Fondée il y a plus de vingt ans, 1% for the planet est une organisation mondiale qui encourage les entreprises à s’engager pour la protection de l’environnement en reversant 1% de leur chiffres d’affaires à des associations. Aujourd’hui, 600 millions de dollars ont déjà été reversés via 1% for the planet. Kate Williams, CEO de 1% for the planet Monde, présente à la Maddy Keynote 2024, appelle les leaders et les entreprises à s’engager. 

Maddyness : Engager les entreprises avec ce chiffre de 1% des revenus, c'est une idée incroyable. Comment les fondateurs de 1% for the planet -Yvon Chouinard, fondateur et propriétaire de Patagonia, et Craig Mathews, ex-propriétaire de Blue Ribbon Flies- ont-ils eu cette idée

Kate Williams : La façon dont nous sommes arrivés à ce chiffre de 1%, c'est une sorte de grand mélange. C'est un engagement important. 1% de revenu, c'est un vrai engagement et en même temps, nous pouvons le retenir facilement. Nous pouvons calculer facilement ce que cela représente. Et même, si c'est un engagement important, cela n'a pas l'air inatteignable. Donc c'est comme ça que nous sommes arrivés à 1%. 

J'ai interrogé Yvon Chouinard à ce sujet, parce qu’on m’a demandé si on avait mené des réflexions avec des groupes de travail, des panels, etc. Et il m'a répondu que non ! C'est un gros chiffre et il est facile à retenir, c’est tout.

Comment approchez-vous des nouvelles entreprises pour vous rejoindre ? Viennent-elles vers vous ? 

Beaucoup de notre croissance a été organique, elles sont venues vers nous. Mais nous approchons de plus en plus d'entreprises, ce qui est un bon supplément. Ce qui va les attirer varie d’une entreprise à l’autre. Dans certains cas, c'est la bonne chose à faire, surtout pour les structures les plus petites. C'est un peu plus simple. 

Nous avons de plus en plus de données sur comment 1% for the planet enrichit l’image de marque et comment cela a aidé à augmenter les ventes. 

Un exemple d'une entreprise qui a développé son activité grâce à son engagement avec 1% for the planet ? 

Nous avons cette entreprise, Finlandia Vodka, qui a rejoint 1% for the planet. Dans certains points de vente, ils ont mis de la signalétique dans les rayons et sur les bouteilles concernant leur engagement. Mais ils ne l’ont pas fait partout. Finlandia Vodka reverse notamment de l'argent à une association qui œuvre pour nettoyer l’eau dans les fleuves et les baies. Résultat, dans les points de vente où leur engagement avec notre organisation était signalé et expliqué, les ventes ont augmenté de 7%. Ailleurs, elles ont baissé de 2%. 

Comment choisissez-vous les associations que vous soutenez ? 

Nous avons quatre champs d’actions : les droits de la nature, l'économie circulaire et durable, les communautés résilientes et la préservation. Donc d’abord, il faut correspondre à ces catégories, il y a des règles d’éligibilité. Donc nous cherchons vraiment des associations qui correspondent à ces critères, qui sont à but non lucratif et qui ont également un certain standard. 

Et puis, il faut toujours être recommandé par un membre de la fondation ou de l’équipe. Nous pourrions avoir des milliers d’associations dans notre réseau mais nous ne pourrions pas toutes les financer. 

600 millions de dollars de dons réalisés 

Aujourd'hui, pensez-vous que ce nombre, 1%, est suffisant ? Ne devons-nous pas aller plus loin et plus vite?

Je vais répondre à votre question de deux façons. Non, 1% n'est pas suffisant. Mais ce n'est pas notre mantra. Notre point de vue, c’est que 1% est un engagement important. Nous avons déjà récolté 600 millions de dollars et nous sommes déjà en route vers le milliard, puis le suivant etc. 

Nous savons que notre modèle crée des changements réels à large échelle. Mais ce n'est toujours pas suffisant. Notre devise, c’est qu'il s'agit d'une méthode importante. Et nous avons de très bons exemples d’entreprises qui s’engagent dans 1% for the planet, et qui se disent que c’est tout ce qu’elles peuvent faire. Et puis, cinq ans plus tard, elles ne font plus seulement les 1%, elles font beaucoup d'autres choses. 

Par exemple, SunSki est une marque de lunettes de soleil. Elle nous a rejoint parce qu’elle trouve l’initiative chouette et qu’elle adore Yvon Chouinard. Elle a tenu son engagement. Mais elle produisait et vendait avec beaucoup de plastique. Plusieurs partenaires et Yvon Chouinard lui ont fait des remarques sur son utilisation du plastique. 

Et donc, 7 ans après son engagement, elle a éliminé le plastique de ses emballages et elle développe un nouveau processus de fabrication à base de plastique recyclé en partenariat avec un autre membre de 1% for the planet ! Nous ne certifions pas du tout ce qui est au-delà des 1%, mais tout cela est le résultat d’une même communauté. 

Comment pouvons-nous convaincre les entreprises de faire plus pour la planète, pour le climat ? Comment les entraîner à améliorer leurs moyens de production?

C’est mon avis mais nous devons reconnaître que cela prend du temps. Nous devons mettre le bon niveau de pression. Lorsque vous mettez trop de pression sur quelqu’un, c’est contre-productif. Donc, si nous ne comprenons pas les complexités de ce changement et que nous avons des attentes inatteignables, c’est décourageant. 

Ce que je crois, c’est qu’il faut créer des objectifs comme 1% des ventes. Ce n’est pas rien, mais cela permet aux entreprises de rejoindre des communautés. Elles prennent un premier engagement, puis d'autres apparaissent au fil du temps.

Et certaines personnes diront que ce n’est pas assez rapide. Je suis d'accord, il y a de nombreuses structures incroyables, qui font tellement de choses et c'est génial ! Mais si on peut amener d’autres entreprises à prendre un premier engagement puis un deuxième, je pense que c’est déjà efficace ! 

«Engagez-vous et après réfléchissez »

Est-ce que c'est le rôle des entreprises d'engager les individus dans cette transition écologique ?

Je pense que l'opportunité que les entreprises ont, c'est de donner aux gens des options d'achat. Les entreprises devraient reconnaître que ce n'est pas un compromis. Les consommateurs veulent allouer leur pouvoir d’achat à des acteurs de ce changement. La plupart des gens ne sont ni des investisseurs, ni des philanthropes, ils consomment juste de quoi nourrir et habiller leur famille. Et s'ils peuvent dépenser pour ces choses avec un impact positif, ils le feront. Nous n'y sommes pas encore, car les coûts sont encore trop élevés.

Comment regardez-vous l'innovation française et les startups françaises dans la transition écologique ? Quel est votre message aux entrepreneurs et aux investisseurs

C’est simplement ce que je ressens mais des quelques interactions que j’ai eu, je sens un profond engagement pour du changement positif au sein des entreprises. Je n'ai pas de données mais j'ai l'impression qu'il y a un engagement si profond pour l'environnement, en France en général, et que cela transparaît dans les startups et les chez investisseurs. 

Mon message aux entrepreneurs, c'est une citation d’Yvon Chouinard, notre fondateur : «Engagez-vous et après réfléchissez.» Ce qui ne veut pas dire de faire des choses stupides et de voir ce qui se passe, mais plutôt prendre des engagements en sachant que vous ne savez pas tout. Je pense que la paralysie est un grand danger. Les startups prennent souvent beaucoup de risques mais parfois, pour prendre des décisions sur l’impact, elles ne veulent plus en prendre. Je leur dirais : commencez, sautez le pas, n’analysez pas trop pour trouver l’engagement parfait. Engagez-vous intelligemment et vous verrez qu'une fois que vous êtes dans cette démarche, de nouvelles opportunités s’ouvriront à vous !