"Les premiers outils d'analyse des réseaux sociaux remontent aux années 2000. Avec l’IA générative, on se dit que c’est aujourd’hui le moment parfait pour réinventer le social listening, soit l'analyse des conversations sur les réseaux sociaux, afin de comprendre les phénomènes de haine en temps réel, anticiper les crises et redonner une voix aux communautés”, explique Charles Cohen, le fondateur et CEO de Bodyguard

De fait, sa startup, qui analyse déjà plusieurs milliards de commentaires par mois pour des clients comme le Paris Saint-Germain, LVMH ou encore France Télévisions, entend désormais capitaliser sur son expertise en modération de contenus sur les réseaux sociaux. Elle lance une nouvelle offre à ses clients en utilisant l'IA générative, sous le nom d’”Audience Intelligence” et entend mieux analyser les contenus publiés. 

De la modération à l'intelligence

"En travaillant avec une centaine de grandes entreprises dans des secteurs variés comme le luxe, les médias, le sport et les jeux vidéo, nous avons identifié un besoin croissant de comprendre les phénomènes qui se produisent sur leurs réseaux sociaux", détaille Charles Cohen. "Les marques nous sollicitaient déjà régulièrement pour comprendre pourquoi elles subissaient des pics de contenus haineux ou ce que leur communauté pensait de leur dernière campagne de publicité, de leur défilé, de leurs articles ou d’un lancement de produit."

À la différence des acteurs déjà présents de longue date sur ce marché du “social listening”, la nouvelle offre de Bodyguard permet d’obtenir des analyses en temps réel, tout en donnant la possibilité pour les utilisateurs de rédiger leurs requêtes en langage naturel, grâce à l’IA générative, directement au sein de leur “dashboard”.

Une approche différente de celle de Meta

Mais comment une startup française a-t-elle réussi dans un domaine où Meta a récemment reconnu publiquement son échec, malgré les moyens importants alloués à la modération depuis des années ? La différence majeure, c'est que l'expertise de Meta n'est pas dans la modération. Nous, nous avons construit une boîte et une technologie entièrement autour de la modération, avec une agilité inhérente à cette activité", explique Charles Cohen. L'entreprise a d'ailleurs annoncé récemment, via son fondateur Mark Zuckerberg, qu'elle contrôlerait moins la modération des contenus aux Etats-Unis.

A l’origine, Bodyguard était une simple application gratuite, (“développée en 2017, seul dans ma chambre”) ciblant le grand public - à commencer par les influenceurs - pour permettre à tout un chacun d’automatiser la modération des commentaires sur ses réseaux sociaux. Le pivot BtoB est arrivé quelques années plus tard, à partir de 2020, après une première levée de fonds qui a permis de recruter une trentaine de personnes et de développer la plateforme à destination des marques.

19 personnes en R&D

Aujourd’hui, l’approche de Bodyguard repose sur la combinaison de différentes technologies, développées depuis 8 ans par une équipe R&D de 19 personnes. Au cœur du système, un moteur très fin de règles alimenté par des linguistes, qui assure 96% des retraits de contenus avec un taux d'erreur inférieur à 2%. "Contrairement aux solutions basées uniquement sur le machine learning, notre technologie peut être mise à jour en quelques secondes, plusieurs milliers de fois par jour", précise l’entrepreneur. 

En effet, là où Meta s'appuie sur des modèles de machine learning, qui sont soumis à des biais humains dans la labellisation des contenus et qui deviennent rapidement des boîtes noires, Bodyguard privilégie une approche plus précise, capable de prendre en compte le contexte complet d'une publication. "Si un commentaire tel que ‘je vais te tuer’ est posté dans le chat d’un jeu vidéo où les joueurs doivent s'affronter, il sera traité différemment que s'il apparaît sous une publication de marque. Cette compréhension du contexte est essentielle", prend en exemple Charles Cohen.

Forte de sa quarantaine de collaborateurs répartis entre Nice et Paris, Bodyguard a déjà levé, en deux fois, 15,5 millions d'euros depuis sa création. Une série B est envisagée cette année. "Nous voulons accélérer sur toute la partie ‘compréhension’, où il y a quelque chose de très fort à faire", ajoute Charles Cohen.