre dans le monde, après les États-Unis et la Chine.» Une comparaison qui témoigne de l’urgence à lutter contre le gaspillage alimentaire. A l'heure actuelle, Phenix assure sauver plus de 170 000 repas par jour.