Un peu plus de trois mois après sa nomination, Julie Huguet entre dans le vif du sujet. Après avoir échangé avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème durant le dernier trimestre de l’année 2024, la nouvelle directrice de la Mission French Tech, qui a succédé à Clara Chappaz, désormais en charge du Numérique et de l’Intelligence artificielle au sein du gouvernement, a construit sa feuille de route pour les trois années à venir. Elle a pris le temps de la détailler en ce début d’année.
A l’heure où l’équation économique n’est pas simple à appréhender pour les startups, il est plus que jamais indispensable que les grands groupes se tournent vers leurs solutions pour les soutenir. Dans ce sens, et alors que « les startups doivent être résilientes et se concentrer sur le business » aux yeux de Julie Huguet, cette dernière estime qu’il faut poursuivre l’effort de guerre pour multiplier les collaborations entre jeunes pousses et grands groupes.
Accélérer la dynamique autour du programme « Je choisis la French Tech »
C’est l’objectif de l’initiative « Je choisis la French Tech » lancée en juin 2023 pour doubler la commande publique et les achats des grandes groupes auprès des jeunes pousses d’ici 2027. A ce jour, 600 entreprises se sont engagées dans le cadre de ce programme, mais la Mission French Tech espère que la barre du millier de signataires sera atteinte d’ici la fin de l’année. Lors du dernier VivaTech, il avait été indiqué que 8 grands groupes (CMA CGM, EDF, FDJ, Orange, ADP, SNCF, Axa et BPCE) avaient formulé la promesse de déployer un total de 685 millions d’euros pour l’achat de solutions créées par des startups de la French Tech d’ici 2027. En parallèle, la Mission French Tech avait annoncé la tenue de 5 000 rendez-vous commerciaux pour permettre à 2 000 startups de faire du business avec des prospects publics et privés. Des chiffres remis en avant par Julie Huguet en ce début d’année.
Si la dynamique est encourageante, il est cependant nécessaire de passer la vitesse supérieure, surtout dans un contexte où les solutions américaines, notamment dans le cloud, restent plébiscitées par les grands groupes français. La nouvelle directrice de la Mission French Tech espère ainsi que les groupes du CAC 40 et les ETI mettront davantage la main à la pâte. En complément, pour sensibiliser davantage les startups aux enjeux de la commande publique, une offre de formation en ligne gratuite, baptisée « Je choisis la French Tech Académie », va être lancée dès le mois prochain. « Sans cette connaissance, il est compliqué de répondre aux appels d’offres », estime Julie Huguet. A l’arrivée, l’ex-entrepreneuse, qui a créé la startup Coworkees (revendue à Freelance.com en 2021), espère ainsi créer un réflexe « J’investis dans la French Tech ».
Améliorer la relation entre startups et fonds
Autre priorité de la patronne de la Mission French Tech : améliorer la relation entre les startups et les fonds d’investissement. Depuis près de trois ans et la fin de l’euphorie post-Covid, l’accès au capital-risque est plus difficile en raison des exigences des investisseurs qui ont été revues à la hausse. Exit l’hypercroissance à tout prix, place à des modèles économiques viables et surtout rentables.
Dans ce contexte, lever des fonds constitue davantage un défi et Julie Huguet en est bien consciente. « Nous avons un vrai rôle pour s’assurer que toutes les startups, peu importe le type de profil, aient les mêmes chances d’accéder aux fonds. Pour cela, il est indispensable de former les startups aux enjeux des fonds et d’acclimater ces derniers aux différentes spécificités des jeunes pousses. Le lien avec les fonds est essentiel car ils ont un rôle clé à jouer dans la transformation des startups », observe la Savoyarde. Avant d’ajouter : « L’enjeu des prochains mois sera de créer une dynamique sur tout le territoire. » Il s’agit d’un défi de taille alors que le bassin parisien a concentré 72 % des levées de fonds françaises en 2024, selon les données analysées par Maddyness.
De cette problématique de financement, découlent également les difficultés des startups françaises à procéder à des exits et à effectuer des IPO. « Avant, l’enjeu était de faire émerger des startups. Désormais, il faut les accompagner pour qu’elles deviennent des leaders mondiaux », relève Julie Huguet. Une des clés pourrait venir de la mise en place d’une initiative Tibi à l’échelle européenne, ce pour quoi milite notamment France Digitale.
Capitaliser sur l’excellence française
Dernier enjeu au cœur de la feuille de route de Julie Huguet, celui de la compétitivité des startups. « Nous accompagnons les entreprises pour les aider à se différencier face à une forte concurrence internationale », indique la directrice de la Mission French Tech. Et pour cela, elle pense qu’il faut notamment capitaliser sur l’excellence technologique des startups tricolores, notamment dans l’intelligence artificielle. « L’excellence, c’est ce qui fait la renommée de la French Tech », ajoute-t-elle.
Au niveau de l’IA, Julie Huguet estime que l’écosystème a une belle carte à jouer lors du Sommet pour l’action sur l’IA, qui se tiendra les 10 et 11 février prochains à Paris. Dans ce cadre, la Mission French Tech sera à l’œuvre pour le « Business Day », qui aura lieu le 11 février à Station F. « On veut s’assurer que l’ensemble de l’écosystème soit bien représenté lors de ce sommet », assure-t-elle.
A cette occasion, ce sont 3 000 acteurs (grands comptes, ETI, startups…) du monde entier qui sont attendus dans l’immense incubateur dirigé par Roxanne Varza. Les pépites tricolores devront donc jouer des coudes pour tirer leur épingle du jeu. Mais Julie Huguet se montre optimiste, et pas seulement pour les jeunes pousses qui misent sur l’IA : « Je crois beaucoup à la force du collectif. C’est important de chasser en meute et de promouvoir notre excellence en France et à l’international. » Ce sera donc l’un des chevaux de bataille de la directrice de la Mission French Tech durant ce mandat de trois ans.