Selon les Nations unies, les cas de cancer dans le monde devraient bondir d’environ 77 % d’ici 2050, avec 35 millions de cas à cet horizon, contre 20 millions en 2022. Et si certains offrent de bonnes chances de guérison en étant détectés rapidement, comme le cancer de la prostate, celui du sein ou encore le cancer de la thyroïde, d’autres se montrent impitoyables, à l’image de celui du pancréas, du cancer du poumon à petites cellules et du glioblastome, un cancer du cerveau.

Ce sont ces trois cancers extrêmement agressifs qui ont retenu l’attention de la startup Cure51. Cette société cherche à comprendre les mécanismes biologiques ayant permis aux patients atteints de l’un de ces cancers jugés incurables de survivre, déjouant ainsi tous les pronostics médicaux.

«On s’intéresse aux vivants et pas aux morts»

L’idée à l’origine de sa création a commencé a germé dans l’esprit de Thomas Clozel, co-fondateur d’Owkin, en 2021. Mais la finalité n’était pas forcément de créer une société de prime abord. «L’idée de base était de s’intéresser au travers d’un documentaire à cette population de survivants exceptionnels qui défient les lois de la biologie, pour lesquels il n’y avait aucun espoir. Seulement 1 % à 3 % des patients survivent à ces cancers. Mais le documentaire ne s’est pas fait..», se souviennent Nicolas Wolikow et Simon Istolainen, les fondateurs de Cure51.

Cependant, l’idée n’est pas restée dans un carton et le projet s’est transformé en véritable startup afin d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques qui pourraient bénéficier aux patients atteints des cancers les plus graves. Pour cela, les deux fondateurs ont décidé d’opter pour une approche atypique. «La plupart des recherches portant sur les manières de soigner le cancer vont comparer des patients sains et des patients malades. Or chez Cure51, on cherche des personnes malades pour regarder les facteurs de guérison. Nous allons regarder ce qui marche, plutôt que ce qui ne marche pas. On veut comprendre pourquoi ces patients ont survécu, ce qu’ils ont de plus que les autres. Autrement dit, on s’intéresse aux vivants et pas aux morts. On inverse la paradigme», résument Nicolas Wolikow et Simon Istolainen.

«Comme si Samsung et Apple travaillaient ensemble sur le même projet»

Pour que cette approche se concrétise, Cure51 entend créer la première base de données cliniques et moléculaires mondiale des miraculés du cancer. Dans ce ce sens, la startup, qui compte actuellement 21 salariés, noue des partenariats avec les principaux centres d'oncologie dans le monde. La société s’est notamment associée à l’institut Gustave Roussy en France, l'hôpital de la Charité à Berlin et l’institut d'oncologie de Milan en Italie. Elle travaille également en collaboration avec une cinquantaine d’hôpitaux dans l’Hexagone. Ce sont des alliances indispensables pour récupérer les données des 1 300 survivants identifiés par la startup dans le monde entier.

«Nous avons réuni les cinq plus grands centres européens. C’est assez rare ce degré d’implication. C’est comme si Samsung et Apple travaillaient ensemble sur le même projet», expliquent les fondateurs de la biotech tricolore. Avant d’ajouter : «Nous ne sommes pas les premiers à avoir l’idée, mais nous sommes les premiers à le faire à l’échelle mondiale. De plus, nous sommes arrivés à un moment où la technologie de séquençage arrivait à maturité. Les coûts ont été divisés par 10 en 5 ans. Nous n’aurions jamais pu financer un tel projet il y a 5 ans.»

Une fois les données récupérées, la société mise sur l’intelligence artificielle pour comprendre les interactions les cellules, et ainsi déceler ce qui a fait la différence entre les patients qui ont survécu et ceux qui sont décédés. «L’IA a un immense rôle à jouer. C’est un outil de sophistication de la donnée ainsi qu’un outil de productivité. Cela permet d’analyser beaucoup plus vite des volumétries plus importantes de données», indiquent Nicolas Wolikow et Simon Istolainen.

Une levée de 15 millions d’euros

Aujourd’hui, Cure51 annonce un tour de table d’amorçage de 15 millions d’euros mené par Sofinnova Partners. Les fonds Hitachi Ventures GmbH et Life Extension Ventures, mais aussi Xavier Niel, le fondateur d’Iliad, et Olivier Pomel, co-fondateur de Datadog, ont également participé à l’opération.

«Cette levée va nous permettre de rapatrier la donnée et de construire la plateforme pour faire du séquençage moléculaire. Nous allons pouvoir connecter les données des patients, les analyser, identifier des signatures biologiques et développer de nouveaux traitements. L’ambition, c’est de tuer le cancer, ou a minima qu’on puisse vivre avec, comme le Sida aujourd’hui», indiquent Nicolas Wolikow et Simon Istolainen. Un défi à la hauteur de l’ambition des fondateurs de cette biotech tricolore.