Une startup financée par des fonds de capital-risque a pour vocation de dérisquer une offre innovante et de se développer suffisamment vite pour devenir une opportunité d’acquisition pour un grand groupe, voire une menace si un concurrent dudit grand groupe jetait son dévolu sur votre entreprise.
Cette stratégie de dérisquage peut également s’effectuer en quasi autofinancement, en mode « bootstrapping », métaphore faisant référence aux aventures du célèbre baron de Münchhausen. Dans ce cas, la startup n’a pas recours à des fonds de capital-risque, mais l’accélération ne sera pas la même.

D’après la banque d’affaires Avolta, 60 % des « exits » en 2022 sont le fait d’entreprises non financées par des fonds de capital-risque. Ces entreprises mettent cependant davantage de temps à être vendues : 11 ans de délai médian, contre 9 ans pour des entreprises financées par des VCs (venture capitalists). Elles sont en outre cédées pour 21,6 M€, un montant médian inférieur de 43 % à la valeur d’exit des entreprises financées par le capital-risque. Être financé par un VC est par conséquent le signe d’une ambition de réaliser une plus-value plus importante dans des délais plus brefs.

Les startups financées par le capital-risque : une minorité très convoitée

Nous nous focalisons ici sur les startups financées par des fonds de capital-risque : à quoi ressemblent-elles au moment de leur cession ou de leur cotation en Bourse ? Avolta nous fournit des indications précieuses sur la physionomie de ces startups financées par des VCs au moment de l’exit :

- Ces entreprises sont cédées pour un montant médian de 38 M€ sur la base d’un multiple de leur chiffre d’affaires (CA) de 4,1. En cas de cotation en Bourse (Initial Public Offering ou « IPO »), leur valorisation médiane en 2022 est même de 60 M€.

- En cas d’IPO, 10 % seulement des entreprises cotées voient leur capitalisation augmenter par rapport au cours d’introduction. Ainsi dans 90 % des cas, cette valorisation diminue ensuite, ce qui ne permet pas aux investisseurs et aux cofondateurs de réaliser leurs plus-values sur la base de ces 60 M€, qui demeurent virtuels. Ces enjeux de volatilité et de liquidité expliquent pourquoi près de 90 % des exits s’effectuent sous forme de M&A (merger and acquisition), en cédant la startup à un groupe qui paiera avec du « vrai cash » ou des titres nettement plus liquides que ceux d’une « small cap ».

- En appliquant un multiple médian de 4,1 à une valeur d’exit médiane de 38 M€, le chiffre d’affaires médian des douze derniers mois de ces startups est de 38/4,1 = 9,3 M€. Cela signifie qu’il faut tangenter le cap symbolique des 10 M€ de CA pour réussir à céder une startup « typique ».

- Ces startups ont levé 4 M€, toujours en valeur médiane, pour fabriquer ces 9,3 M€ de CA mais seules 58 % de ces entreprises sont profitables au moment de l’exit. Si l’on prend en compte les investissements (Capex) et le besoin en fonds de roulement, près de 50 % de ces startups continuent de « brûler du cash », ce qui n’est pas un problème tant que les investisseurs alimentent la « machine à dérisquer », précisément pour la céder sur la base d’un multiple élevé du CA.

- Les multiples à appliquer au CA des startups au moment de l’exit varient en fonction du business model et du secteur d’activité. Ainsi les modèles économiques basés sur des abonnements sont valorisés 3,4 fois le CA, mais avec de très fortes amplitudes entre le premier et le dernier quartile. Dans le même ordre d’idées, les startups du secteur FinTech sont valorisées 5 fois le CA et ce multiple médian est même de 5,1 pour la santé, toujours avec d’importants écarts interquartiles.

Fabriquer du CA et des profits : un passage obligé ?

Chaque million investi au capital d’une startup « médiane » permet ainsi de générer 2,3 M€ de CA annuel au moment de la revente… mais dans certains, au-delà de la nécessité de ne pas toujours se focaliser sur la médiane, ces inférences basées sur le chiffre d’affaires n’ont guère de sens lorsque le modèle économique de la startup ne repose pas d’emblée sur la génération de chiffre d’affaires.

La logique du CA ne s’applique en effet pas nécessairement à des entreprises « deep tech » ou à des startups dont le développement repose sur une audience considérable et peu monétisée au départ. L’objectif est dans ce cas de se revendre à un grand groupe qui saura monétiser une technologie et/ou une base clients, à l’instar de WhatsApp, cédé pour 19 Md$ à Facebook sans aucun CA mais avec 400 millions de membres et autant de synergies commerciales avec l’entreprise acquéreuse.

De même, s’agissant d’une startup « deep tech », l’atteinte d’un CA considérable ne sera pas le critère essentiel de valorisation, même si la preuve d’un intérêt commercial doit également être établie… mais pas au point de devoir réaliser 10 M€ de CA avant de pouvoir être cédé. On en revient toujours à la nécessité d’acquérir une « masse critique » de crédibilité technique et commerciale, à partir de laquelle plusieurs acteurs industriels vont surenchérir pour acquérir une pépite et faire jouer des synergies techniques et/ou commerciales grâce à cette acquisition.

La rétro-ingénierie appliquée aux sorties réussies

Ces différents ordres de grandeur ne s’appliquent pas nécessairement à votre startup car les délais de développement, les montants requis et les multiples de valorisation peuvent être très différents de ces valeurs médianes. Pour autant, si vous souhaitez accélérer votre développement grâce à des fonds de capital-risque, vous aurez tout intérêt à vous livrer à un exercice de rétro-ingénierie à partir de cet objectif d’exit ou « événement de liquidité ». Ce type de sortie constitue précisément l’objectif de vos investisseurs et votre stratégie de développement consistera à optimiser ces délais et ces plus-values de cession. Voici donc la démarche à effectuer ainsi que les principaux paramètres de l’équation :

- Calculez vos besoins en fonds propres et anticipez vos différents tours de table financiers de la création jusqu’à l’exit.
- À quel prix votre entreprise devra-t-elle être vendue (ou cotée) afin de répondre aux exigences de rentabilité de vos investisseurs ?
- En fonction du multiple de CA qui s’appliquera à votre entreprise, quel devra être le profil de votre entreprise au moment de l’exit ? Décrivez ce profil en termes de chiffre d'affaires, de résultat d’exploitation, de couverture géographique, d’audience ou de stade de développement dans le cas d’une entreprise « deep tech ».

Bonne chance pour cet exercice de rétro-ingénierie de l’exit de votre startup ainsi que pour le choix crucial d’avoir recours à des fonds de capital-risque pour accélérer votre développement !