Depuis Grenoble

Tech&Fest va-t-il devenir un rendez-vous aussi incontournable que VivaTech à Paris ou même South by Southwest (SXSW) à Austin (Texas), aux États-Unis ? C’est ce que veulent croire les organisateurs du tout nouveau rassemblement technologique isérois, porté par le groupe de presse Ebra (Le Dauphiné Libéré et Numerama). Ils n’ont d’ailleurs pas attendu la fin de l’événement, ce vendredi 2 février au soir, pour annoncer la tenue d’une deuxième édition dès l’an prochain.

Les 8 000 visiteurs recensés dès le premier jour ont, semble-t-il, rassuré les organisateurs sur leur capacité à réunir l’écosystème d’innovation et de recherche français bien au-delà du bassin grenoblois. Surtout, l’affluence de cette édition inaugurale leur a confirmé qu’il existait une véritable attente d’un rassemblement de ce calibre parmi les plus de 10 000 participants attendus sur les deux jours à Alpexpo, dans la deuxième ville de la région Auvergne-Rhône-Alpes après Lyon. Au final, plus de 15 000 entrepreneurs, dirigeants, chercheurs et autres acteurs de la sphère technologique ont pris part à l'événement, ainsi que 2 000 collégiens et lycéens, selon les organisateurs.

Grenoble monte en puissance dans l’ombre de Paris

Si Paris a historiquement capté la lumière et les bienfaits de la spectaculaire montée en puissance de la French Tech au cours de la dernière décennie, Grenoble est connu depuis plusieurs décennies comme l’épicentre d’un écosystème de recherche d’excellence. Avec un vivier d’étudiants qui deviennent par la suite des ingénieurs convoités dans le monde entier, des structures majeures comme l’Inria le CEA ou encore le CNRS qui disposent de centres de première importance et des entreprises innovantes qui tirent leur épingle du jeu, à l’image de Verkor, le bassin grenoblois a des arguments à faire valoir. A tel point que nombre d’observateurs voient dans Tech&Fest l’opportunité d’amener l’écosystème local un cran plus loin pour donner naissance à une véritable «Silicon Valley» à la française.

Il est vrai qu’avec un monde académique très bien représenté et de plus en plus de startups deeptech et industrielles qui sortent des laboratoires de recherche locaux, le tout dans le cadre unique des montagnes qui entourent la ville, Grenoble peut clairement se positionner comme une destination de premier plan en matière d’innovation, malgré de fortes disparités politiques. Néanmoins, l’ensemble des élus locaux se félicite de la dynamique actuelle de l’écosystème grenoblois.

4e ville deeptech d’Europe

A Tech&Fest, Christophe Ferrari, le président de Grenoble Alpes Métropole, ne s’est d’ailleurs pas privé de livrer un véritable plaidoyer pour défendre le potentiel technologique de son territoire, chiffres à l’appui. Il a ainsi souligné que la Métropole avait injecté 32 millions d’euros dans des projets d’innovation portés par des startups du territoire. Surtout c’est sur le volet deeptech que l’agglomération grenobloise s’est illustrée ces dernières années, en devenant l’un des écosystèmes les plus dynamiques d’Europe en la matière, avec 2 milliards d’euros de fonds levés en deux ans. De quoi permettre à Grenoble de devenir la quatrième ville deeptech européenne, derrière les poids lourds du Vieux Continent que sont Paris, Londres et Munich.

De manière plus globale, ce sont plus de 700 startups qui ont été créées sur le territoire grenoblois depuis 2000. Depuis 2020, celles-ci ont levé plus de 2,5 milliards d’euros depuis 2020. Certes, le méga-tour de table de Verkor il y a quelques mois (une série de 850 millions d’euros) a lourdement pesé dans la balance. Mais avec cinq pôles de compétitivité réunis (numérique, énergie, santé, chimie et mécanique) et près d’un demi-milliard d’euros investis dans le développement scientifique et académique entre 2015 et 2020, la dynamique de la région est concrète. Dans le détail, 40 % des 475 startups actives dans le bassin grenoblois sont issues des laboratoires académiques de l’agglomération, 27 % sont des jeunes pousses deeptech, et 4 sur 10 ont une vocation industrielle. Ensemble, les startups grenobloises représentent au total 8 000 emplois, dont 3 700 créées au cours de cinq dernières années.

Tech&Fest, un futur «SXSW européen» ?

De passage sur le salon isérois jeudi soir, Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, n’a pas non plus tari d’éloges sur l’écosystème grenoblois. Et il a fixé un cap ambitieux pour Tech&Fest, de manière à refléter la vitalité de la région : «L’ambition, c’est que Tech&Fest devienne un SXSW européen !» Rien que ça.

Avec ses nombreuses conférences qui ont mis en avant des personnalités bien identifiées de la tech française, comme Nicolas Dufourcq, le patron de Bpifrance, Maya Noël, la directrice générale de France Digitale, Éric Carreel, le fondateur de Withings, ou encore Marie Ekeland, créatrice du fonds 2050, et des acteurs de la recherche, à l’image de Julie Galland, directrice de la recherche technologique au CEA, d’Antoine Petit, directeur général du CNRS, ou même du directeur des organisations d'ingénierie des matériaux chez SpaceX et Tesla, Charles Kuehmann, l’événement a joué un rôle fédérateur entre les écosystèmes de recherche et d’innovation, en faisant office de passerelle entre le monde académique et celui des startups. Le tout en mettant en avant 500 jeunes pousses dans différents espaces (tech&fab, tech&solution, tech&human, tech&planet, tech&space, tech&you) et en essayant d’y ajouter une ambiance festive.

Pour une première édition, le contrat est plus que rempli. Maintenant, le plus dur commence : devenir un rendez-vous incontournable au fil des ans dans un univers concurrentiel de plus en plus rude. Mais avec un événement à mi-chemin entre un mini-VivaTech et un mini-Slush, les organisateurs de Tech&Fest ont, semble-t-il, trouvé le bon équilibre pour donner vie à un nouveau rassemblement à dimension humaine, bien loin de la ruche étouffante que peut rapidement devenir le Parc des Expos de la Porte de Versailles chaque printemps lors de la grand-messe européenne de l’innovation défendue becs et ongles par Emmanuel Macron. Aux côtés d’un VivaTech à l’ambition mondiale, Tech&Fest se positionne comme un rendez-vous complémentaire avec un ADN différent. Charge maintenant aux organisateurs d’en faire le «SXSW européen» souhaité par Laurent Wauquiez.