Décryptage par MADDYNESS AVEC L'AMBASSADE DU ROYAUME-UNI EN FRANCE
écrit le 28 février 2024, MÀJ le 11 novembre 2024
28 février 2024
Temps de lecture : 7 minutes
7 min
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FashionTech : le Royaume-Uni, au cœur de la transformation technologique de l’industrie de la mode

De l'IA à la réalité virtuelle, l'industrie et l'expérience de la mode se transforment. Matthew Drinkwater, responsable de l'innovation auprès du London College of Fashion, raconte comment le Royaume-Uni est devenu pionnier de l'innovation dans ce secteur dynamique.
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Depuis que Thomas Burberry a breveté son trench-coat imperméable et durable au milieu du XIXème siècle, l’innovation dans le secteur de la mode a trouvé au Royaume-Uni une place toute naturelle.

Le pays a toujours dépassé les limites de la mode, grâce aux esprits novateurs de créateurs tels qu’Alexander McQueen, Paul Smith, Vivienne Westwood ou Stella McCartney. Plus récemment, une nouvelle génération de startups a redéfini l’utilisation des technologies numériques pour transformer les process de l’industrie de la mode. La réalité virtuelle et l'IA sont des technologies désormais décisives pour le secteur avec l’émergence de solutions retail tech et fashiontech bousculant les codes.

« Le Royaume-Uni a toujours eu un sens développé de la créativité et de l'expérimentation – bien plus qu’un grand nombre d'autres pays attachés à leurs traditions », explique Matthew Drinkwater, directeur de la Fashion Innovation Agency du London College of Fashion (LCF). Son institut est à la pointe des technologies dans le secteur de la mode, et explore les technologies émergentes. Son but est de comprendre comment celles-ci pourraient disrupter une industrie mondiale qui pèse plusieurs milliers de milliards de dollars.

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L'impact mondial des technologies sur le secteur de la mode

L'intersection de la mode et de la technologie est - évidemment - très influencée par les tendances.

Dans le cadre de son travail au London College of Fashion, Matthew Drinkwater considère qu’il a pour mission d’« indiquer la direction que prendront les choses ». « Nous nous intéressons à des technologies qui ne seront pas commercialisées avant trois à cinq ans. Notre point de vue est neutre : nous n'essayons pas de vendre un produit en particulier, mais plutôt de montrer ce que l'on peut faire avec ou non. »

Matthew Drinkwater définit trois domaines clés dans lesquels la technologie a le potentiel de modifier les pratiques en cours dans le secteur de la mode : la durabilité, le processus de création et la communication.Tout d'abord, dans le processus du design, la technologie influe sur l’efficacité : nous passons déjà du papier et du crayon aux plateformes numériques, puis aux outils 3D. L'IA a le potentiel de transformer à nouveau ces étapes, en générant des modèles 3D complets à partir de consignes textuelles.

Cette démarche est également corrélée à la durabilité. Dans la mode, la phase de prototypage génère inévitablement des chutes de production. Or, cette étape qui fait partie intégrante du processus de conception est désormais révolue et de nouvelles méthodes plus durables voient le jour. L’utilisation de prototypes intégralement numériques a le potentiel de réduire considérablement les déchets liés à la production textile. Par exemple, un des projets de la Fashion Innovation Agency de LCF simule des tissus en temps réel à l'aide du moteur de jeu Unreal.

Cette avancée pourrait révolutionner l'ensemble de la chaine de valeur ; des méthodes de production aux essayages virtuels. Pour Matthew Drinkwater, le processus de création est le deuxième domaine clé.

« Grâce aux technologies, il est possible de changer la nature des business models. En créant des produits sur le digital avant de les produire physiquement, la vente au détail peut être lancée avant la fabrication. Cela rapproche la production et le point de vente », explique-t-il. En parallèle, le développement de nouveaux matériaux, parmi lesquels des matériaux recyclés, crée des opportunités pour que la mode gagne en durabilité.

Enfin, la technologie modifie notre façon de communiquer, explique Matthew Drinkwater, qui voit dans la narration une composante centrale de la mode : « Nous créons un lien émotionnel avec les produits –on tombe sous le charme quand on les voit. »

Les technologies qui visent à créer de nouveaux environnements immersifs trouvent un terrain fertile au Royaume-Uni. La maturité de l'industrie cinématographique britannique (notamment en ce qui concerne les effets visuels), ainsi que le secteur du jeu vidéo ont conduit à des collaborations audacieuses avec des marques de mode désireuses de rencontrer les consommateurs dans des mondes immersifs.

La London Fashion Week a été à plusieurs reprises une vitrine de ces expériences. En 2018, Lucasfilm a ainsi collaboré avec le designer Steven Tai pour créer une expérience en réalité augmentée : en quelques secondes, Durbar Court, le bâtiment principal du Foreign and Commonwealth Office, est devenu le centre-ville de Macau. L'année dernière, le défilé Moncler Genius a attiré 100 000 personnes à l'Olympia de Kensington, quartier du nord-est de Londres, pour une impressionnante performance son et lumière clôturant la London Fashion Week.

« L'écosystème technologique londonien a des effets sur la culture et la créativité de multiples secteurs », analyse Matthew Drinkwater.

Le Royaume-Uni, pionnier de la Fashiontech

Parmi les maisons de mode établies, Burberry conserve sa réputation d'innovateur friand de technologies. La marque a été la première à utiliser la technologie des jeux vidéo dans le processus de conception de ses collections, en utilisant un logiciel qui permet de surimposer une impression en 2D sur un modèle de conception en 3D. En 2021, pour le lancement de son nouveau sac Olympia, la maison avait aussi organisé une série d'expériences en réalité virtuelle avec le grand magasin de luxe Harrods. La marque a été l'un des leaders de son secteur dans le metaverse, en s'associant à des plateformes telles que Roblox et Minecraft pour créer des expériences virtuelles et proposer des NFT à ses clients.

Du côté des créateurs, Craig Green a récemment été reconnu comme l'un des principaux innovateurs de la mode britannique. Il a mis au point de nouvelles techniques de production de vêtements qui lui ont valu de nombreux éloges et une médaille de l’Ordre de l’Empire Britannique en 2022.

De nouvelles marques grand public repoussent les frontières de la mode : Gymshark et Castore, deux marques de vêtements de sport, ont enregistré la croissance la plus rapide dans leur domaine en utilisant des techniques de fabrication innovantes pour créer des vêtements performants et abordables. La marque Pangaia est pour sa part devenue une référence parmi les vêtements durables et recyclables, qu’elle conçoit en utilisant de nouvelles technologies.

Au Royaume-Uni, les fashion techs ne s’adressent pas seulement aux fabricants de vêtements. Un nombre croissant de plateformes technologiques transforment les réflexes d’achat, et répondent aux préoccupations de durabilité. Les plateformes de mode circulaire sont de plus en plus populaires, proposant de la revente, des produits de seconde main et de la location. Depop est actuellement le leader de la revente, tandis que les plateformes Hurr et Hirestreet contribuent au succès du marché de la location. Cette dernière a même lancé sa propre offre en marque blanche, Zoa Rental, afin d’aider d’autres marques à lancer leurs propres services de location.

L'avenir de la mode britannique

Alors que les technologies ouvrent de nouvelles portes dans le secteur de la mode, quelles sont les perspectives pour la mode britannique au cours de la prochaine décennie ?

Si les expériences numériques se développent, Matthew Drinkwater s'attend à ce que l'omnicanal soit encore une priorité. Les expériences physiques restent cruciales quand il s’agit de rassembler le public. Il cite notamment des lieux tels que l'Outernet, un nouveau quartier de divertissement au cœur de Londres, où se trouve le plus grand déploiement d'écrans LED au monde.

Le rythme du changement s'accélère lui aussi avec la croissance rapide de l'IA. Alors que Matthew Drinkwater travaillait habituellement sur un horizon de trois à cinq ans, la tâche est devenue beaucoup plus ardue. « Avec l'IA, un délai de trois à cinq semaines semble déjà long », explique-t-il.

Les technologies utilisées pour concevoir, produire et communiquer autour de la mode sont appelées à évoluer rapidement, mais Matthew Drinkwater reste convaincu que les principes fondamentaux resteront inchangés. « Il y a beaucoup à dire sur les méthodes de travail traditionnelles – elles ne disparaîtront jamais et seront toujours appréciées. Mais il y aura toujours de nouvelles façons de créer et de communiquer. Nous ne cherchons pas à remplacer, mais à améliorer. »

L’appétence du Royaume-Uni pour les technologies, combinée à son riche patrimoine dans la mode et le luxe, en fait l'endroit idéal pour les innovateurs de la mode. Matthew Drinkwater s’en enthousiasme : « J'ai vu beaucoup d'autres façons de travailler, et ce que nous avons ici est vraiment différent ».

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Matthew Drinkwater