Les organisateurs de Slush le clament haut et fort : l’événement finlandais est la meilleure conférence du monde pour les VC. Lancé en 2008, l’événement, qui se déroule chaque année fin novembre à Helsinki, n’a cessé de monter en puissance au cours de la décennie écoulée, au point de devenir incontournable dans l’agenda des acteurs de la tech, les investisseurs en tête.

En effet, les fonds de capital-risque européens et même les poids lourds mondiaux du secteur, ainsi que les LPs, font majoritairement le déplacement jusqu’en Finlande. Ainsi, Accel, Sequoia, Atomico, Index Ventures, Lightspeed Venture Partners, SoftBank Vision Fund ou encore Lakestar ont envoyé leurs équipes à Helsinki pour l’édition 2023 de Slush. Les investisseurs français étaient également au rendez-vous, à l’image de Daphni, Serena, Elaia, ISAI ou encore Founders Future.

3 000 investisseurs au rendez-vous cette année

Si les investisseurs apprécient à ce point Slush, c’est tant en raison de la configuration de l’événement que de la qualité des échanges qu’ils peuvent avoir sur place. Au total, ce sont près de 13 000 personnes qui ont participé à Slush cette année, dont 5 000 entrepreneurs et 3 000 investisseurs. Un ratio inégalé pour un événement tech d’envergure mondiale. «C'est sans aucun doute la plus grosse conférence VC en Europe, peut-être même dans le monde», résume Thomas Bajas, directeur d’investissement chez Founders Future.

Dans le contexte actuel, bien moins euphorique qu’il y a deux ans, Slush représente l’occasion pour les investisseurs de la tech de multiplier les échanges sur leur activité et de dénicher des pépites. Car la conférence finlandaise a fait le choix de rester à taille humaine, en privilégiant la qualité à la quantité. Une proximité bienvenue à l’heure où les financements ne sont pas franchement à la fête dans la tech européenne.

Selon le dernier rapport «State of European Tech» d'Atomico, 80 % des fondateurs ont déclaré qu'il est devenu plus difficile de lever des fonds. Ainsi, l'Europe essuie une baisse de près de 45 % de capitaux investis sur son territoire, en cohérence avec la baisse mondiale de 39 % en moyenne. Toutefois, l'écosystème de la tech européenne fait preuve de résilience et donne désormais naissance à davantage de pépites qu'aux États-Unis. Rien qu'en France, la part de nouvelles startups est passée de 18 % en 2019 à 22 % en 2023.

Une conférence décuplée par les side-events

Dans ce climat particulier, Slush représente une bouffée d’air frais pour permettre à l’écosystème de s’oxygéner en cette fin d’année avant de se projeter vers une année 2024 remplie d’incertitudes. «Ce que je trouve incroyable par rapport aux autres événements, ce sont les side-events. Tout le monde crée son petit événement ou en sponsorise un, et le résultat est vraiment génial. On crée des relations de manière informelle, des petits-déjeuners au padel en passant par les cocktails et les soirées», développe Thomas Bajas.

En effet, des centaines de side-events sont organisés en marge de Slush. Il y en a pour tous les goûts. Entrepreneurs, investisseurs, journalistes, tout le monde peut y trouver son compte en fonction de ses besoins et aspirations du moment. Cela permet ainsi de multiplier les conférences, workshops, cocktails et autres activités en comité restreint. Idéal pour nouer des connexions plus profondes avec des acteurs tech européens, notamment ceux basés dans les pays nordiques. Dans la plupart des pays européens, et notamment en France, un tel format pourrait se révéler périlleux, avec des petits événements qui viendraient cannibaliser l’événement principal. Mais à Slush, les side-events sont approuvés par les organisateurs, qui n’hésitent pas à les répertorier. Plutôt que de faire de l’ombre à l’acte principal, ils le magnifient. Ainsi, si l’événement officiel ne dure que deux jours, Slush s’étire sur une semaine entière avec ces side-events.

Les startups à l’affût de contacts dans le capital-risque

Au-delà de faciliter l’élargissement de son carnet d’adresses avec d’autres investisseurs européens, Slush constitue également une opportunité afin de prendre la température de l’écosystème une dernière fois avant de basculer sur la nouvelle année. Avec des financements plus difficiles à obtenir, certaines startups ainsi que des fonds se retrouvent dans une situation délicate qui pourrait devenir intenable l’an prochain. «Tout est le monde est d’accord pour dire que c’est une normalisation très saine dans l’écosystème. Mais il y a une inquiétude pour les fonds qui tentent actuellement de lever de l’argent. C’est plus long et plus compliqué. La liquidité est indispensable et les risques de casse au niveau des startups peuvent engendrer des risques de casse pour les fonds», analyse Thomas Bajas.

Face à ce contexte difficile, les startups qui participent à Slush viennent à Helsinki pour prendre les devants. «Nous ne sommes pas en train de lever des fonds, mais c’est toujours intéressant d’étendre son réseau pour gagner du temps le moment venu. J’anticipe, j’apprends et je vois ce que je peux faire», indique ainsi Andréa Ganovelli, co-fondateur de la néobanque verte Green Got qui a levé 5 millions d’euros au printemps dernier pour s’étendre en Europe. Autrement dit, nombreuses sont les startups, à l’image de Green-not, à venir à Slush pour discuter avec les fonds et préparer leurs futurs tours de table, même s’ils ne sont pas prévus dans l’immédiat. Dans le contexte actuel, personne ne leur jettera la pierre : il vaut mieux prévenir que guérir à l’heure où la quête permanente de l’hypercroissance a laissé place à celle, plus ardue, de la rentabilité.

«C’est intéressant d’avoir des discussions avec des fonds d’investissement, des startups et des pôles d'innovation de certaines entreprises. J’ai été surpris de voir le nombre de corporate ventures à Slush (Chanel, Hermès, Dior, Safran, Vinci..). Ils cherchent des relais de croissance. On regarde l’écosystème français de venture mais on va voir aussi les écosystèmes des autres pays pour déployer nos offres chez nos voisins», explique de son côté Philippe Deljurie, co-fondateur de Meteojob qui s’attèle désormais à épauler des startups dans leur croissance avec Time2Scale. «A VivaTech, les grands groupes vont montrer qu’ils investissent dans la tech, c’est un peu leur vitrine. A Slush, c’est très épuré, uniforme et efficace. Il n’y a pas de fioriture», ajoute-t-il.

Pour briller à Helsinki, des jeunes pousses rêvent de décrocher la timbale en participant au concours Slush 100, particulièrement scruté par les investisseurs européens lors de la conférence finlandaise. Et pour cause, la sélection est très pointue. Sur les 100 dossiers retenus au départ, seules 20 entreprises ont gagné le droit de pitcher leur projet à Slush. Et cette année, c’est Faircardo, une startup allemande à l’origine d’un outil dédié à l’achat en ligne d’objets de seconde main, qui a raflé la mise. Elle a ainsi gagné un investissement d’un million d’euros pour passer l’hiver au chaud. Nul doute que cette victoire lui ouvrira certaines portes du capital-risque à l’avenir. Avant Faircardo, la startup française CybelAngel, spécialisée dans la cybersécurité, avait fait fondre le jury du concours à Slush pour s’offrir un joli coup de projecteur et entrer dans le radar des investisseurs à la recherche de pépites.