Depuis Grenoble

Symbole de la réindustrialisation de la France souhaitée par Emmanuel Macron dans le cadre du plan France 2030, la startup grenobloise Verkor continue de placer ses pions pour devenir un géant européen de la production de batteries électriques. Si le chemin est encore long, la société tricolore a frappé fort l'an passé, avec une série C de 850 millions d’euros, renforcée par un financement bancaire de 600 millions d'euros de la Banque européenne d’investissement (BEI) et des subventions françaises d’un montant d’environ 650 millions d’euros.

En amassant plus de 2 milliards d'euros, Verkor s'est donné les moyens de faire sortir de terre sa première gigafactory, un terme qui semblait jusque-là réservé à des mastodontes comme Tesla. Située dans le port de Dunkerque, cette usine de 100 000 m2, construite sur 80 hectares, devrait être opérationnelle d’ici 2025, avec l'ambition de lancer une production initiale de 16 GWh/an (50 GWh/an en 2030) capable d’équiper 300 000 véhicules électriques par an. A l'occasion de Tech&Fest à Grenoble, Maddyness fait le point avec Gilles Moreau, co-fondateur et directeur de l'innovation de Verkor.

MADDYNESS – Où en est le projet de construction de votre première gigafactory à Dunkerque suite à votre méga-levée de fonds en 2023 ?

GILLES MOREAU – La production débuterai mi-2025, mais le bâtiment sera sorti de terre au milieu de cette année. Quant aux machines, elles vont arriver entre juin et décembre, toujours en 2024. La mise en marche des machines interviendra au premier semestre 2025, ce qui devrait nous permettre d'assurer nos premières livraisons commerciales mi-2025.

Nous allons monter en régime sur la production tout au long des deux prochaines années, mais nous ne serons pas tout de suite à 300 000 véhicules équipés chaque année. On va d'abord produire en plus petit volume, avant d'augmenter la cadence progressivement. Mais il faut avoir en tête qu'il ne s'agit que d'une première étape. Sur Dunkerque, nous avons la place pour faire trois gigafactories.

Notre ambition, c'est de réindustrialiser en France. Par conséquent, notre prochain objectif est d'avoir de quoi faire d'autres gigafactories à Dunkerque. Et pour cela, il faut des financements ainsi que des clients. Ce sont des sujets que nous allons traiter cette année. La priorité, c'est de sécuriser des clients, avec qui nous pouvons travailler, comme avec Renault, sur un produit pertinent. Une fois que nous avons ce client, nous pouvons lancer le processus de création de l'usine.

«Grenoble, c'est un endroit où les gens sont dans l'action»

Outre cette gigafactory, quelles vont être vos priorités en 2024 ?

Ce qui hyper important pour nous en 2024, c'est de préparer les équipes qui vont faire fonctionner la gigafactory. Une fois que le bâtiment et les machines seront prêtes, il va falloir des gens pour faire tourner ces machines. Notre sujet principal cette année est donc axé sur la formation et le recrutement. L'usine de Dunkerque va générer 1 200 emplois direct et 5 à 10 000 emplois indirects.

Cette année, nous allons également continuer à travailler au niveau européen. Nous avons d'ailleurs l'EIT InnoEnergy qui nous a soutenu depuis le début et qui nous a aidé à grandir. Cet organisme a aussi épaulé Northvolt. Naturellement, il y a donc une sorte d'écosystème franco-suédois qui se met en place. Benoît (Lemaigan, ndlr), mon associé, était même en Suède avec le président de la République et le roi de Suède il y a quelques jours.

Clairement, nos enjeux sont globaux, ils sont européens. Il faut que l'Europe comprenne qu'il y a des entreprises qui travaillent pour créer des emplois locaux et qui œuvrent pour l'indépendance du continent. Et ça, nous allons le faire ensemble. Nous allons travailler sur le plan technique et au niveau de l'influence avec nos partenaires suédois, mais pas seulement, en Europe.

Le bassin grenoblois a-t-il tous les ingrédients pour devenir une véritable «Silicon Valley» à la française, terme qui est revenu avec insistance lors de Tech&Fest ?

J'y crois. Ça fait 20 ans que je suis à Grenoble et j'ai pu observer l'évolution de cet écosystème. Les gens se parlent énormément, il y a beaucoup d'innovation, et de nombreux entrepreneurs ont tenté des choses, y compris nous, et ça a plutôt bien fonctionné. A mon avis, c'est un narratif qui a de grandes chances de cristalliser les énergies pour aboutir à quelque chose de vraiment intéressant dans la région. D'ailleurs, le salon Tech&Fest le démontre de manière assez chouette. Les discussions sur les panels étaient vraiment bien. C'est super de voir cet écosystème se réunir autour d'un seul événement. Grenoble, c'est un endroit où les gens sont dans l'action.