L’intelligence artificielle (IA) ne vaut que par ce qu’elle comprend. Et ce qu’elle comprend dépend du contexte. Cette évidence devient aujourd’hui la clef de voûte de la productivité augmentée.
Depuis l’explosion de l’IA générative, un paradoxe s’installe : l’adoption est fulgurante, mais les résultats sont souvent décevants. Les entreprises multiplient les tests, les copilotes, les chatbots… sans transformation profonde. C’est l’un des constats majeurs du livre blanc "AI for Work", publié en 2025 par le cabinet de management de transition BlueBirds, la startup française Cominty et Figaro Emploi, après une enquête qualitative menée auprès de plus de 40 dirigeants représentant plus de 150 000 emplois.
Pourquoi cette déconnexion ? Parce que le progrès ne se mesure pas à la quantité, mais à la justesse, à la valeur, à l’impact. L’efficacité, dans une économie complexe, ne consiste plus à faire plus, mais à faire mieux avec moins. Cela signifie moins d’efforts gaspillés, moins d’interfaces fragmentées, et moins de bruit pour plus de signal. Ce que nous devons viser : une IA qui libère l’attention plutôt qu’elle ne la capte. Une IA adaptée au contexte, et non un modèle générique plaqué.
La fin de l’IA générique, le début de l’IA systémique
Ce qui manque aujourd’hui n’est pas la performance des modèles, mais les connexions, entre l’IA et les outils métier, entre les données et les décisions, et entre les collaborateurs et les savoirs. “L’IA fonctionne sur des parties de processus, mais elle n’est pas encore suffisamment intégrée.” selon Jean-Marc Guidicelli, Partner Digital chez Axys consultants.
L’intelligence ne réside plus dans le modèle seul, mais dans la circulation du contexte. Comme dans un cerveau, c’est la qualité des connexions — pas la puissance isolée d’un neurone — qui produit la compréhension et l’action.
C’est dans cette logique que se développent aujourd’hui les systèmes d’IA pour les entreprises, avec une architecture interconnectée, multi-agent, multi-LLM, orchestrée by design autour de cas d’usage métiers. Dans ces systèmes, chaque agent IA remplit une fonction ciblée : par exemple, extraire des données d’une application CRM, consulter l’historique à partir de documents internes, reformuler une note selon la doctrine managériale, produire un rapport aligné sur les normes de l’entreprise, identifier les personnes à solliciter sur un sujet donné, faire des résumés de visioconférences ou encore aller chercher des données à jour via le web.
Ensemble, ces agents forment un réseau nerveux distribué, capable d’agir de façon fluide, cohérente et contextualisée. Et surtout, toutes les tâches finissent par être centralisées dans un système unique, pour casser les silos. “Il n’y aura pas une IA, mais plusieurs IA qui collaborent ensemble", souligne Stéphane Anfosso, DG de Figaro Classifieds.
Cette logique est accélérée par des solutions comme le Model Context Protocol (MCP), proposé par Anthropic : une norme ouverte qui permet de connecter les IA à Google Drive, Slack, Notion, Salesforce… sans intégration sur mesure.
Le passage à l’échelle n’est pas une affaire de technologie. Il découle directement du choix de l’architecture mise en place : un système central capable de s’adapter, de s’intégrer, de coopérer. C’est, en réalité, aussi un choix stratégique, de gouvernance et de souveraineté, que ces systèmes rendent possible.
Les dirigeants interrogés dans le Livre blanc AI for Work insistent d’ailleurs sur la nécessité de maîtriser les flux, les accès, la supervision — sans dépendance aux géants de la tech américaine. C’est aussi un choix managérial : intégrer l’IA dans le cerveau opérationnel de l’entreprise, pas simplement la superposer à ses outils.
Une IA à la bonne place
Les premiers chiffres valident ce cap. 20 à 30 % des gains de productivité sont anticipés dans les entreprises qui sont à la pointe de l'adoption de l'IA (Source : Accenture — The Productivity Payoff, octobre 2024) et jusqu’à 43 % de gain de temps selon la tâche réalisée par l’IA (ibid.) Mais ces gains ne seront durables que si l’IA comprend avant d’agir. Pas une IA pour tous. Une IA faite pour chacun. Une IA contextuelle, à la bonne place.
Fariha Shah interviendra à la table ronde “L'IA pour travailler moins ou l'IA pour travailler mieux ?” de 9h30 à 10h00 à la MKIA, à la salle Gaveau, le 29 avril.