Le regard vif derrière ses lunettes rondes, Paul Midy est tout sourire. Le député de Paris-Saclay se réjouit que son rapport sur les startups et PME innovantes, rendu en juin au gouvernement, débouche déjà sur des mesures concrètes. L’exécutif a repris de nombreuses propositions de l’élu Renaissance, passé par le cabinet McKinsey puis les startups Jumia et Frichti, dans le projet de loi de finances pour 2024. Paul Midy promettait jusqu’à 3 milliards d’euros pour soutenir l’innovation et les jeunes pousses il y a six mois. Il explique où en est sa mission aujourd’hui.

Quelles nouvelles mesures doivent bénéficier aux entreprises innovantes en 2024 ?

Plus de la moitié des mesures comprises dans mon rapport ont été adoptées ou sont en cours d’adoption. Et le dispositif phare, sur les JEI, les jeunes entreprises innovantes (moins de 250 personnes pour un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d'euros, NDLR), a été intégré dans le projet de loi de finances pour 2024. Il prévoit notamment d’abaisser dès l’an prochain le seuil de R&D exigé à 10%, au lieu de 15% actuellement, pour bénéficier de ce statut qui offre des exonérations d’impôts et de cotisations patronales.

En outre, deux nouvelles catégories de JEI apparaîtront en janvier 2015 : les jeunes entreprises innovantes en croissance (JEIC), qui accordent 5 à 10% de leurs dépenses à la recherche et présentent une forte capacité de croissance, et les jeunes entreprises d'innovation et de rupture (JEIR), des deeptechs qui consacrent au moins 30% à la R&D.

Au total, d’ici 2027, nous espérons doubler le nombre d’entreprises reconnues comme innovantes, qui sont plus de 6 000 aujourd’hui en France.

Qu’apportent les statuts JEI, JEIC et JEIR aux startups ? 

Outre les exonérations qui leur sont accordées, ces jeunes entreprises sont éligibles au crédit d’impôt recherche “accéléré” (CIR), qu’elles pourront obtenir au bout d’un an contre trois jusqu’à présent. En moyenne, une PME perçoit 150 000 euros de CIR, ce n’est pas négligeable.

De plus, nous allons flécher une partie de l’épargne des Français et des business angels vers ces entreprises, grâce à une réduction d’impôt sur le revenu de 30% pour un investissement jusqu’à 150 000 dans des JEI et JEIC, et de 50% pour un montant maximum de 100 000 euros placé dans des JEIR. Ces réductions d’impôts sont accordées hors plafonnement à 10 000 euros des niches fiscales.  

L’accès à la commande publique sera par ailleurs facilité, grâce à des procédures “d’achats innovants” allant jusqu’à 100 000 euros auprès de ces entreprises, sans obligation de mise en concurrence avec d’autres acteurs, comme des grands groupes capables de casser leurs prix pour répondre à un appel d’offres et entrer sur un marché.

Sur les 3 milliards d’euros que vous visiez, où en êtes-vous avec ces diverses mesures? 

Le gouvernement avait fixé un objectif d’un milliard d’euros supplémentaire chaque année pour parvenir à créer 100 000 emplois en cinq ans. J’avais placé la barre à 3 milliards de mon côté et nous avons déjà atteint 1 à 1,5 milliard d’euros avec ces diverses aides, qui devraient permettre la création de 55 000 à 105 000 emplois d’ici 2028. Le dispositif pour les jeunes entreprises - JEI, JEIC et JEIR - représente à lui seul 500 millions d’euros pour 30 000 à 50 000 nouveaux emplois créés dans les prochaines années.

Vous souhaitez par ailleurs créer des fonds universitaires pour favoriser l’émergence de startups de la deeptech. Comment ces fonds vont-ils s’articuler ? 

Nous voulons développer 10 fonds universitaires de 50 millions d’euros chacun, avec les membres de l’Udice, une association des 10 universités françaises les plus impliquées dans la recherche et l’innovation. La démarche est engagée avec la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, pour des fonds financés à 70% par le privé et à 30% par le plan “France 2030” et le fonds national d’amorçage

Des réflexions sont en cours dans plusieurs universités. Le fonds “Tech & Talent” de Paris-Saclay est en train d’être constitué, tandis que Paris Sciences et Lettres a déjà créé un fonds de ce type il y a quelques années, de 50 000 euros.

Il est important que les universités soient dotées de ces fonds pour disposer de nouvelles ressources afin de valoriser la recherche et financer des startups. Nous sommes loin des financements privés de plusieurs milliards d’euros dont bénéficient les universités anglo-saxonnes. 

Quel intérêt les entreprises ont-elles à financer ces fonds universitaires?

Pour les financeurs privés, c’est un moyen d’accéder à des pépites de la deeptech et à des chercheurs parmi les meilleurs au monde. Nous sommes moins bons que d’autres pays pour transformer notre vivier de talents en startups et PME innovantes. 

Nous voulons globalement pousser les grandes entreprises à investir plus dans l’écosystème des startups, notamment en développant des fonds d’entreprises dédiés, des corporate venture capital (CVC). Nous avons 300 grands groupes en France, dont 40 qui ont aujourd'hui un fonds CVC. 

Une entreprise comme TotalEnergies, qui a l’ambition d’être très impliquée dans la transition écologique, gagnerait par exemple à investir jusqu’à un milliard d'euros dans les startups de la greentech. Ce serait un investissement rentable et qui renforcerait son objectif d’aller vers les énergies vertes. L’innovation peut se faire à l’intérieur des grands groupes mais aussi en finançant des startups externes, comme le fait CMA CGM avec son incubateur Ze Box à Marseille.