Quelles perspectives pour Malt en 2025 ? La question se pose alors que le marché du freelancing est en pleine consolidation et qu’une page s’est tournée l’an passé avec le départ d’Alexandre Fretti, qui dirigeait la société française aux côtés de Vincent Huguet. Maddyness a rencontré ce dernier au siège de Malt, non loin de Madeleine à Paris. Une adresse un peu particulière puisqu’elle héberge également un espace de coworking de 90 mètres carrés pour permettre à une vingtaine de freelances inscrits sur Malt de bénéficier d’un cadre de travail optimal au cœur de la capitale.

Le calme qui règne dans les lieux laisse transparaître une certaine sérénité en cette fin de premier trimestre. Et pour cause, rentable depuis trois ans en France, l’entreprise tricolore s'apprête à franchir un nouveau cap. «Cette année, nous serons profitables au niveau groupe», se réjouit Vincent Huguet, co-fondateur et PDG de Malt. L’entreprise a bouclé l’année 2024 avec un chiffre d’affaires de 800 millions d’euros, en progression de 30 %. Elle s’attend à une traction similaire cette année, ce qui lui permettrait de franchir le cap symbolique du milliard d’euros de revenus.

«Il y a 10 ans, les grands groupes ne savaient pas ce qu’était un freelance»

Fondée en 2013 par Vincent Huguet, Jean-Baptiste Lemée et Hugo Lassiège, la société, qui s’appelait Hopwork à ses débuts, a pris une sacrée envergure avec sa plateforme permettant de mettre en relation les freelances avec les entreprises. Le marché n’a jamais cessé de monter en puissance, malgré des vents contraires. «D’une certaine manière, nous avons créé le marché et d’autres acteurs se sont engouffrés dans notre sillage. Il y a 10 ans, les grands groupes ne savaient pas ce qu’était un freelance. Aujourd’hui, ce n’est plus un sujet», souligne Vincent Huguet. Avant d’ajouter : «Il y aura 1 million de freelances en Europe cette année chez Malt.»

Face à une concurrence qui s’est durcie (et les récentes annonces de Crème de la Crème et Comet le rappellent), l’entreprise française affiche son optimisme quant à l’évolution du marché. «Le nombre de nouveaux freelances ne faiblit pas. Il y a une vraie envie de liberté. Dans les entreprises, le Graal est de devenir manager, mais certains salariés veulent juste rester des experts dans le domaine qu’ils affectionnent. Or s’ils veulent évoluer, ils sont forcément contraints de sortir du modèle traditionnel. Par conséquent, les meilleurs experts restent des experts, car ils ne veulent pas jouer le jeu du management», analyse le patron de Malt. «Le marché est plus dur, bien que toujours en croissance. Nous ne sommes pas sur un marché ‘winner takes all’, mais ‘winner takes most’. En ce moment, on assiste à une explosion au niveau des profils spécialisés dans l’IA générative», ajoute-t-il. Dans ce contexte, ce sont 20 000 freelances supplémentaires qui s’inscrivent chaque mois sur Malt, dont 10 000 en France.

«Nous avons appris à mieux connaître nos grands comptes»

Cependant, la bataille ne se joue pas que dans l’Hexagone. En effet, Malt a cherché à s’étendre au niveau de toute l’Europe (France, Belgique, Pays-Bas, Espagne, Suisse, Danemark…), notamment en Allemagne, son deuxième marché après la France. «Le marché allemand est assez compliqué. C’est un marché décentralisé où il faut créer de la confiance. J’y suis allé juste après le Covid. L’économie a eu du mal à repartir là-bas», note Vincent Huguet.

Si l’Allemagne constitue un marché complexe, le patron de Malt se réjouit de la capacité de son entreprise à emmener les grands groupes dans différents pays pour répondre à leurs besoins en matière de freelancing. «En 2024, nous avons appris à mieux connaître nos grands comptes et à les amener ailleurs. Nous avons une équipe de commerciaux au niveau global pour orchestrer les grandes comptes et cela porte ses fruits. Certains des clients que nous avions en Allemagne et Royaume-Uni, nous les avons aussi au Moyen-Orient désormais», se félicite Vincent Huguet. «L’essentiel de nos revenus provient de grandes entreprises, du type CAC 40», ajoute-t-il. Au total, Malt revendique actuellement 70 000 entreprises clientes, dont Allianz, L’Oréal ou encore TotalEnergies.

«Une entrée en Bourse n’est pas à l’ordre du jour»

Pour conserver son leadership sur le marché du freelancing, une nouvelle levée de fonds est-elle nécessaire. Le dernier tour de table de la société remonte à juin 2021 et s’élevait à 80 millions d’euros. «Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle levée de fonds», balaie d’entrée de jeu Vincent Huguet. Avant d’ajouter : «Si nous nous déployons aux États-Unis, la question se posera. Pour l’instant, les fonds qui nous accompagnent n’ont aucune urgence à sortir. Nous sommes sur un marché de 500 milliards d’euros en Europe, avec 6 millions de freelances, et nous n’avons capté qu’une petite partie de celui-ci.»

Quid alors d’une introduction en Bourse ? «J’ai toujours pensé qu’on construisait une entreprise qui serait éligible à une potentielle IPO. Mais le marché n’est probablement pas prêt, surtout en Europe. Donc ce n’est pas à l’ordre du jour», répond le PDG de la société. Néanmoins, sa motivation reste intacte pour emmener Malt vers les sommets. «Je reste hyper excité par ce que je fais. Je sais où je veux emmener cette entreprise, je n’ai pas prévu d’aller vivre à la plage (Rires.)», assure le PDG. «C’est un marché encore hyper profond. Construire de très belles boîtes en Europe, cela prend du temps. Je veux que ma boîte me survive», conclut-il.