« Le marché de l’IA générative devrait passer d’environ 8 milliards de dollars en 2023 à plus de 100 milliards en 2028. » C’est le résultat de l’étude de Sopra Steria Next, publiée en janvier dernier. Le cabinet de conseil s’est intéressé à l’évolution du marché depuis qu’il a émergé. « L’IA generative a environ un an. En 2023, on a vu son avènement avec ChatGPT qui a montré son potentiel au grand public et aux industriels », indique Thibaut Reboullet, directeur du cabinet Sopra Steria Next, chargé des offres data et IA.

Entre juin et août dernier, le site a reçu la visite de 1,51 milliard d’utilisateurs par mois. Ce qui en fait la neuvième page web la plus fréquentée au monde. Le nombre d’utilisateurs payants de chatGPT est également passé, en un an, de 25 à 50 millions. Des chiffres qui incitent à penser que le nombre d’utilisateurs payants va continuer de croître dans les années à venir. L’étude de Sopra Steria Next anticipe ainsi une multiplication par trois ou quatre de leur part, qui passeraient de 15% à près de 50%. Le temps d’utilisation quotidien de l’intelligence artificielle générative devrait quant à lui être multiplié par six, porté par l’explosion des applications traitant des cas d’usage spécifiques. « En 2028, nous passerons entre 30 et 60 minutes par jour à utiliser nos applications préférées d’IA générative et le revenu moyen par utilisateur payant sera de 30 à 40$ par mois », estime l’étude.

« Pas de véhicules autonomes en masse avant 2030 »

S’il estime qu’une telle explosion du marché est possible, Gilles Babinet, co-président du Conseil national du numérique, est toutefois plus prudent. « Nous sommes toujours à un stade préliminaire. Nous nous sommes tellement trompés concernant l’avènement d’internet. En 1994, nous pensions que les journaux disparaîtraient dès le début des années 2000. Les usages sont longs à transformer. On ne va pas voir de véhicules autonomes en masse avant 2030 », tempère-t-il.

Pour autant, l'acceptation de cette nouvelle technologie par les utilisateurs est un gage de succès. Elle dépend de leur niveau d’hallucination, à savoir le niveau de pertinence d’une information générée par un IA. Celui-ci tend à décroître considérablement, rendant la technologie de plus en plus crédible. Le décollage commercial de l’IA générative s’explique également par la mise en place de politiques poussant et encadrant son utilisation. « La France cherche vraiment à s’imposer dans ce domaine, de gros investissements sont faits », assure Gilles Babinet. D’autant que les enjeux géopolitiques sont importants. « Sur le long terme, cette technologie risque de redistribuer les pouvoirs entre les grandes puissances mondiales. La France commence à bien se positionner, elle est entre la 6eme et la 8eme place dans les classements, derrière les Etats-Unis, la Chine, l’Israël ou le Royaume-Uni, notamment », précise le co-président du Conseil national du numérique.

« L’IA est déjà meilleure que les médecins en oncologie »

Dans ce contexte, l’IA générative devrait s’imposer dans quatre domaines d’activités principaux. « Là où elle générera le plus de chiffre d’affaires, c’est dans le domaine du service client, où elle assurera la mission de téléconseiller, estime Thibaut Reboullet. Le marketing digital pourra aussi se reposer sur cette technologie pour la rédaction de contenus, la proposition d’images...» Pour la génération de codes, dans le software engineering, l’IA générative devrait également devenir un allié précieux.

Mais la technologie devrait aussi s’imposer dans le partage de données, l’accélération de la production de documents ou le partage de connaissances. « Les laboratoires pharmaceutiques l’utilisent notamment pour partager leurs découvertes à travers le monde et accélérer la R&D », assure Thibaut Reboullet. Dans le domaine de la santé plus largement, la recherche est d’ailleurs bouleversée par l’IA générative, qui permet par exemple de générer des molécules et d’avancer dans la recherche de médicaments. « La technologie est déjà meilleure que les médecins en oncologie et en dermatologie, pour la pose d’un diagnostic mais aussi pour les prescriptions. Et l’IA devrait rapidement faire ses preuves dans le domaine de l’imagerie », assure Gilles Babinet.

7 à 10 % d’économie grâce à l’IA

Dans le secteur financier, l’IA pourrait bientôt permettre de générer des crédits à la consommation afin d’accélérer la réponse donnée aux consommateurs. L’enjeu est toutefois que la réglementation suive la technologie. « La maintenance prédictive dans l’industrie promet également des résultats impressionnants, permettant de faciliter le travail des ingénieurs dans les usines. Et le secteur du retail devrait s’en emparer pour personnaliser davantage les produits en fonction des clients », poursuit le directeur du cabinet Sopra Steria Next. Selon Gilles Babinet, les services devraient également se réinventer. « J’ai vu des outils bluffants capables d’organiser des vacances, de prendre des billets d’avion... » 

Grâce à cette technologie, Sopra Steria Next anticipe une forte hausse de la compétitivité des entreprises. Elles devraient réaliser entre 7 et 10 % d’économie, dans le service client notamment. D’autant que le coût de la technologie tend à décroître. « On estime que son prix sera divisé par deux tous les deux ans », assure Gilles Babinet.