Planisware, éditeur de logiciel Saas, est finalement entré en Bourse jeudi 18 avril, six mois après la première date prévue. L’opération a valorisé l’entreprise à plus d’un milliard d’euros. Believe, elle, est entrée en Bourse en juin 2021. Sa cotation est, depuis le départ, assez tumultueuse à tel point que l’entreprise risque d’en sortir dans les prochaines semaines. Avant Planisware, il y a eu OVH et Aramis Group en 2021, Neoen en 2018, Showroomprivé en 2015, Criteo en 2013…  

Aujourd'hui, les patrons de licornes n’hésitent plus à poser cette option comme un futur possible. Frédéric Trinel, cofondateur d’EcoVadis, l’avait confié à Maddyness : «Nous nous assurons que d’ici deux à trois ans, l’IPO soit une option possible». Alexandre Fretti, CEO de Malt, l’affirme aussi : d’ici 2028, l’entrée en Bourse sera une des possibilités sur la table. 

Qonto, Doctolib ou encore Mirakl font partie des licornes françaises qui semblent être de bonnes candidates à une cotation. Elles sont d’ailleurs toutes dans le classement Caption des entreprises plébiscitées par les investisseurs particuliers. Alors quand ces IPO verront-elles enfin le jour ? Pas avant plusieurs mois. «L’écosystème a été un peu refroidi par certaines entrées en Bourse, notamment en 2022», souligne Agathe Wautier, cofondatrice du Galion. «Les IPO se mettront en place quand les marchés financiers auront repris confiance et les entrepreneurs aussi.» 

Une profondeur de marché trop faible

«Dans les Bourses européennes, nous manquons cruellement de liquidités. Les montants échangés chaque jour par les individus sur les marchés sont trop faibles. Dans la pratique, nous sommes dans une impasse», analyse Cyril Bertrand, managing partner chez XAnge. Autrement dit, la faible profondeur des marchés européens limite le marché lui-même et donc n’encourage pas forcément les entreprises à se lancer. Guillaume Morelli, head of listing France, Espagne et Portugal chez Euronext, se veut beaucoup plus optimiste et note une évolution positive du contexte macroéconomique. 

Depuis 2020, les marchés financiers ont subi plusieurs crises : la pandémie qui a mis un sérieux coup d’arrêt à l’économie mondiale, l’inflation et le contexte géopolitique très instable. Et depuis deux ans, les marchés subissent une hausse des taux inédite par sa rapidité menée par la FED, la banque centrale américaine, et la Banque Centrale Européenne. 

«Il y a eu beaucoup de sorties des marchés actions pour acheter d’autres classes d’actifs pour se protéger notamment contre l’inflation. Et donc un fort recul des introductions en Bourse en 2022 et 2023», analyse Guillaume Morelli. On revient de loin. «Mais aujourd’hui, les indicateurs sont très différents. D’un point de vue boursier, la thématique de l’inflation est considérée comme gagnée et on espère des baisses de taux américains et européens dès cette année. On retrouve finalement une dynamique qui est beaucoup plus favorable aux introductions en Bourse et notamment pour les sociétés technologiques.» 

Autre indicateur encourageant selon Guillaume Morelli d’Euronext : il y de la demande de la part des investisseurs boursiers pour avoir plus de sociétés de croissance et donc de sociétés tech. «C’est un vrai enjeu pour les investisseurs d'augmenter la part de sociétés de croissance dans leur portefeuille pour améliorer leur performance et leur rendement. C’est une tendance structurelle et très forte.» Pour accompagner les entreprises dans ce processus extrêmement standardisé et codifié, Euronext a lancé son programme «IPO Ready» : un parcours gratuit pour les dirigeants pour les guider dans leur prise de décision. «En général, nous voyons les entrepreneurs 3 à 5 ans avant une potentielle IPO. Nous ouvrons un nouveau cycle économique, je pense que dans les trimestres à venir, nous verrons d’autres IPO », parie Guillaume Morelli. 

Inspirer confiance 

Le responsable du listing chez Euronext reprend : «Le message le plus important aujourd’hui, c’est bien la fin de l’argent illimité.» Un point sur lequel le rejoint Cyril Bertrand : «Les valorisations que les investisseurs sont prêts à payer sont souvent bien inférieures à la générosité du private equity.» On revient donc à des montants bien plus raisonnables. 

Les bourses européennes sont bien moins conquérantes que le Nasdaq, ce qui explique aussi le manque de cotation d’entreprises tech. «Au Nasdaq, il y a une prime pour la croissance, pour la volonté de conquête d’une entreprise… En Europe, nous n’avons pas cet esprit là. Les bourses appliquent des raisonnements de bon sens paysan», enchaîne Cyril Bertrand. Même si certaines scales-up ont le bon niveau de maturité, elles prennent le temps de préparer cette opération pour la réussir. «Les Bourses européennes ont tendance à renforcer les bonnes entreprises et à démolir les plus fragiles», annonce le managing partner d’XAnge. L’heure est bien à la consolidation des modèles. 

«L’éventualité d’une IPO n’est pas encore dans les agendas», confie Agathe Wautier. «La priorité est encore la rentabilité.» Pour elle, les licornes de la French Tech seront prêtes à l’horizon 2025. «On a besoin d’entreprises qui sautent le pas pour redonner envie !» Pour Cyril Bertrand, managing partner d’XAnge qui a réalisé deux exits par IPO -Believe en France et Mister Spex en Allemagne-, «peut-être qu’une ou deux sont prêtes, avec la même rareté qu’une startup réussit en early-stage !» Il ose un pari : «Peut-être que Doctolib en fait partie. Doctolib pourrait être ce fameux business qui, renforcé par la Bourse, arriverait à une trajectoire similaire à celle d’Amazon.» Le timing est de toute façon essentiel pour réussir son IPO. «On ne maîtrise pas la Bourse. Le meilleur moment est celui de l’entreprise», conclut Guillaume Morelli.