« La première inégalité entre les hommes et les femmes est salariale, estime Flore Egnell. Cela entraîne une inégalité de patrimoine et donc de fonds propres, qui limite l’accès aux prêts bancaires et donc à la possibilité d’entreprendre.» Après six ans à la tête d’Acrochet'Moi, marque d'accessoires artisanaux faits en France, la dirigeante a fait le choix de quitter l’entrepreneuriat pour mettre son expérience à profit des autres et aider les femmes qui souhaitent se lancer. Il y a sept ans, elle a rejoint l’association Willa, spécialisée dans la tech. En ce 8 mars, journée internationale des droits des femmes, Flore Egnell fait partie des 50 entrepreneuses, auteures de lettres, à destination des femmes qui n’osent pas se lancer dans l’entrepreneuriat.

Des courriers publiés sur le site du gouvernement Toutes et Tous Egaux pour inciter les femmes à créer leur société. Parmi elles, il y a Mélodie Madar (Les éclaireuses, Paris), Leila Binouche (Tozumto, Montpellier), Hannah Dominique (Habit’âme, Mayotte) mais aussi des fondatrices de French Tech 2030, comme Emilie Korchia de MyJobGlasses ainsi que la directrice de la Mission French Tech, Clara Chappaz. 

59 % des 20-29 ans aspirent à devenir entrepreneuses

Car dans l’entrepreneuriat, la marche est encore grande pour atteindre la parité. Alors que les femmes représentent la moitié de la population active en France, « elles n’ont créé que 30 % des entreprises en 2022 », indique Michael Nathan, directeur du service d’information du gouvernement (SIG). Pourtant, selon l’étude de Willa, Roland Berger et France Digitale, publiée en janvier 2024, 59 % des femmes âgées de 20 à 29 ans aspirent à devenir entrepreneuses, en créant ou en reprenant une entreprise. Elles se lancent toutefois en moyenne deux fois plus tard que les hommes. Les entrepreneuses sont aujourd’hui majoritairement des mères de famille de moins de 50 ans.

Pour le gouvernement, cette opération de communication vise donc « à rassurer grâce à des témoignages d’entrepreneuses venus de différents secteurs, différents territoires, dans l’Hexagone et en outre-mer, afin de montrer que l’entrepreneuriat est possible partout », poursuit Michael Nathan. S’identifier à des rôles modèles est en effet « le premier levier pour donner envie de se lancer », selon Flore Egnell. « Cela inspire les femmes désireuses d’entreprendre. Nous avons besoin de représentation. » 

L’un des principaux freins : la solitude 

Des rôles modèles qui apportent également des conseils et permettent de se tourner vers les bonnes personnes. « L’un des principaux freins à l’entrepreneuriat est le sentiment de solitude. On ne sait souvent pas par où commencer, estime Flore Egnell. Il faut donc, avant tout, s’entourer et rejoindre des réseaux. Ça permet d’aller beaucoup plus vite et d’avoir les clés pour se lancer. » Autre enjeu pour les femmes : « prendre confiance, et casser le plafond de verre qui les empêchent d’avancer. » 

Dans sa lettre, Caroline Maitrot parle de son principal frein pour entreprendre : elle-même. « J’ai douté de moi, je ne savais pas si j’étais capable de le faire. Puis, finalement, ça n’a pas été compliqué. J’ai très vite été financée », raconte l’entrepreneuse qui a créé Nomad Education, spécialisé dans le soutien scolaire en ligne. Grâce à son parcours, assez peu entravé, elle dresse un portrait presque parfait de l’entrepreneuriat. « J’ai eu de la chance, je sais que mon témoignage est différent de celui de la plupart des femmes qui entreprennent », lance la dirigeante. 

« Il faut saisir l’opportunité »

Ainsi, Caroline Maitrot espère donner une image optimiste de l’entrepreneuriat féminin. Mais surtout elle souligne « que ça n’a jamais été aussi possible. » « Il y a plein d’initiatives qui font bouger les choses, des réseaux dédiés aux femmes. Il faut saisir l’opportunité. S’il n’y a pas de candidates, la place sera conservée par les hommes. Et on ne veut pas d’une tech pensé uniquement par la gente masculine », estime-t-elle. Selon la dirigeante, dans le domaine de la santé, la prédominance des hommes aurait par exemple participé à la méconnaissance de l’endométriose. « Pour les années à venir, on veut une intelligence artificielle aussi bien imaginée par les hommes que par les femmes », insiste-t-elle. 

D’autant qu’il n’y a pas de profil type pour entreprendre. « On peut venir de n’importe où, être très fêtarde, avoir des parents qui n’ont pas fait d’études... », énumère Caroline Maitrot. Dans sa lettre, elle confie : « Moi j’ai grandi en Corrèze, bercée entre le monde ouvrier, porté par un papa couvreur, et le monde agricole d’où venait ma maman. Le bac C, je l’ai eu à la repêche, la prépa c’était galère. En sortant de l’école, j’ai fait hôtesse puis vendeuse pendant des mois. Je voulais faire du marketing, de la com, un truc qui claque mais personne ne voulait de moi. Aujourd’hui, je me sens forte et déterminée, plus que jamais. »