Les communiqués de presse et baromètres sur la santé au travail se pressent dans nos boîtes email depuis quatre ans. Il est probable que les mêmes informations parviennent aux patrons et aux DRH, sous forme de prospection commerciale. Cette explosion se lit aussi dans les chiffres de la Healthtech. En février dernier, dans le Panorama France Healthtech 2023 , France Biotech dénombre 1.393 Medtech et 450 sociétés de numérique en santé et intelligence artificielle. « Un des premiers constats est une accélération des entreprises en santé numérique : leur nombre a doublé en quatre ans et est passé de 200 en 2019 à 450 en 2023 », peut-on lire dans le rapport. L’offre a grimpé. Mais du côté de la demande ?

« 23 % des femmes sont dans un état de santé mentale critique, exposées à un risque de dépression, c'est 8 points de plus que les hommes », peut-on lire ce mois-ci dans la Tribune.
« 41 % des étudiants présentent des symptômes dépressifs », chez France Info. « 90 % des salariés s'accordent à dire que la santé mentale est la priorité pour 2024 », dans Courrier Cadres…. La fondation Jean Jaurès qualifie la santé mentale au travail comme “un enjeu de santé publique”. « 30 % des salariés souhaitent quitter leur entreprise pour protéger leur santé mentale », indique encore le Baromètre de la santé mentale des salariés publié par Teale début mars.

Une obligation légale

Alors, la santé est-elle le nouveau must-have des DRH ? La question ne se pose pas en ces termes car prendre soin de la santé de ses salariés est une obligation légale. La loi a d’ailleurs renforcé les obligations de l’entreprise. C’est l’article L4121-1 du code du travail qui indique que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels (…), des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. »

La vraie question est celle du « comment ». Comment s’y prendre ? Comment mesurer ? Comment prévenir ? Et comment intervenir ? Les solutions numériques, dont le nombre a explosé, sont-elles, pour le coup, un « must have » ? Les startups de la santé sont de plus en plus nombreuses et variées. Par exemple SideCare, qui affiche fièrement sa devise « Liberté, Egalité, Mutualité », propose une carte bancaire pour avancer les frais de santé. Teale est une plateforme pour prendre soin de sa santé mentale dans l’entreprise. Moka.care permet également aux entreprises et aux salariés de soigner leur santé mentale avec une plateforme pour les RH. Les acteurs de l’e-santé mentale se sont même regroupés dans un collectif en 2022 : Mental Tech.

« On n’arrive à rien avec des gens cramés »

Simon Dawlat, CEO de Batch une plateforme CRM qui compte une centaine de collaborateurs a fait appel à la solution Teale. Il explique que la demande est venue des salariés. « Nous avons créé un groupe de travail il y a deux ans. C’est ce groupe qui a proposé au DRH d’intégrer une plateforme d’anticipation des problèmes de santé mentale. C’est l’équipe, à nouveau, qui a choisi la solution Teale, qui donne accès à des coachs et des psychologues en toute confidentialité. Les indicateurs de satisfaction que je reçois sont très bons sur le service. Les taux d’engagement sont très élevés et les retours des équipes sont très positifs. »

Teale figure parmi plusieurs services mis à disposition des équipes, mais Simon Dawlat estime qu’elle est structurante et utile: « Sur une centaine de collaborateurs, une ou deux personnes ont forcément expérimenté le burn-out, pour eux ou leurs proches. Par ailleurs, nous avons mis en place de nombreuses formations, nous valorisons le droit à la déconnexion, nous avons installé un cadre favorable à la parentalité, une évaluation continue de la performance fondée sur des plans de carrière évolutifs », explique le CEO de Batch… « On n’arrive à rien avec des gens cramés », conclut-il. « Le bien-être individuel, un cadre stimulant et un accompagnement RH global sont les pré-requis indispensables d’une équipe performante sur le long terme. »

Laisser parler les équipes

Agnès Chauvigny, VP People chez Figures, plateforme de gestion de la rémunération avec 35 collaborateurs, considère que, en tant qu’entreprise du secteur RH, Figures doit avoir un rôle de modèle sur ce sujet. « Il y a un an et demi, on s’est posé la question de mettre en place un outil pour la santé mentale. On ne surpaie pas nos collaborateurs, mais on essaie d’être au-dessus du marché pour ce qui est des avantages salariés. Aucun besoin n’est remonté à ce moment-là, donc on n’a rien mis en place. Puis un an plus tard, l’effectif ayant doublé, nous avons refait le même sondage et cette fois c’était clair : la demande était là. Nous avons mis en place Moka.care en ce début d’année. »

Agnès Chauvigny prend soin d’en parler avec les représentants du personnel : « Il faut trouver la bonne articulation de ces outils avec les RH, les représentants du personnel et les managers de proximité. Mais personne ne s’imagine que ces outils numériques font le travail à notre place…. On sait bien que l’information ne remonte pas, justement parce qu’elle est anonymisée, donc les utilisateurs n’auront pas de réponse de l’entreprise. »

« Donnons du sens au travail... et renforçons les équipes »

Chez Zefir, plateforme immobilière, Déborah Rippol, people and talent lead, n'a implémenté aucun outil. « Pour autant, ça ne veut pas dire qu'on ne se préoccupe pas de la santé mentale des collaborateurs, sourit-elle, mais on investit dans d'autres dispositifs dont on considère qu'ils auront un impact direct et global. On préfère se concentrer à tenter d'être suffisamment staffés, par exemple, ou encore échanger régulièrement sur l'équilibre vie perso-vie pro et la charge de travail », explique-t-elle.

« Pour rester engagés, pour exercer leur métier avec sérénité, les collaborateurs ont besoin que l'entreprise soit suffisamment bien organisée d'une part et de comprendre pourquoi ils travaillent d'autre part. Ce que nous remontent les équipes, c'est surtout qu'ils veulent avant tout éviter d'être de simples exécutants. Ils souhaitent comprendre où va leur entreprise et connaître l'impact de leur travail », raconte Deborah Rippol. Pour elle les managers ont un rôle essentiel auprès des salariés et pour leur équilibre. « Cela passe par la sensibilisation des managers et la considération au quotidien, plus que par les outils. Il semble que les outils soient utiles pour professionnaliser l'accompagnement quand l'entreprise se développe. Dans ce cas, les applications permettent de déceler un problème bien plus vite. Elles forment un filet de sécurité. »