Encourageant mais peut (beaucoup) mieux faire. C’est ce que l’on pourrait écrire sur le bulletin de notes de la tech française concernant la place des femmes dans l’écosystèmes des startups tricolores. Depuis 2013 et le lancement de la mission French Tech, l’entrepreneuriat s’est, certes démocratisé, mais il reste encore beaucoup trop l’apanage des hommes.

Il y a bien eu quelques figures féminines, à l’image de Marie Ekeland, Catherine Barba, Céline Lazorthes, Tatiana Jama ou encore Fany Péchiodat, qui ont été de véritables pionnières dans l’écosystème. Mais force est de constater que la féminisation de la tech française est encore trop lente. A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Maddyness a isolé 5 chiffres qui mettent en lumière le fossé qu’il reste à combler pour que la parité ne soit plus simplement une illusion.

Une seule femme dirigeante dans le Next 40

Lancé en 2019 par la mission French Tech, le Next 40 a vocation à mettre en lumière les 40 startups les plus prometteuses de l’écosystème français. Cet indice, qui fait figure de véritable vitrine pour le secteur malgré des critères parfois décriés (comme l’importance accordée aux levées de fonds), est cependant très loin du compte au niveau de l’égalité hommes-femmes. Et pour cause, les femmes sont quasiment invisibles parmi les dirigeantes du Next 40.

En effet, il fallu attendre la promotion 2023 pour voir l’indice compter enfin une femme dirigeante. Il s’agit d’Éléonore Crespo, co-fondatrice et PDG de Pigment, startup de planification financière qui ambitionne de bousculer Excel. L’entrepreneuse est cependant bien seule au sein du Next 40 et ce n’est guère beaucoup mieux dans le French Tech 120, l’extension plus large du programme constituée de 80 entreprises supplémentaires. Éléonore Crespo est ainsi l’une des 15 femmes dirigeantes de la promotion 2023 du French Tech 120, soit huit de plus en un an. Reste à voir si ce faible contingent sera plus conséquent lors de la prochaine promotion qui doit être dévoilée à l’été prochain.

Seulement 10 % des startups sont créées par des femmes

Si les femmes peinent à se distinguer au sein du Next 40, il n’est donc pas étonnant de constater que le tableau est encore plus alarmant lorsque l’on prend une photographie plus large de l’écosystème. Ainsi, seulement 10 % des jeunes pousses créées en 2022 l'ont été par des équipes exclusivement féminines, et 12 % par des équipes mixtes, selon le baromètre annuel réalisé par le collectif Sista, qui œuvre pour réduire l’écart de financement entre les hommes et les femmes entrepreneuses, et le cabinet Boston Consulting Group (BCG). Un constat similaire à d’autres pays européens, comme l’Allemagne, l’Espagne, le Royaume-Uni et la Suède.

Une fois l’étape de la création passée, la situation ne s’arrange pas pour les entrepreneuses et a même tendance à se dégrader au fil du parcours de vie des startups. En effet, les équipes exclusivement féminines concentrent uniquement 7 % du nombre de tours de table et à peine 2 % des fonds levés, selon l’étude. Celle-ci souligne même que le montant moyen levé par les équipes composées uniquement de femmes reste environ 4 fois inférieur à celui des équipes composées uniquement d'hommes.

En moyenne, les équipes entièrement féminines ont capté en moyenne 1 million d’euros de moins en 2022 par rapport à l’année précédente, et 5 millions d’euros de mois pour les équipes mixtes. Dans ce contexte, le Pacte Parité lancé par la mission French Tech en 2022 est le bienvenu. Il vise à atteindre un seuil minimal de 20 % de femmes dans les conseils d’administration d’ici 2025, qui passera à 40 % en 2028.

Un emploi sur trois est occupé par une femme dans les startups

Les femmes sont-elles sous-représentées dans les jeunes pousses françaises ? C’est ce qu’a voulu vérifier France Digitale en juin dernier au travers d’une étude sur l’emploi dans les startups réalisée avec Actual Group. Il en ressort qu’un emploi sur trois est occupé par une femme dans les entreprises de la French Tech. Comme les startups françaises ont permis de générer 1,1 million d’emplois directs et indirects, cela représente plus de 360 000 postes occupés par des femmes.

Dans le détail, les postes de CEO reviennent seulement à une femme sur huit. De manière plus large, un poste de C-Level sur quatre est occupé par une femme. Parmi les postes de directions les occupés par les femmes dans les startups, c’est d’abord celui de CMO (Chief Marketing Officer) qui arrive en tête, à 60 %, devant CHRO (Chief Human Ressources Officer), à 58 %, CFO (Chief Financial Officer), à 34 %, COO (Chief Operating Officer), à 28 %, et CTO (Chief Technology Officer), à 3 %.

Une femme sur deux quitte la tech après ses 35 ans

C’est le constat inquiétant dressé par Caroline Ramade, fondatrice et CEO de 50inTech, qui se revendique comme un «LinkedIn dédié aux femmes de la tech». Cela souligne l’enjeu essentiel d’attirer les talents féminins dans l’écosystème tech, mais surtout de fidéliser, ce qui n’est vraisemblablement pas le cas après 35 ans.

Les raisons de ces départs sont multiples selon Caroline Ramade, à commencer par une ambiance de travail toxique et sexiste, couplée à une «faiblesse des politiques anti-discriminations». Aux yeux de l’experte, «l’over-masculinisation ne donne pas envie de rester». Il y ensuite les problématiques d'égalité salariale (avec un écart de revenus moyen de 19 % dans les rémunérations entre hommes et femmes en Europe dans la tech), et les possibilités d'évolution de carrière insatisfaisantes. «On estime qu'environ 35 % des employées dans le secteur sont bloquées à leur niveau, sans perspective de grimper dans les échelons.»

Enfin, il faut citer le manque de flexibilité, temporairement «un peu résolu» suite au Covid et à la généralisation du télétravail, mais qui revient peu à peu dans le monde de l'entreprise. Néanmoins, des solutions existent pour la fondatrice de 50inTech, en activant plusieurs leviers : renforcer les politiques anti-discrimination, les politiques de congés parental, garantir plus de flexibilité, assurer plus de transparence sur les revenus avec des grilles de salaires claires ou encore mieux accompagner les femmes dans leur carrière. Bref, tout un programme qu’il est urgent de démocratiser pour faire évoluer la place des femmes dans la tech.

Plus d'une Française sur quatre engagée dans une dynamique entrepreneuriale

Si la parité est encore loin d’être au rendez-vous dans la tech française, l’entrepreneuriat suscite cependant de plus en plus d’enthousiasme parmi les Françaises. En effet, 28 % d’entre elles, soit 7,7 millions de femmes, sont engagées dans une «dynamique entrepreneuriale» en 2023, selon une étude de Bpifrance dans le cadre de la 4e édition de l’Indice entrepreneurial français (IEF). C’est cinq points de plus qu’en 2018. Dans le même temps, la part des hommes qui se tournent vers l’entrepreneuriat stagne à 37 %, au même niveau qu’il y a six ans.

Autre motif de satisfaction, une femme sur trois impliquée dans la «chaîne entrepreneuriale» a moins de 30 ans, contre un homme sur quatre. Aux yeux de Nicolas Dufourcq, le patron de Bpifrance, c’est la preuve que «la résilience entrepreneuriale des femmes traduit un volontarisme propice à faire bouger les lignes plus vite». Si le chantier à mener pour réduire l’écart entre les deux genres reste important, ce dernier se réduit. Il n’est plus que de 8 points en 2023, contre 14 cinq ans plus tôt. Une dynamique plutôt encourageante.