Jeudi 28 mars au Palais Brongniart, Sophie Levy Ayoun, Head of Editorial chez Maddyness, recevait Hervé Mignot, Chief AI Officer d'European Digital Group et Equancy, Stéphanie Delestre, qui a fondé QAPA (une plateforme d’intérim digitale reprise par Adecco) avant de donner naissance à une autre startup baptisée Volubile, ainsi que Théo Leblanc, « un mec de 17 ans qui t'aide à maîtriser l'IA avant qu'elle te maîtrise. »

Un plateau hétéroclite, pour un sujet essentiel et difficile à saisir tant les fils à tirer sont nombreux : en quoi l’IA vient-elle changer le quotidien des entrepreneurs ? Il ressort de cette demi-heure d’échanges cinq idées importantes.

1. Bien sûr que l’IA change tout

C’est le point de vue de Stéphanie Delestre, qui se souvient avoir compris immédiatement, en voyant arriver la solution d’OpenAI en novembre 2022, à quel point l’outil allait « résoudre toutes les difficultés quotidiennes qu’on rencontrait chez Qapa, à commencer par les coups de fils aux intérimaires la veille pour s’assurer qu’ils avaient bien l’adresse, qu’ils avaient pensé aux chaussures de sécurité, et ainsi de suite…. » C’est d’ailleurs de là qu’est venue l’idée de Volubile, un agent conversationnel BtoB « full-AI ».
« Toutes les cartes sont rebattues, poursuit Stéphanie Delestre. Si vous vouliez entreprendre dans la médecine, la relation client, la Fintech, l’éducation…Tout est à repenser ! Et pour ceux qui ont déjà leur startup, c’est le moment de pivoter. Je suis foncièrement optimiste et je pense que c’est une vraie chance que de vivre cette nouvelle révolution, après celle des années 90. »

2. Rendre au hardware ce qui lui appartient

C’est Théo Leblanc qui le rappelle : l’IA générative est bien une révolution, mais elle est surtout le fruit d’investissements colossaux réalisés depuis 10 ou 15 ans dans les infrastructures et le hardware. « C’est moins sexy, mais c’est la vérité. » Derrière ChatGPT et ses cousins, il y a en effet beaucoup de serveurs, la promesse du cloud qui se réalise, beaucoup de cerveaux humains et de jeux de données. Merci au Web 2.0 !

3. Il n’est plus possible d’entreprendre sans IA

Hervé Mignot estime qu’on ne peut plus faire abstraction de l’IA si l’on est aux commandes d’une entreprise, quel que soit son secteur d’activité. « En revanche, il faut dépasser la peur du remplacement pour faire place à des cas d’usage réfléchis, séduisants, qui embarquent toute l’entreprise et sa clientèle. Pour ce faire, la première étape est celle de l’acculturation et de la formation : attention à ne pas l’évacuer trop rapidement ! Elle mérite qu’on y consacre du temps et de l’énergie, sans céder aux sirènes de l’urgence. »
Quand on est un jeune créateur d’entreprise, il est certes plus facile de débuter en 2024, en tenant compte de la nouvelle donne de l’IA générative, plutôt que d’entrer dans sa troisième année par exemple, en se heurtant à la crainte d’être déjà dépassé. « Mais cela fait partie du rôle d’entrepreneur que de se confronter à ces questions-là. D’autres ont précédé et d’autres viendront ! L’important est de mesurer correctement ses forces. De bien analyser son marché. Et de savoir s’entourer, à commencer par ses équipes techniques… »

4. Avant de vous lancer, mesurez le risque : une Big Tech peut-elle vous écraser ?

Stéphanie Delestre, en s’adressant à ses pairs startupers, leur a conseillé de réfléchir à cette question : une Big Tech ne risque-t-elle pas de lancer le même produit que moi, d’ici six mois ? « Il y a des logiciels et des langages qui demandent tellement d’argent, tellement de puissance de calcul, qu’il nous faut clairement laisser ce champ-là à Google ou Microsoft. Mais je pense que ces très grosses entreprises ne sont pas intéressées par le service. Nous, on s’est posé la question pour Volubile : une Big Tech va-t-elle lancer des agents conversationnels ? Nous avons opté pour le “non”. » « Allez chercher des applications avec des combinaisons de fonctionnalités et un service suffisamment sophistiqué pour qu’un gros ne vienne pas s’y mettre », complète Hervé Mignot, chez Equancy-EDG.

5. L’IA a trois niveaux d’impact sur votre business model

Théo Leblanc a résumé les trois impacts de l’IA sur le business model d’une entreprise : « D’abord, demandez-vous quel est votre problème structurel. Par exemple, pour les assurances, le problème structurel est la fraude. Or l’IA peut identifier les fraudeurs. Ensuite, l’IA peut ouvrir de nouveaux bénéfices pour votre entreprise, comme on l’a vu chez Airbus, qui génère de nouveaux revenus avec la maintenance prédictive. Enfin et plus simplement encore, l’IA permet d’optimiser l’existant : par exemple, 50 % de l’activité quotidienne des experts-comptables est optimisable. » « On parle beaucoup cette année de gains de productivité, a indiqué Hervé Mignot. Mais n’oublions pas la création de valeur : posez-vous la question de tous les moments où l’IA peut intervenir dans votre relation client et dans vos processus internes : pour quelle valeur ajoutée ? »