Dirk Horke, directeur général de l'entreprise allemande Volocopter, imagine un futur où les citadins prendront un taxi volant comme ils prennent un VTC. Première étape, il espère que son engin soit certifié pour pouvoir voler lors des Jeux Olympiques de Paris, en 2024. Ensuite, il entrevoit une longue phase d'acceptation à mener auprès de la population ainsi qu'une démocratisation du service. A l'occasion du Web Summit de Lisbonne, Dirk Horke a livré sa vision à Maddyness.

Maddyness : Volocopter est sur le point de mettre en circulation ses premiers taxis volants. Comment l’histoire a-t-elle commencé ?

Dirk Hoke : Les fondateurs, inspirés par le principe de multicoptère des drones, ont eu l’idée aller un cran plus loin. Partant du constat que la population des villes est en augmentation constante, mais que leurs rues ne sont pas extensibles, ils proposent d’exploiter l’espace aérien pour désengorger le trafic. Aujourd’hui, l’entreprise qui emploie 700 personnes, ambitionne de construire différents types d’appareils : des multicoptères pour le transport urbain, des avions régionaux qui relieront les villes et des drones de fret.

Pourquoi avoir choisi les Jeux Olympiques de Paris pour effectuer vos premiers vols avec des passagers ?

Je tiens à préciser que nous ne sommes pas partenaires des Jeux Olympiques. Nous avons choisi Paris sur la base d'une longue discussion avec le gouvernement français et Aéroports de Paris. Beaucoup d'autres entreprises ont essayé de construire des véhicules similaires et de les préparer à la commercialisation pour 2024, mais en fin de compte, seuls les appareils de Volocopter ont été retenus.

Depuis que nous travaillons sur ce projet, notre ambition était d’être certifiés pour voler dans l’espace aérien européen, ce qui n’est pas une chose facile. Nous attendons encore la certification de l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (EASA) pour confirmer complètement notre présence aux JO. Depuis trois ans, nous travaillons avec les autorités locales, les municipalités, les brigades de pompiers et la police afin d'identifier les risques et de trouver les itinéraires parfaits. Paris est une ville compliquée pour les avions et les hélicoptères, si nous pouvons voler à Paris, alors nous pourrons voler partout.

Sur quoi travaillez-vous en priorité aujourd’hui ?

Nous devons montrer à tout le monde que les vols sont sûrs, écoresponsables et qu’ils ne créent pas de pollution sonore. Ce sont les pré-requis pour pouvoir voler dans une ville. Quand certains voulaient construire l’appareil le plus impressionnant, nous avons choisi de nous concentrer sur la sécurité. C’est grâce à ce choix que nous serons la première entreprise certifiée. Nous avons toujours suivi les directives de sécurité les plus strictes, car dans l’aérospatial, la sécurité n’est pas une option.

Ce sujet est aussi lié à un vrai travail autour de l’acceptation que nous devons mener auprès de la population. Au-delà de prouver que les appareils sont sûrs, responsable et silencieux, nous devons montrer qu’ils ne seront pas réservés aux riches. Je crois que dans quelques années, les citadins prendront des eVTOL comme ils prennent des VTC aujourd’hui. Mais pour cela, nous devons d’abord convaincre la population que ce nouveau moyen de transport permet de gagner en confort, en sécurité et en temps.

Vous parlez d’éco-responsabilité, mais certains pensent qu’il s’agit d’une aberration écologique. Que répondez-vous à vos détracteurs ?

À ce stade, ce sont des avions entièrement électriques, qui ne produisent donc pas d’émissions à l’utilisation. La prochaine étape sera de garantir une économie circulaire complète. En ce sens, nous travaillons avec nos fournisseurs de batteries sur la production durable de batteries. La prochaine usine sera par exemple entièrement alimentée par de l'électricité hydraulique. Le recyclage des batteries est aussi un sujet prioritaire.

De plus, la production est localisée, nos usines sont en Allemagne et nous sommes également en discussion avec le gouvernement français et des investisseurs français pour l’ouverture d’une usine en France. Nous pensons que sur ces sujets, la collaboration franco-allemande est clé pour que l’Europe reste dans la course et puisse devenir souveraine sur toute la chaîne d’approvisionnement. Aujourd’hui, certains composants clés viennent encore d’Asie, mais sur les prochaines générations d’appareils, tout pourrait être produit en Europe. Pour cela, nous avons besoin d'un engagement fort des principaux acteurs de l'industrie aérospatiale et des gouvernements.

La production de ces appareils doit demander des investissements conséquents. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre stratégie financière ?

Sur notre table de capitalisation, nous avons environ cinquante investisseurs différents qui sont aussi bien des investisseurs institutionnels que des family offices. Nous sommes en train de lever notre série E. Sur un objectif cible de 500 millions, nous en avons déjà levé la moitié. 

Où voyez-vous Volocopter dans dix ans ?

Dans dix ans, nous serons encore sûrement dans la phase d’acceptation, mais nous commenceront à en voir le bout. Le premier appareil certifié est un biplace qui permet de transporter un passager avec un pilote. Pour l’instant, nous sommes limités par la capacité des batteries, mais dès 2026, nous devrions être capables de mettre en circulation des quatre places. En parallèle, nous développons un autre véhicule pour lequel nous avons un prototype prêt. C'est un cinq places, pour un pilote et quatre passagers qui pourra parcourir jusqu'à 200 kilomètres en une heure. Enfin, l’étape suivante sera celle du passage à l'autonomie. En retirant le pilote de l’équation, le modèle économique gagnera en viabilité.

En tant que CEO d'une entreprise comme Volocopter, avez-vous des conseils à donner aux jeunes entrepreneurs ?

Continuez de rêver ! Il faut toujours garder le cap de sa vision et suivre ses rêves, car c’est le moyen le plus sûr de donner le meilleur de soi-même. Continuez de rêver et continuez de réseauter. Un événement comme le Web Summit est le lieu idéal pour échanger avec ses pairs, trouver des investisseurs ainsi que des gens vous soutiendront et vous conseilleront.