Vents contraires ou non de l’économie et de la géopolitique, les investisseurs privés, à commencer par les institutionnels, doivent continuer à injecter de plus en plus d’argent dans les entreprises innovantes françaises, dont les startups. C’est en tout cas la volonté du gouvernement qui multiplie les initiatives dans ce sens.

Nouvelle illustration ce lundi avec un événement sur le financement des industries innovantes, organisé à Bercy sous l’égide de la Direction générale des entreprises (DGE). L’enjeu est simple : amplifier la vague d’investissements pour financer les transitions d’avenir portées notamment dans le cadre du plan France 2030 avec l’appui des LPs, des fonds d’investissement, des organismes d’accompagnement, des partenaires comme Bpifrance et des entreprises liées à la reconquête industrielle et à la deeptech.

«L’idée de cette conférence est de confronter les visions des investisseurs institutionnels et de les faire dialoguer avec des fonds, mais aussi de partager les meilleures pratiques», indique un porte-parole de la DGE. Le tout pour faire monter en puissance le financement d’innovations clés dans la santé, les biotechnologies, la lutte contre le réchauffement climatique, l’énergie ou encore le hardware et l’informatique quantique. «Il est essentiel de partager des perspectives sectorielles qui sont très différentes. Il faut souligner également que ces secteurs représentent de très grosses opportunités», ajoute le représentant de la DGE.

7 milliards d’euros promis dans le cadre de Tibi 2

Cette réunion à Bercy intervient quelques mois après le lancement officiel du deuxième volet de l’initiative Tibi lors du dernier VivaTech. «L'initiative Tibi 1 a joué un rôle clé pour faire de la France le premier écosystème de financement des startups en Europe continentale, devant l’Allemagne. Avec Tibi 2, on continue et on élargit. L’enjeu est d’ouvrir le spectre en finançant les grandes transitions (écologie, santé…) et en prenant plus de risques sur le financement des deeptechs», indique le porte-parole de la DGE. Et de lancer : «Sur l’initiative Tibi, nous voulons porter un triple message : les investisseurs doivent accroître leurs efforts, notamment sur les poches early stage ouvertes, ; ils doivent aussi cibler davantage les industries innovantes au travers d’investissements dans les fonds spécialisés et généralistes ; nous encourageons enfin les fonds partenaires à recruter des personnels qualifiés pour qu’ils soient mieux armés.»

Dans le cadre de la deuxième phase de l’initiative Tibi, 28 investisseurs institutionnels (banques, assurances…) ont signé fin juin un engagement avec le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique pour doper le financement des startups. Ces acteurs vont ainsi mobiliser près de sept milliards d’euros au total entre 2023 et 2026 à destination des fonds d’investissement français. Cette somme vient s’ajouter aux six milliards d’euros mis sur la table pour le premier volet de l’initiative Tibi, avec à la clé près de 30 milliards d’euros d’investissements réalisés par des dizaines de fonds. Cette nouvelle tranche de sept milliard d’euros sera mise à profit pour financer des entreprises cotées et non cotées en late-stage, mais aussi en early-stage.

Aux yeux de la DGE, c’est le signe que «l'appel du président de la République en février dernier a été bien entendu». En effet, Emmanuel Macron s’était agacé en début d’année de la frilosité des investisseurs institutionnels. «Je sens trop de frilosité chez nos copains du fonds Tibi 2. Or c’est maintenant qu’il faut investir, pas une fois que ça ira mieux», avait ainsi lancé le chef de l’État. Avant de s’adresser directement aux principaux concernés : «On a besoin de vous, on ira chercher tout le monde. J’inviterai ceux qui n’ont pas mis d’argent.»

Les startups de French Tech 2030 : «c’est le cœur de cible que nous voulons financer»

Avec cette mobilisation croissante des différents acteurs de la chaîne de financement des entreprises innovantes, le gouvernement veut accélérer la cadence pour faire émerger des innovations de rupture, notamment en épaulant les startups de la deeptech. «Nous sommes devenus une nation de deeptechs et de startups industrielles. Et s’il y a un ralentissement global des levées de fonds, il faut souligner que le financement des deeptechs augmente. Mais nous avons le potentiel scientifique, industriel et financier pour faire encore mieux», concède le représentant de la DGE.

Pour rappel, Emmanuel Macron souhaite la création de 500 startups par an dans le secteur d'ici 2030. Un chiffre ambitieux, alors qu’il n’y a que 2 500 startups dans ce secteur en France, soit 8 % du nombre total de jeunes pousses tricolores, selon le décompte du gouvernement. Preuve de l’intérêt de l’État pour la deeptech, un plan de 2,5 milliards d’euros a été présenté en 2019 et une nouvelle enveloppe de 500 millions d’euros a été annoncée en début d’année.

Le volet industriel est également soutenu par l’exécutif, qui souhaite la création de 100 nouveaux sites industriels par an d’ici 2025. Dans ce cadre, le programme French Tech 2030 a été lancé pour soutenir une centaine de startups dans des secteurs stratégiques clés, et notamment des jeunes pousses industrielles, comme Ÿnsect et Preligens. «La French Tech accompagne les leaders de demain, notamment avec le programme French Tech 2030 qui accompagne 125 entreprises prioritaires. C’est le cœur de cible que nous voulons financer», assure le porte-parole de la DGE. Et d’ajouter : «Ces entreprises présentent des temps de développement qui sont plus longs avec des risques importants, il faut donc les soutenir pour réussir les transitions dans lesquelles nous sommes engagés. L'État est au rendez vous avec des dispositifs adaptés à l'ensemble de leurs problématiques.»

«Ce n’est pas un one-shot, nous sommes dans une logique de moyen-terme»

Maintenant que la dynamique est enclenchée, le gouvernement n’entend pas pour autant relâcher ses efforts pour inciter les investisseurs privés à injecter toujours plus d’argent dans les innovations de demain. «L’État n’a pas les moyens de réussir seul ce défi du financement de ces transitions (écologie, énergie, santé…, ndlr). Sans le carburant apporté par les financiers privés, cela ne fonctionnera pas. Ils ont un rôle à jouer en matière de compétitivité mais aussi de stimulation de l’investissement en choisissant les meilleurs projets tout au long de leur développement», estime le porte-parole de la DGE.

Par conséquent, des rassemblements, similaires à celui organisé ce lundi à Bercy, devraient continuer à être organisés à l’avenir. «Il y aura d’autres événements pour porter ce message. Ce n’est pas un one-shot, nous sommes dans une logique de moyen-terme», assure l’entité rattachée au ministère de l’Économie. Un état d’esprit qui s’inscrit dans la continuité du discours de Bruno Le Maire à Big, durant lequel il avait fait part de son souhait de lever 12 milliards d’euros dans le cadre de l’initiative Tibi d’ici 2030.