Dans la tech, on a tendance à croire que notre activité est plutôt propre. Après tout, on travaille sur des ordinateurs tout neufs, on édite des documents hébergés sur un cloud immaculé, on limite nos déplacements grâce aux réunions en visio… Hélas, c’est faux.

Le secteur numérique représente 4% des émissions de gaz à effet de serre - le double de l’aviation civile - et cette part pourrait tripler d’ici à 2050 sans actions correctives, d’après l’ADEME, l’agence environnementale nationale. Près de 80% de ces émissions proviennent du hardware, d’après une étude de l’ADEME et l’Arcep (16% des datacenters, 5% des réseaux). Et les datacenters, où vit réellement ce “cloud immaculé” cité plus haut, représentent 1% des émissions mondiales. 

La responsabilité de réduire l’impact du numérique devrait donc revenir aux fabricants d’appareils, et aux fournisseurs de cloud, non ? Hélas, c’est faux de nouveau !

Tout hardware, où qu’il soit, tourne grâce aux logiciels écrits par des développeurs. Et parfois, ces applications ne sont pas optimisées. D’après Intel, 50 % des émissions des datacenters sont dûes à des inefficacités d’infrastructure et de logiciel. Réduire l’impact du numérique est donc l’affaire de nous tous, et non seulement celles et ceux qui travaillent dans l’IT. Et comme le COP28 vient de nous le rappeler, il ne nous reste pas beaucoup de temps si on veut limiter le changement climatique à +1,5 - 2°C d’ici à 2050.

Alors, pourquoi 2024 sera-t-elle l’année du green IT ?

1. C’est mieux pour la planète

Evidemment, le premier avantage du green IT est la réduction des émissions. Dans les datacenters, d’après Intel, cela peut passer en grande partie par l’optimisation des logiciels. Dans le hardware, acheter du reconditionné chez Back Market ou similaire enlève immédiatement de l’équation les émissions dûes à la fabrication de nouveaux appareils (qui peut monter à 80 % pour les smartphones, par exemple).

Côté logiciels, les résultats peuvent être bluffants. D’après la Green Software Foundation (GSF), le cabinet de consulting BCG a permis à une grande entreprise de télécommunications de réduire la consommation énergétique de ses systèmes informatiques de 30 %... simplement en optimisant son codebase. Pour ce faire, BCG s’est notamment appuyé sur SonarQube, outil utilisé quotidiennement par les développeurs pour optimiser l’efficacité de leur code. Ces optimisations ont été répliquées partout dans l’entreprise, démultipliant ainsi les réductions d’émissions.

2. C’est mieux pour les budgets

$26,6 milliards de dollars, ou 8 % de ce qui est dépensé dans le cloud au niveau mondial, sont gaspillés par an, d’après un rapport de 2021 cité par Holly Cummins, Senior Principal Software Engineer chez Red Hat. La raison ? Trop d’instances cloud sont laissées allumées pour finalement ne rien faire. Une première étape évidente est donc d’identifier et de détruire ce que Cummins appelle ces “zombies du cloud”. 

La prochaine étape consiste tout aussi simplement à éteindre ses instances cloud la nuit, ce qui peut économiser autour de 30 % en dépenses cloud, d’après Cummins, et donc des proportions similaires en termes d’énergie, et d’émissions.

Et n’oublions pas l’éco-conception, autre élément clé du green IT, qui vise à réduire les émissions des sites web, sites qui pèsent au niveau mondial 197 % plus lourds qu’il y a dix ans. Dalkia (Groupe EDF) a réduit les besoins en serveurs de son site web de sept à deux en appliquant des principes d’éco-conception (comme la réduction de la taille des fichiers d’images, par exemple), d’après Orange Business. L’entreprise a ainsi fait baisser sa facture cloud, et donc son empreinte énergétique, de plus de 70 %.

3. C’est mieux pour les développeurs

Tout expert conviendra que le “green coding” n’existe pas. Par contre, les principes du clean coding n’ont pas changé depuis une vingtaine d’années. Et comme tout bon codeur veut maximiser l’efficacité de son code, cette efficacité rime le plus souvent avec économies d’énergie. Ainsi, plus les lignes de code sont simples et réduisent le nombre d’étapes pour obtenir un résultat, mieux c’est. De plus, SonarQube, l’outil de mesure de l’efficacité du code, dispose désormais d’un plugin vert, ecoCode.

La prochaine étape pour les développeurs verts est de déployer de la technologie cloud de pointe, comme le Kubernetes. Ce dernier peut lancer automatiquement des charges de travail aux moments de la journée où il y a le moins de carbone possible dans l’électricité locale (“time-shifting”), ou dans les régions où cette intensité carbone est la plus basse possible (“location-shifting”). D’après Microsoft, le premier peut réduire l’impact carbone de ses logiciels de 15%, et le dernier de 90%. 

Lorsqu’on considère, par exemple, que l’électricité aux Etats-Unis contient 12 fois plus de carbone qu’en France, on comprend mieux comment ce “carbon-aware computing” peut apporter certains des meilleurs quick wins du green IT.

4. C’est mieux par rapport à la législation

En d’autres termes: nous n’aurons bientôt plus le choix ! A partir de cette année, toute entreprise européenne de plus de 250 salariés aura à soumettre un rapport non-financier qui suit la directive CSRD. Ce dernier exige des centaines de points de reporting, y compris liés à l’informatique. Et il ne faut pas oublier le RGESN, liste officielle des meilleures pratiques de l’éco-conception, qui comporte également des centaines de recommandations, et qui pourrait devenir une directive européenne à son tour.

Citons également le CBAM, ou Carbon Border Adjustment Mechanism, qui taxera l’importation en Europe de produits à fortes émissions. D’après Anne Currie, membre fondatrice de la GSF et CEO de Strategically Green, le CBAM serait “le RGPD du vert”, car il implique qu’il faudra “payer le prix fort si l’on souhaite avoir des clients en Europe, qui représente une énorme base de clients. Si on veut survivre, l’avenir est green !”

La survie, les économies, la réduction des émissions et des développeurs plus efficaces… le green IT est non seulement mieux pour les affaires et pour la planète ; il est également facile et peu cher à mettre en place. LVMH, par exemple, vient de former tout son service informatique français en green IT… et ce n’est que le début.

Serait-ce bientôt le tour de votre entreprise ?