Que les 250 millions d'euros de valorisation paraissent bien loin pour Luko. Criblée de dettes, la startup qui voulait révolutionner le monde de l'assurance est désormais au bord du gouffre. Après son rachat avorté par l’assureur britannique Admiral Group en raison de nombreux «petits cailloux dans la chaussure» (redressement fiscal en cours, fronde du créancier BNP Paribas...) selon un participant au dossier, plusieurs repreneurs se sont engouffrés dans la brèche pour mettre la main sur les actifs de l'entreprise, qui fait actuellement l'objet d'une procédure de redressement judiciaire.

Ironie de l'histoire, c'est le premier assureur européen, Allianz - une famille, celles des grands assureurs, dont Raphaël Vullierme, co-fondateur de Luko, fustigeait volontiers l'opacité - qui sort du bois pour croquer la startup tricolore. Pour une bouchée de pain. Bien que son plan de reprise n'ait pas été accepté par le tribunal de commerce le 20 novembre - Luko ayant basculé d'une cessation de paiement à un redressement judiciaire - Allianz est revenu à la charge et en a profité pour baisser son prix : l'assureur a offert mardi la somme symbolique de 4 euros, contre 14 millions (8 millions pour le prix d'achat + 6 millions correspondant à la reprise des dettes laissées par la société à l'issue de l'abandon de l'acquisition par Admiral) quelques semaines plus tôt, une somme similaire à celle proposée par Admiral cet été. Le contraste est encore plus saisissant avec la valorisation de plus de 200 millions d'euros de la jeune pousse au sommet de sa gloire.

Luko «constitue une opportunité stratégique» pour Allianz Direct, qui doit lui permettre «d'accélérer son implantation en France en atteignant rapidement une taille significative», détaille sa dernière offre de reprise, défendue mardi devant la justice et consultée par l'AFP. Le tribunal doit décider vendredi si le redressement judiciaire est prolongé et élargi à une filiale dédiée au courtage, avant une nouvelle présentation d'offres en janvier.

«Luko s'est fait un petit peu détester du milieu traditionnel de l'assurance»

Raphaël Vullierme n'en est pas à son premier échec : ses deux premiers projets, à savoir une société de préparation et de livraison de repas ainsi qu'une plateforme de réservation de jets privés, ont disparu. Ce fils de fonctionnaires, diplômé de l'Insa Lyon et d'un master entrepreneuriat à HEC, a longtemps été plus intéressé par l'histoire et la géopolitique que par l'assurance. Il reconnaissait volontiers être novice dans le secteur.

Luko première version ne faisait d'ailleurs pas d'assurance : la société développait des boîtiers connectés pour suivre sa consommation d'électricité. La société et ses fondateurs se seront en quelques années attiré les foudres de tous côtés, souligne une source proche : «Luko s'est fait un petit peu détester du milieu traditionnel de l'assurance parce qu'il voulait les challenger», tout en suscitant des jalousies au sein de la tech française.