Les avions vont-ils bientôt pouvoir se passer de kérosène pour voler ? Cette piste est à l’étude depuis de nombreuses années mais elle peine encore à se concrétiser. Pourtant, l’enjeu est de taille : le transport aérien représente aujourd’hui 2,9 % des émissions de CO2 dans le monde.

Rien qu’en France, le secteur a été responsable de 5,3 % des émissions de CO2, soit 24,2 millions de tonnes de CO2, en 2019, dernière année complète avant la pandémie de Covid-19, indique l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Celle-ci rappelle également qu’un avion rejette en moyenne 229,97 gCO2e par km et par personne. A lui seul, le kérosène représente 54,6 % de l’empreinte carbone de l’appareil. Par conséquent, se tourner vers des biocarburants plus respectueux de l’environnement apparaît comme une nécessité.

4 usines de carburants d'aviation durable prévues avec Verso Energy

S’il faudra encore attendre pour voir voler de manière massive des avions alimentés par l’électricité et l’hydrogène, des startups françaises tentent de faire passer un nouveau cap au secteur aérien en matière de transition écologique, en accélérant l’industrialisation des carburants d’aviation durable (SAF). C’est le cas notamment de Verso Energy, fondée en 2020 par Antoine Huard et Xavier Caïtucoli, ancien propriétaire de Direct Énergie.

Cette société veut investir un milliard d'euros pour faire sortir de terre son usine de carburants d'aviation durable dans la «Green Valley», au cœur des Vosges. Le site sera basé à Épinal et vise à produire des carburants de synthèse verts pour l'aviation. Ceux-ci seront produits à partir de ressources non fossiles, contrairement au kérosène auquel ils ont vocation à se substituer en partie.

Ainsi, Verso Energy prévoit de les produire par association d'hydrogène obtenu par électrolyse (eau et électricité) et de CO2 émis à partir de biomasse par les industriels voisins, notamment une papeterie. Outre cette unité de production à Épinal, la jeune pousse prévoit d’en construire trois autres en France d’ici 2030, à Tartas (Landes), Saillat-sur-Vienne (Haute-Vienne) et près de Rouen. Verso Energy table sur un total de 4 milliards d’euros d’investissements pour créer ces usines.

Global Bioenergies, du maquillage à l’aviation

Dans la même veine, Global Bioenergies tente également d’élaborer du biokérosène à destination du transport aérien. Pour cela, la cleantech francilienne a développé une méthode innovante pour convertir les ressources végétales en isobutène. Une approche qui vise à remplacer les produits d’origines pétrolières, et donc le kérosène traditionnel dans l’aviation.

Pourtant, le chimiste était parti pour se concentrer sur les cosmétiques avec une nouvelle usine de fabrication d’une version bio d’un ingrédient indispensable au maquillage longue durée et aux mascaras waterproof, mais le projet est tombé à l’eau malgré des promesses de commandes d’acteurs comme L’Oréal, actionnaire de la société.

Cependant, cette dernière ne s’est pas laissée abattre et a choisi de se repositionner sur les carburants d’aviation durable. Une décision logique compte tenu des volumes colossaux de commandes possibles dans le transport aérien, alors que les différentes parties prenantes (compagnies aériennes, industriels, États…) ont engagé des plans de réduction des CO2. Autrement dit, c’est le sens de l’histoire.

Atoba Energy pour faire lien entre les acteurs de l’écosystème

Pour structurer ce marché en plein essor des carburants d’aviation durable, qui devrait peser plus de 400 milliards de dollars d’ici 2050 contre 2 milliards aujourd’hui, des acteurs se positionnent également, à l’image de la startup lyonnaise Atoba Energy. Celle-ci a conçu un agrégateur de carburants d’aviation durable pour proposer aux compagnies aériennes, ainsi qu’aux producteurs et aux distributeurs de carburants, des contrats à long terme, indexés sur les indices de prix du marché. En agrégeant l’offre et la demande dans le secteur, la société veut ainsi se positionner en tiers de confiance pour atteindre une production à l’échelle industrielle.

« Aujourd’hui, le marché du SAF peine à croître au rythme exigé par les besoins environnementaux et les réglementations. Les producteurs ont besoin de contrats à long terme, avec des prix relativement stables, afin d’amortir leurs investissements, tandis que les compagnies aériennes recherchent des garanties sur des prix de marché indexés et sur la maîtrise des risques technologiques et opérationnels », observe l’entreprise. Elle a levé en ce début d’année 1,5 million de dollars en pré-seed avec l’ambition de jouer un rôle clé pour accélérer la transition énergétique du secteur aérien. Un impératif encore plus fort depuis que Donald Trump a décidé une nouvelle fois de sortir de l’Accord de Paris sur le climat.