L’histoire de Smiirl a débuté quand Gauthier Nadaud est sorti de HEC Montréal et qu’il a fait un stage dans une agence de publicité. Il a alors vu l’engouement des marques pour créer des jeux sur Facebook pour gagner des fans. « Je trouvais ça un peu bête de concentrer ses efforts sur Facebook alors que ces marques avaient des gens qui rentraient et sortaient de leurs magasins tous les jours. Et s’il y a bien un moment où le client est engagé et engageable autour d’une marque, c’est bien en magasin », explique-t-il à Maddyness une décennie plus tard.

Très vite, l’idée d’un objet physique avec de petits volets vient faire son apparition dans l’esprit de Gauthier Nadaud et Raphaël Pluvinage. Rejoints peu de temps après par Romain Cochet en tant que CTO, les trois hommes commencent à réaliser des croquis, puis un prototype qu’ils montrent sur l’événement LeWeb à des décideurs de Facebook, ou au directeur digital de McDonald’s. La réaction est toujours la même devant cet objet étrange : « ça pourrait marcher ! »

Il faut dire que l’idée émerge à un moment idéal pour capter les imaginaires : en 2013, l’Internet des Objets était le grand buzzword de l’écosystème (au même titre que Web3 ou IA générative aujourd’hui). La jeune pousse a alors rejoint la saison 4 du Camping. L’aventure s'accélère avec le nom Smiirl, pour Social Media Integrated In Real Life.

Bootstrapper son hypercroissance

Depuis la création de Smiirl, les trois cofondateurs se sentent plus à l’aise avec l’idée de bootstrapper l’aventure. En 2013, ils commencent par réaliser une campagne de crowdfunding qui leur permet d'enregistrer 1000 précommandes. Ils choisissent d’abord de tout produire en France avant de devoir se rabattre sur l’Asie au moment du passage à l’échelle. C’est le moment qu’ils choisissent pour réaliser leur seule opération financière, en 2014 : de la love money. C’est en 2015 que la petite équipe reçoit finalement un conteneur de 5000 compteurs et qu’il commence ce passage à l’échelle commerciale qui leur permet de devenir rentable. 

« D’un chiffre d’affaires confidentiel en 2015, on passe à 800 000 euros en 2016, puis 1,8 million en 2017, 3,3 millions en 2018 », partage Gaël Bergeron qui, s’il n’était pas là depuis les tout premiers jours, possède aujourd’hui le titre de cofondateur de l’entreprise, et même celui de CEO depuis 2021 quand Gauthier Nadaud lui a passé les rênes.

Cette hypercroissance va prendre fin en 2019 et elle prend un sérieux coup pendant la pandémie où le chiffre d’affaires redescend à 1,8 million d’euros. Smiirl survivra grâce à un Prêt garanti par l’État, ainsi qu’à une série de départs volontaires. « On s’est pris tous les inconvénients de toutes les phases, décrypte Gaël Bergeron. En 2020-2021, il y avait évidemment peu de demandes alors que les magasins ferment. En 2022, la demande repart, mais on a un problème de prix, puisque cela coûte beaucoup plus cher de produire et de faire livrer. »

Une nouvelle phase pour Smiirl

Une nouvelle ère s’ouvre pourtant pour l’entreprise qui annonce aujourd’hui une Série A en exclusivité à Maddyness. « Ce n’est pas tant pour le besoin de cash que pour l’envie de constituer un comité stratégique, confie Gaël Bergeron. Le bootstrap n’a pas que des avantages : on y est allé tranquillement mais cela signifie que 10 ans plus tard, on a toujours le sentiment de n’avoir que gratté la surface. On voulait donc s’entourer de beaux profils pour nous aider à passer la prochaine étape, avec la dimension partenariats industriels qui apportent à terme des opportunités d’exit intéressantes. Le lead sur cette opération, c’est Fred Potter, le fondateur de Netatmo, qui nous a dit que si nous n’étions pas morts 10 ans plus tard, c’est que nous avions encore énormément de potentiel. » 

Fred Potter suit d’ailleurs l’aventure Smiirl depuis ses débuts, ayant fait une tentative de rachat seulement trois semaines après le lancement de leur site en 2013. Il est ensuite revenu avec régularité vers les fondateurs pour suivre l’évolution du projet. Aux côtés de Fred Potter, Smiirl voit l’arrivée de Guillaume Paoli (co-fondateur d’Aramis Group), Jocelyn Denis (fondateur Digitaleo) ainsi que Yohan Stern (entrepreneur et investisseur Key Performance Group, Hub Score, Sekoya Digital, ISAI, etc.)

Malgré le petit hoquet qu’a connu la croissance de Smiirl, l’équipe est repartie sur de bonnes bases. En effet, Shopify est venu leur proposer de réaliser un Shopify Counter en marque blanche qui s’est déjà vendue à plusieurs milliers d’exemplaires l’année dernière. La plateforme de e-commerce a pour objectif d’en écouler 10 000 en 2024. Dans un même temps, Smiirl a noué un partenariat avec TikTok pour réaliser un compteur spécifique à la plateforme qui se retrouve constamment en rupture de stock.

« Depuis début 2023, nous avons exporté dans 51 pays, preuve que le produit reste unique au monde, explique Gaël. Plusieurs partenaires viennent de réviser leurs prévisions à la hausse pour l’année prochaine. 2024 pourrait être une année phénoménale pour nous. Après l’aventure Covid, c’est l’Aventure avec un grand A qui continue. »

Dix ans après, les co-fondateurs se remettent donc à penser à d’autres objets qu’ils pourraient produire, toujours avec la volonté de créer des ponts entre le monde virtuel et la vie réelle.