Avec cette cinquième saison de "Qui veut être mon associé ?" (QVEMA), M6 a souhaité donner un plus de rythme à son émission. Désormais, les entrepreneurs n'ont que 1 minute 30 pour convaincre les investisseurs de prendre part à leur projet. Un petit "truc" pour accrocher les téléspectateurs et rendre le show encore plus captivant. Dans la réalité, les choses sont toutefois un peu plus compliquées, et les investisseurs n'injectent pas de l'argent aussi facilement, après seulement quelques minutes d'échange.

Pour Benjamin Bir, le dirigeant d’Inga, qui commercialise des éponges et essuie-tout lavables, l’émission est toutefois assez « représentative de la réalité » du tournage. « La partie questions/réponses dure sur le plateau environ deux fois plus de temps qu’à la télé. Le montage accentue certaines choses mais ça reste assez fidèle », estime l’entrepreneur qui a participé à la dernière saison de l’émission.

Un process de due diligence après le tournage de "Qui veut être mon associé ?"

Pour les jurés, la surprise est réellement totale. Ils ne découvrent les entreprises que lorsqu’elles arrivent face à eux. Quant aux intentions d’investir, « ça se passe comme dans la vraie vie. Il y a un process de due diligence », souligne Benjamin Bir, qui n’a pas reçu d’offre pendant l’émission. Lors de ce processus, qui se déroule après l'enregistrement de l'émission, les investisseurs cherchent à savoir si ce qui a été annoncé en plateau se vérifie. « Comme avant tout investissement, les jurés procèdent à une évaluation des risques, avant d’injecter dans l’entreprise l’argent qu’ils ont promis, dans l’enthousiasme suscité par un bon pitch », confirme Catherine Barba, à la tête d’Envi et jurée lors de la première saison de l’émission. Cet audit à la fois, financier, stratégique, social et fiscal, permet de « vérifier les informations partagées par les entrepreneurs et surtout d’aller plus en profondeur, pour connaître le projet, l’ambition et l’état d’esprit des fondateurs. »

Mais s’il apparaît des risques inattendus, portant sur les chiffres ou sur l’équipe et pouvant compromettre la viabilité du projet, « les jurés peuvent bien sûr décider de renoncer à leur investissement », poursuit Catherine Barba.

Entre 6 mois et un an lors d'une levée de fonds classique

Pour Stéphanie Delestre, cofondatrice de Qapa et investisseuse, le temps de réflexion pour investir n’a en revanche « rien à voir » avec la réalité. « On doit prendre une décision en 20 à 40 minutes alors qu’il se passe entre six mois et un an lors d’une levée de fonds classique », souligne-t-elle. Après avoir annoncé une intention d’investir sur le plateau, il peut donc se passer beaucoup de choses. « Parfois les startups sont déjà en train de lever des fonds et ne le disent pas. Et l’émission peut avoir des effets incroyables sur elle, en boostant leur chiffre d’affaires. Parfois, elles ne sont donc plus trop d’accord avec les conditions qui ont été annoncées au moment du tournage », souligne Stéphanie Delestre.

C’est ce qu’a vécu Dijo, en « changeant d’échelle du jour au lendemain. » La startup qui commercialise des probiotiques naturels à réaliser en un mois son chiffre d'affaires de l’année précédente. « L’émission a été diffusée en 2023. On est passé d’un million d’euros de chiffre d’affaires à 5 millions. On n’avait pas les stocks donc c’était pas évident à gérer. On a passé six mois dans une machine à laver », souligne Lisa Souloy, la cofondatrice.

Deux propositions refusées par la startup Dijo

Pendant l’émission, elle et son associée, Anouk Le Terrier, ont refusé les deux propositions qu’elles ont reçues. « A cette époque, on sortait à peine du garage de la mère d’Anouk dans lequel on mettait nos produits en carton. On était de jeunes entrepreneuses, très stressées à l’idée de passer devant 2 millions de téléspectateurs. Et pour nous, l’objectif était de convaincre Isabèle Chevalier. L’investisseuse qui connaît le mieux notre secteur et qui est renommée sur le marché des probiotiques. »

Mais voilà, à l’issue de leur pitch, Isabèle Chevalier n’a pas souhaité investir dans Dijo. « Notre monde s’est écroulé et on s’est dit que personne ne voudrait investir chez nous », confie Lisa Souloy. Pourtant, les deux fondatrices de la startup ont reçu deux offres, de la part d’Eric Larchevêque et de Delphine André. « On était à la fois super honorées et à la fois pas convaincues de leur volonté d’investir dans notre projet. Ils étaient plus intéressés par le côté business que par l’ADN de la boîte dans laquelle on a investi toutes nos économies et pour laquelle on faisait tout nous même depuis trois ans… On était pétrifié et on n’avait pas les épaules pour leur demander ce qui les motivait vraiment à investir chez nous. Et ça nous a amené à refuser… »

Deal raté pour Yacon & co après QVEMA

Lors de la dernière saison, l’investissement annoncé par Kelly Massol dans Yacon & co, qui met au point un sucrant naturel, est lui aussi tombé à l’eau. Après avoir encensé la marque, l’investisseuse avait répondu favorablement à la demande des entrepreneurs, en annonçant sa volonté d’investir 250 000 euros pour 5 %. Mais finalement, le deal n’a jamais eu lieu. « On ne s’est pas mis d’accord sur les clauses figurant dans la term-sheet », précise Raphaella Nolleau, la cofondatrice.

En dehors du plateau, « certains deals se concrétisent quand même », assure Stéphanie Delestre, qui souligne que c’est aussi « une chance d’avoir une émission sur l’entrepreneuriat sur une grande chaîne. »